Acteur majeur de l’industrie britannique de défense, Cobham passe sous pavillon américain
En novembre, 17 députés ont signé une lettre interpellant le Premier ministre, Édouard Philippe, au sujet du sort des groupes Photonis et Latécoère, alors susceptibles d’être repris par des fonds américains, malgré leurs innovations susceptibles d’intéresser les forces françaises.
« Notre autonomie stratégique repose sur notre aptitude à maîtriser des compétences scientifiques, technologiques et industrielles clés », plaidèrent les parlementaires, qui en appelèrent à utiliser les dispositions prévues par l’article R 153 du Code monétaire et financier pour préserver les intérêts de la France.
Depuis, la société d’investissement américaine Searchlight Capital Partners a réussi l’offre publique d’achat [OPA] qu’elle avait lancée en juillet dernier, en mettant la main sur 65,55% du capital et au moins sur 64,75% des droits de vote de Latécoère.
Pourtant, selon les 17 députés, cette OPA avait de quoi susciter de « nombreuses questions pour la préservation du savoir-faire de la base industrielle et technnologique de défense française au moment même où l’on défend le concept d’autonomie stratégique européenne face à l’extra-territorialité du droit américain et la réglementation ITAR. »
Le même scénario vient de se jouer pour le groupe Cobham, l’un des fleurons de l’industrie britannique de la Défense d’outre-Manche. Spécialisé dans le ravitaillement en vol, l’électronique, les communications et les services aéronautiques, vient de passer sous pavillon américain, et en particulier sous celui du fonds Advent International, malgré les réserves du ministère britannique de la Défense [MoD] et celles de la famille Cobham.
Fin octobre, le MoD avait fait valoir que cette opération, évaluée à 4 milliards de livres sterling, posait des problèmes de sécurité nationale, comme « la possibilité pour toutes les parties à la transaction d’avoir accès à des informations qui, détenues ou transitant par les systèmes de Cobham, permettraient à des personnes non autorisées de comprendre le détail des capacités et des activités » des forces britanniques.
En outre, le ministère s’inquiétait de l’impact que ce rachat pourrait avoir sur les programmes d’armement en cours, surtout si le nouveau propriétaire du groupe décidait « d’abandonner, de sous-investir ou de délocaliser » certaines capacités clés.
Cela étant, c’est à la veille des vacances de Noël que le gouvernement britannique a finalement donné son accord au rachat de Cobham par Advent International. Ce que les opposants à cette opération ont par ailleurs dénoncé.
Selon Andrea Leadsom, la secrétaire d’État britannique aux Affaires, à l’Énergie et à la Stratégie industrielle, le fonds américain aurait donné toutes les garanties nécessaires s’agissant de la sécurité nationale. La décision a été « méticuleusement réfléchie » et elle a été prise « après avoir pris conseil auprès du secrétaire à la Défense et du conseiller adjoint à la sécurité nationale », a-t-elle assuré, après s’être dit « convaincue que les risques identifiés avaient été atténué à un niveau acceptable. »
« Les informations sensibles du gouvernement continueront d’être protégées par le nouveau propriétaire et les contrats existants seront respectés », a encore affirmé Mme Leadsom.
« Je pense qu’il est très important que nous ayons une économie de marché ouverte et dynamique », a, de son côté, répondu Boris Johnson, le Premier ministre britannique, alors qu’il était interrogé sur ce rachat. Et d’assurer, lui aussi, que de « nombreux contrôles » avaient été effectués « pour s’assurer que tous les problèmes de sécurité » seraient réglés.
Cependant, tout le monde ne partage pas cet optimisme outre-Manche. Comme le chef de file des libéraux-démocrates, Sir Ed Davey, cité par la BBC. Jugeant l’annonce du rachat de Cobham très préoccupante, il souligné que personne « n’avait encore vu d’éléments prouvant que les préoccupations concernant la sécurité nationales avaient été atténuées. »
« Si Boris Johnson est heureux de vendre à Trump une entreprise leader de la défense et de l’aérospatiale au Royaume-Uni, comment pouvons-nous nous attendre à ce que son gouvernement les autres secteurs de notre économie quand il négociera les accords commerciaux après le Brexit? », s’est interrogé Sir Davey.
Reste que le rachat de Cobham ne concerne pas le seul Royaume-Uni, le groupe britannique étant par exemple impliqué dans les programmes européens A400M et A-330 MRTT, auxquels il fournit les systèmes de ravitaillement en vol.