Chef de l’unité d’élite des Gardiens de la révolution, le général iranien Soleimani a été tué dans un raid américain

 

« Une étincelle, un faux pas ou une erreur d’interprétation » peut « provoquer un brasier » dans la région du golfe persique, avait prévenu Florence Parly, la ministre des Armées, alors qu’elle se trouvait à bord de la frégate « Courbet » pour la Nouvel An….

Et l’étincelle pourrait bien être la mort du général Qassemn Soleimani, le commandant d’al-Qods, l’unité d’élite Gardiens de la révolution [Pasdarans] et, à ce titre, homme clé de l’influence de iranienne au Moyen-Orient, plus particulièrement en Irak et en Syrie.

Durant la nuit du 2 au 3 janvier, une frappe américaine contre un convoi de véhicules circulant dans l’enceinte de l’aéroport de Bagdad aura été fatale au général Soleimani, de même qu’à Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux et chef opérationnel du Hachd al-Chaabi, l’alliance de milices chiites irakiennes pro-Iran responsable de la récente attaque de l’ambassade des États-Unis implantée dans la zone verte de la capitale irakienne.

Pour rappel, cet épisode avait été déclenché par des frappes décidées par Washington contre des positions de la milice Kata’ib Hezbollah [KH], tenue pour responsable de plusieurs attaques contre des bases irakiennnes abritant des militaires américains au cours de ces dernières semaines.

« Sur ordre du président, l’armée américaine a pris des mesures défensives décisives pour protéger le personnel américain à l’étranger en tuant Qassem Soleimani », a sobrement indiqué le Pentagone via un communiqué.

Les Gardiens de la révolution [considérés comme terroristes par les États-Unis, ndlr] ont rapidement confirmé la mort du général Soleimani, présenté comme étant l’émissaire de Téhéran pour les affaires irakiennes.

« Les Gardiens de la révolution annoncent que le glorieux commandeur de l’Islam, Haj Qassem Soleimani, au terme d’une vie de servitude, est mort en martyr dans une attaque de l’Amérique contre l’aéroport de Bagdad ce matin », ont-ils indiqué par une déclaration lue à la télévision d’État iranienne.

Chef d’une milice locale, Abou Mountathar al Husseini, a expliqué, à l’agence Reuters, que Soleimani et al-Mouhandis se trouvaient tous les deux à bord d’un véhicule frappé par deux missiles tirés par un « hélicoptère américain » [*] alors que le convoi quittait le terminal des arrivées de l’aéroport. « Les criminels américains disposaient d’informations détaillées sur les mouvements du convoi », a-t-il estimé.

Âgé de 62 ans, le général Soleimani avait pris les rênes de l’unité al-Qods à la fin des années 1990. Décrit comme étant un brillant tacticien, il s’était attaché à soutenir les mouvements armés chiites, notamment au Liban, où il était présent lors du conflit de 2006 ayant opposé Israël au Hezbollah. Pour les États-Unis, il serait responsable de la mort de plusieurs centaines de militaires américains durant l’intervention en Irak [2003-2011].

En 2012, le général Soleimani avait engagé ses troupes en Syrie, notamment pour y encadrer des milices chiites déployées en soutien du régime de Bachar el-Assad. À plusieurs reprises, ces dernières années, les positions de l’unité al-Qods furent visées par des frappes israéliennes, soit en représailles à des actions contre Israël, soit pour empêcher des transferts d’armes au Hezbollah libanais, voire aux groupes armés palestiniens.

Par ailleurs, en 2015, le général Soleimani s’était rendu à Moscou, quelques semaines seulement avant l’intervention militaire russe en Syrie. Ce qui avait soulevé des interrogations à l’époque, d’autant plus que le chef de l’unité al-Qods étaient visé, depuis 2007, par des sanctions internationales lui interdisant de voyager à l’étranger.

Avec l’émergence de l’État islamique [EI ou Daesh], le général Soleimani avait supervisé l’aide fournie par l’Iran aux milices chiites irakiennes réunies sous la bannière du Hachd al-Chaabi. Il fut même présent lors de certaines opérations, comme à Tikrit, en 2015. En outre, la force al-Qods serait impliquée [mais l’Iran s’en défend] dans le soutien fourni aux miliciens Houthis qui affrontent une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite au Yémen.

En Iran, le général Soleimani était une figure très populaire. C’est « un mélange de James Bond, Rommel et Lady Gaga », avait résumé Kenneth Pollack, un ancien analyste de la CIA.

Quoi qu’il en soit, la mort du chef d’al-Qods risque de contrarier les plans devant permettre à Téhéran de renforcer sa mainmise sur l’Irak, qui traverse par ailleurs une grave crise sociale et politique. La répression des manifestations, attribuée au Hachd al-Chaabi, a déjà fait plusieurs centaines de victimes.

Et cela d’autant plus que la mort d’Abou Mountathar al Husseini [alias Jamal Jaafar Ibrahimi] est un autre coup dur pour l’Iran. Possédant la double nationalité [iranienne et irakienne], et donc numéro deux du Hachd al-Chaabi, il est lié à tous les réseaux iraniens en Irak. Dans les années 1980, il était l’un des principaux chefs des brigades Badr, c’est à dire des unités de combattants irakiens formées en Iran pour combattre les troupes de Saddam Hussein. Il aurait été impliqué dans les attentats commis contre les ambassades de France et des États-Unis au Koweït en 1983.

« Véritable chef opérationnel du Hachd – même s’il est officiellement numéro deux -, il a travaillé assidûment à faire du Hachd une organisation jamais totalement sous le contrôle du Premier ministre ou la commande des forces régulières », a expliqué, à l’AFP, Michael Knights, spécialiste américain du Moyen-Orient.

Quoi qu’il en soit, l’Iran a promis qu’il se vengerait de la mort du général Soleimani. « Il n’y a aucun doute sur le fait que la grande nation d’Iran et les autres nations libres de la région prendront leur revanche sur l’Amérique criminelle pour cet horrible meurtre », a déclaré Hassan Rohani, le président iranien.

Par ailleurs, ayant pourtant refusé se ranger dans le camp pro-Iran pour former un gouvernement à l’issue des élections législatives de mai 2018, l’influent leader chiite irakien Moqtada Sadr, qui joue un jeu trouble, a annoncé avoir réactivé « l’Armée du Mahdi », une milice anti-américaine dissoute en 2008. Au même moment, Qaïs al-Khazali, le chef d’Assaïb Ahl al-Haq, une des plus importantes milices du Hachd al-Chaabi, appelé ses combattants à « tenir prêts », leur promettant une « conquête proche et une grande victoire. »

[*] Un responsable américain a précisé plus tard que la frappe avait été réalisée par un drone [MàJ – 02/01/2020 – 18h14]

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