L’Union européenne fait part de sa « grave inquiétude » au sujet d’une intervention militaire turque en Libye

Sans surprise, le 2 janvier, le Parlement turc a adopté une motion permettant au président Recep Tayyip Erdogan de lancer une intervention militaire visant à soutenir le Gouvernement d’union nationale [GNA] de Tripoli face à l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, lequel a le soutien du Parlement libyen replié à Tobrouk depuis 2014.

Dans le détail, la motion votée par les députés turcs autorise, pour un an, une intervention visant à « protéger les intérêts de la Turquie en Méditerranée, de prévenir le transit de migrants clandestins, d’empêcher les organisations terroristes et les groupes armés de proliférer, d’apporter une aide humanitaire au peuple libyen. »

Dans la foulée, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, a convoqué une réunion du Conseil de sécurité nationale, qui comprend les ministres de la Défense, des Affaires étrangère et de l’Intérieur, ainsi que les responsables des services de renseignement, pour évoquer les conséquences qu’est suceptible d’avoir l’envoi de militaires turcs en Libye.

Soutien du maréchal Haftar, le président al-Sissi avait déjà mis en garde la Turquie contre un appui au GNA, après la signature par ce dernier d’un accord militaire avec Ankara. Ayant estimé que le conflit libyen représentait une menace pour la sécurité de l’Égypte, il avait affirmé que Le Caire n’autoriserait « personne à contrôler la Libye. »

Cette semaine, le président égyptien a évoqué la situation avec son homologue français, Emmanuel Macron. Selon l’Élysée, les deux responsables ont souligné les « risques d’une escalade militaire » en Libye et appelé « l’ensemble des acteurs internationaux et libyens […] à la plus grande retenue. »

« Ils ont exprimé leur volonté qu’un accord politique soit trouvé dans le cadre des Nations unies, dans le respect des principes agréés à Paris, Palerme et Abou Dhabi, afin de restaurer l’unité et la pleine souveraineté de la Libye », a précisé la présidence française. Et d’ajouter : « Ils sont convenus d’agir en étroite coordination dans la perspective de la conférence de Berlin et pour faciliter une relance décisive des négociations interlibyennes. »

En outre, Paris et Le Caire affichent la même position au sujet de l’accord sur les frontières maritimes qui, conclu par le GNA et Ankara, permet à la Turquie d’étendre significativement ses juridictions maritimes, avec, dans la ligne de mire, les réserves de gaz naturel découvertes au large de Chypre.

Ainsi, toujours selon l’Élysée, MM. Macron et al-Sissi ont « estimé que le protocole d’accord conclu entre la Turquie et la Libye sur la délimitation de leurs juridictions maritimes était contraire au droit de la mer » et « sont convenus de rester en étroit contact à ce sujet. »

L’Union européenne, qui a déjà sanctionné la Turquie pour ses forages dans la zone économique exclusive de la République de Chypre, a fait part de sa « grave inquiétude » au sujet de l’intervention militaire turquie qui se prépare [et qui a d’ailleurs déjà commencé, avec l’envoi à Tripoli de combattants de groupes armés syriens soutenus par Ankara, nldr]

« L’UE réaffirme sa conviction ferme qu’il n’existe pas de solution militaire à la crise libyenne », a affirmé le porte-parole de Josep Borrell, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

« Les actions en faveur de ceux qui combattent dans le conflit ne feront que déstabiliser davantage le pays et la région au sens large. Il est impératif que tous les partenaires internationaux respectent pleinement l’embargo sur les armes imposé par l’ONU et soutiennent les efforts du Représentant spécial des Nations Unies, Ghassan Salamé, ainsi que le processus de Berlin. C’est la seule voie vers une Libye pacifique, stable et sûre », a-t-il ajouté.

Avant cette déclaration, le président américain, Donald Trump, qui est plutôt conciliant à l’égard du maréchal Haftar, dans les troupes sont à l’assaut de Tripoli depuis avril 2019, a mis en garde M. Erdogan contre « toute ingérence étrangère » pouvant « compliquer » la situation en Libye. Et la Grèce, la République de Chypre et Israël, qui viennent de signer un accord sur le gazoduc EastMed, ont aussi dénoncé une « menace dangereuse pour la stabilité régionale ».

Quoi qu’il en soit, et comme on voit mal M. Erdogan faire machine arrière, il reste à voir la forme que prendra cette intervention militaire. Elle aura lieu « sol, sur mer et dans les airs si nécessaire », a déjà assuré le président turc.

Cela, le 1er janvier, le vice-président tur, Fuat Oktay, a expliqué que l’ampleur de cette intervention serait déterminée par les « développements au sol » et qu’Ankara espérait que le vote du Parlement aurait un « effet dissuasif ».

« Après le vote, si l’autre camp [pro-Haftar] change d’attitude et dit On se retire, on arrête l’offensive, alors pourquoi y aller? », a-t-il dit.

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