Tokyo approuve une huitième hausse consécutive de ses dépenses militaires

Le Japon n’a jamais vraiment cru que le dialogue entre Pyongyang et Washington au sujet de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, commencé il y a près de deux ans, allait aboutir. Ainsi, en août 2018, le ministère japonais de la Défense avait estimé que la Corée du Nord représentait toujours une « menace grave et imminente ». Et la suite des évenènements lui donnent pour l’instant raison.

En effet, après une phase de détente, en 2018, marqué notamment par le rapprochement entre le Sud et le Nord, les discussions sont actuellement dans l’impasse et le régime nord-coréen, qui peut compter sur la « bienveillance » de la Chine et de la Russie [qui ont récemment proposé d’alléger les sanctions visant la Corée du Nord], a indiqué avoir mené des tests « cruciaux » sur son site de lancement de satellites de Sohae. Et, selon l’imagerie satellitaire, il aurait fait agrandir l’usine de Yeongjeo-dong, qui produit des missiles à longue portée.

En outre, Pyongyang a multiplié les déclarations incendiaires au cours de ces dernières semaines, allant jusqu’à promettre un « cadeau de Noël » si les États-Unis ne changeaient pas d’approche à son égard d’ici la fin de cette année.

« Il est regrettable que dans leur ton ces déclarations à l’encontre des États-Unis, de la Corée du Sud, du Japon et de nos amis en Europe aient été si hostiles, si négatives et si malvenues. Les États-Unis n’ont pas besoin d’un ultimatum, nous avons un objectif », fait valoir Stephen Biegun, l’émissaire américain pour la Corée du Nord, la semaine passée.

L’une de ces déclarations a d’ailleurs visé Shinzo Abe, le Premier ministre japonais. « On peut dire que Abe est un idiot et l’homme le plus stupide de l’Histoire car il n’arrive pas à distinguer un missile d’un [lanceur de missiles multiples de très grande dimension] », a ainsi déclaré un responsable du ministère des Affaires étrangères nord-coréen, dans une déclaration faite à l’agence officielle KCNA. « Abe pourrait voir ce qu’est un véritable missile balistique dans un avenir proche et sous son nez… Abe n’est qu’un parfait imbécile », a-t-il menacé.

Outre la menace nord-coréenne, le Japon fait aussi face aux revendications chinoises concernant les îles Senkaku ainsi qu’à une activité militaire russe élevée aux abords de ses frontières. Pour rappel, Tokyo et Moscou n’ont toujours pas signé de traité de paix depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Qui plus est, l’archipel entretient des relations parfois tendues avec la Corée du Sud.

Aussi, ce contexte ne peut que favoriser une hausse des dépenses militaires japonaises, en progression continue depuis 2012. En septembre, le ministère nippon de la Défense avait demandé une hausse relativement significative de ses moyens. Et il a obtenu gain de cause, même si le budget dont il devrait disposer pour la prochaine année fiscale [qui commencera en avril 2020] sera légèrement moins important par rapport à ce qu’il espérait.

Ainsi, le 20 décembre, le cabinet japonais a approuvé un projet de loi de finances d’un montant global de 938 milliards de dollars. Un record. S’il est question d’une hausse significative des dépenses de sécurité sociale, en raison du vieillissement de la population, le montant du budget militaire nippon progressera de 1,2%, pour atteindre les 48,6 milliards de dollars [5.31 trillions yen].

Depuis 2012, les dépenses militaires japonaises ont augmenté de 13%. Mais leur niveau reste toutefois inférieur à 1% du PIB. Fixée en 1976 par le Premier ministre Miki Takeo, cette limite a été abolie en 1987. Mais elle reste un « concept puissant et tacite » explique le portail japonais Nippon.com.

Cette huitième hausse consécutive du budget japonais de la Défense, sur laquelle le Parlement nippon aura à se prononcer, doit permettre de financer la mise en place d’une première unité d’opéraions spatiales au sein de la Force aérienne d’autodéfense, l’espace faisant désormais partie des priorités de Tokyo. Des fonds supplémentaires seront affectés à la cybersécurité, notamment pour recruter jusqu’à 70 opérateurs supplémentaires. L’espace et le cyberespace ont été décrits par le dernier Livre blanc sur la défense comme ayant le potentiel de « changer fondamentalement le paradigme existant de la sécurité nationale. »

Outre le renforcement de certaines capacités, comme, par exemple, la défense antimissile, la patrouille maritime, les forces amphibies, les sous-marins ou encore le ravitaillement en vol, ce budget doit financer le développement de nouveaux projets. Comme celui concernant la mise au point d’un avion de guerre électronique… ou bien encore d’un chasseur-bombardier de nouvelle génération appelé à remplacer le F-2 [version locale du F-16, ndlr] de l’aviation nippone à l’horizon 2030.

Par le passé, Tokyo a financé le démonstrateur ATD-X [rebaptisé X-2 par la suite], un avion furtif développé par Mitsubishi. « Nous avons terminé les tests que nous avions planifiés mais rien n’est déterminé quant à l’avenir du X-2 », avait confié un responsable du projet à Flight Global.

A priori, il s’agirait de concevoir un nouvel avion de combat, sur la base du X-2 et en partenariat avec un industriel européen [BAE Systems, en l’occurrence] ou américain. D’où, d’ailleurs, la proposition faite en 2018 par Lockheed-Martin et reposant sur un appareil combinant les caractéristiques du F-35 et du F-22.

Justement, s’agissant du F-35, le projet de budget prévoit d’en acquérir 9 exemplaires, dont 6 en version STOVL [F-35B, à décollage court et à atterrissage vertical]. Ces appareils seront mis en oeuvre depuis les deux « destroyers porte-hélicoptères » de classe Izumo, qui seront transformés en porte-aéronefs.

Pour rappel, le Japon veut se doter de 42 F-35B et de 105 F-35A [dont 42 ont été commandés à ce jour].

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