Vers une intervention militaire égyptienne en Libye si la Turquie envoie des troupes à Tripoli?

La semaine passée, le maréchal Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne [ANL] qui relève des autorités [non reconnues] de Tobrouk, a indiqué, le 14 décembre, qu’il avait donné l’ordre à ses troupes de lancer la bataille « finale » pour s’emparer de Tripoli, contrôlée par le Gouvernement d’entente nationale [GNA], formé sous l’égide des Nations unies.

« L’heure zéro a sonné pour l’assaut large et total attendu par tout Libyen libre et honnête », a en effet affirmé le maréchal Haftar, lors d’un discours télévisé, le 12 décembre.

Pour rappel, après s’en être pris aux groupes jihadites présents dans l’est et le sud de la Libye, l’ANL a lancé une offensive en direction de Tripoli, contre les milices loyales au GNA en avril dernier. Et, depuis, la situation n’a que très peu évolué, comme l’a relevé le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies sur la Libye.

Le maréchal Haftar « qui ambitionnait de s’emparer aisément de Tripoli, alors aux mains d’une multitude de groupes armés localisés, a échoué dans sa tentative […]. Sur le plan territorial, le conflit s’est stabilisé dans la zone de combat de première ligne, les forces armées d’Haftar restant aux abords de Tripoli. Lorsque les
forces armées affiliées au Gouvernement d’entente nationale ont contre-attaqué et pris la ville stratégique de Ghariyan à la fin de juin 2019, la perception publique des capacités opérationnelles des forces armées à Haftar s’est dégradée », lit-on dans ce document.

Et ce dernier d’ajouter : « L’implication d’acteurs internationaux et régionaux, tant étatiques que non étatiques, persiste et va croissant. La fourniture de matériel militaire par des pays tiers et l’intervention directe de groupes armés étrangers dans les combats sont des facteurs de déstabilisation. »

Effectivement, le maréchal Haftar est soutenu par les Émirats arabes unis, l’Égypte, voire la Russie, qui disposerait en Libye d’une centaine de mercenaires salariés par la société militaire privée [SMP] Wagner. En outre, il bénéficie également, selon le rapport de l’ONU, de l’appui de plusieurs groupes armés originaires du Soudan et du Tchad.

De son côté, le GNA et les milices qui le soutiennent peuvent compter sur le Qatar et la Turquie. Ainsi, en novembre, Ankara a signé un accord visant à renforcer sa coopération militaire avec Tripoli. Coopération qui consistait, jusqu’ici, à livrer du matériel militaire [blindés et drones, notamment].

Ainsi, après l’annonce du maréchal Haftar, le chef du GNA, Fayez el-Sarraj, a été reçu par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, au lendemain de la ratificiation de cet accord militaire par le Parlement turc, le 14 décembre. Quelques jours plus tôt, Ankara avait fait évoqué l’envoi éventuel de troupes pour soutenir les autorités de Tripoli face aux forces du maréchal Haftar.

Par ailleurs, et alors que la Turquie lorgne sur les réserves de gaz naturel que recèlent les fonds de la Méditerranée orientale, Ankara et Tripoli ont signé un protocole d’accord sur leurs frontières maritimes respectives, sans se préoccuper de la Grèce, de la République de Chypre et… de l’Égypte.

Et, pour le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, cela ne fait qu’un motif de fâcherie de plus contre le GNA et… Ankara, dont les relations avec Le Caire sont au point mort depuis la destitution, en 2013, de Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans.

Le 16 décembre, le président al-Sissi a tiré une première bordée contre le GNA, en affirmant que ce dernier était « l’otage de milices armées et terroristes. » Des propos qui rejoignent ceux tenus en mai dernier par Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française.

Chez les opposants au maréchal Haftar, « on trouve parmi les miliciens des responsables de hold-up, des spécialistes de la prédation et des jihadistes. [Et il y a aussi] des groupes mafieux de passeurs, qui torturent et mettent en esclavage des migrants. ils ne se battent pas pour Sarraj mais pour la protection de leurs activités criminelles », avait-il avancé dans un entretien donné au quotidien Le Figaro.

Quoi qu’il en soit, le président al-Sissi a également estimé que le « conflit libyen constituait une menace pour la sécurité nationale de l’Égypte ». Puis, a-t-il aussi affirmé, « nous avons la possibilité [d’intervenir en Libye] mais nous ne l’avons pas fait pour maintenir les relations et la fraternité avec le peuple libyen. »

Seulement, alors que le scénario d’une intervention militaire turque semble se préciser, le président égyptien a tiré une seconde bordée. Contre Ankara, cette fois.

« Nous n’autoriserons personne à contrôler la Libye […], c’est une question qui relève de la sécurité nationale de l’Égypte », a en effet déclaré Abdel Fattah al-Sissi, ce 17 décembre, en faisant allusion à la Turquie, selon des médias contrôlés par l’État.

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