Les ambitions aéronavales chinoises freinées par un déficit de pilotes et de spécialistes confirmés?

En décembre 2019, la marine chinoise a officiellement mis en service le CNS Shandong, son deuxième porte-avions qui, contrairement au premier, le CNS Liaoning, a été construit localement. Ces deux navires sont en configuration STOBAR, c’est à dire que leurs avions de combat embarqués J-15 « Flying Shark » décollent grâce à un tremplin.

Les porte-avions qui suivront seront en configuration CATOBAR [Catapult Assisted Take-Off But Arrested Recovery], c’est à dire qu’ils disposeront de catapultes pour faire décoller leurs chasseurs embarqués, comme ceux de la Marine nationale française et de l’US Navy.

Au total, la Chine entend disposer de cinq ou six porte-avions à l’avenir. Mais construire un navire est une chose. Faire en sorte qu’il soit pleinement opérationnel en est une autre… Or, en matière d’aviation embarquée, la marine chinoise a encore presque tout à apprendre…

Ainsi, quand le CNS Lioaoning fut mis en service, en septembre 2012, il n’avait pas encore connu son premier appontage [ce qui sera toutefois le cas deux mois plus tard]. Et il aura fallu attendre quatre ans de plus pour voir un J-15 apponter de nuit.

Opérer depuis un porte-avions n’est pas un sport de masse… Avant de déployer le CNS Liaoning, la marine chinoise avait entraîné ses pilotes à apponter avec une maquette du pont d’envol à l’échelle 1:1, construite sur la terre ferme. Or, cela n’a rien à voir avec les conditions rencontrées en mer, où il faut prendre en compte les conditions météorologiques [vent, pluie] et, évidemment, les mouvements du navire [tangage, roulis et pilonnement, c’est à dire le mouvement de haut en bas de la coque].

En outre, les choses se compliqueront pour la chasse embarquée chinoise quand il lui faudra opérer depuis un porte-avions en configuration CATOBAR… Et elle ne pourra pas compter sur des formations cousues main auprès de ses homologues française et américaine.

Qui plus est, la construction de trois ou quatre autres porte-avions ne fera qu’accroître le besoin de pilotes confirmés : il devrait en falloir 210 à 280 de plus environ. Même chose pour le personnel de pont, qui règle les opérations aériennes avec la précision d’un chronographe suisse. Aussi, la marine chinoise doit relever deux défis : recruter et former suffisamment de pilotes et de spécialistes pour atteindre les objectifs qui lui ont été donnés.

Or, selon le South China Morning Post, la marine chinoise connaît déjà une « pénurie de pilotes », ce qui « freine les ambitions de Pékin visant à développer une flotte vraiment prête au combat ».

« Les implications de l’aviation embarquée sont encore relativement peu connues de l’APL [Armée populaire de libération, ndlr], en particulier quand il s’agit d’augmenter le rythme de la formation et du recrutement », a expliqué Collin Koh, chercheur à la S Rajaratnam School of International Studies de l’Université technologique de Nanyang à Singapour, au South China Morning Post.

Qui plus est, la formation des pilotes embarqués chinois est régulièrement affectée par des accidents mortels. Ce qui est généralement mis sous le boisseau par l’APL, selon Collin Koh, afin de ne pas dissuader les recrues portentielles.

Au manque de pilotes vient s’ajouter celui du J-15 « Flying Shark », qui, construit seulement à une vingtaine d’exemplaires, connaît des « problèmes de conception« , avec déjà 4 accidents survenus entre 2016 et 2018.

« Le nombre insuffisant d’avions de combat embarqués et la formation nécessaire pour un pilote naval qualifié sont les deux principales raisons pour lesquelles la Chine manque de pilotes maintenant », a admis Li Jie, un expert militaire basé à Pékin, dans les colonnes du South China Morning Post. Pour autant, il n’est pas inquiet pour l’avenir. « Mais comme la Chine met de plus en plus l’accent la formation des pilotes, le problème sera progressivement résolu », a-t-il assuré.

Effectivement, l’Académie de l’aviation navale chinoise a noué des partenariat avec les trois principales universités du pays pour identifier et recruter de futurs pilotes. Et des « classes expérimentales d’aviation navale » ont été mises en place dans les écoles secondaires.

« Chaque classe recrute 50 étudiants, qui bénéficient d’une bourse et seront inscrits sur une liste prioritaire pour être admis comme pilote naval », explique le SCMP. Reste à voir si cela sera suffisant…

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