Faute de préparation opérationnelle suffisante, l’armée de l’Air risque de perdre des savoir-faire critiques
La Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 a fixé à 180 le nombre d’heures de vol que doit effectuer un pilote de chasse de l’armée de l’Air au titre de son entraînement et de la préparation opérationnelle. Les niveaux sont plus élevés pour les pilotes de transport [320 heures] et d’hélicoptères [200 heures].
Seulement, au regard des indicateurs livrés par les sénateurs Christine Prunaud et Jean-Marie Bockel dans leur rapport pour avis sur les crédits alloués au programme 178 « Préparation et emploi des forces », ces niveaux sont encore loin d’être atteints. Et les parlementaires préviennent qu’il ne faudra pas s’attendre à une amélioration d’ici 2021.
Ainsi, « la capacité de l’armée de l’Air à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France a été revue à la baisse dans le cadre du PLF pour 2020, passant de 75 % à 70 % », avancent M. Bockel et Mme Prunaud. « C’est bien sûr la ‘disponibilité contrainte’, c’est-à-dire en réalité, l’indisponibilité des aéronefs, notamment des Mirage 2000D et des avions de transport tactique qui perturbe la préparation opérationnelle et potentiellement la réalisation du contrat opérationnel », ajoutent-ils.
« En 2018, seuls 80 % des pilotes de chasse et d’hélicoptère et 60 % des équipages de transport tactique ont pu réaliser la totalité des exercices ou des formations prévues par les référentiels d’entraînement, ce qui s’explique par une activité en OPEX [opération extérieure, ndlr] soutenue qui mobilise fortement les équipages les plus expérimentés », ont souligné les rapporteurs.
En 2019, dans le détail, et en moyenne, un pilote de chasse de l’armée de l’Air a réalisé 164 heures de vol. Soit seulement trois heures de plus qu’en 2018. Et il est prévu qu’il en soit de même en 2020. Avec 174 heures de vol, la situation s’améliore progressivement pour les pilotes d’hélicoptères, mais on est encore loin de l’objectif des 200 heures…
S’agissant des pilotes de transport tactique, on est encore loin du compte, avec seulement 219 heures effectuées alors que l’objectif a été fixé à 300 heures. Et cela s’explique par « la faible disponibilité des flottes vieillissantes [C160, C130H] et le retard de montée en puissance des nouveaux appareils [A400M] », ce qui « entrave la réalisation de l’activité prévue. » Aussi, affirment les rapporteurs, « les savoir-faire tactiques sont entretenus avec difficulté et sont maîtrisés par un nombre très limité de cadres. »
Plus généralement, « le défaut d’entraînement se traduit en particulier par une perte progressive de certaines compétences et des difficultés dans la formation des jeunes équipages qui accusent d’importants retards de progression », avertissent les deux sénateurs.
« Plus grave encore, les contraintes de préparation opérationnelle ont conduit à renoncer à entraîner les équipages aux savoir-faire non sollicités en opération. Cela ne permet pas d’atteindre les référentiels fixés, ce qui pourrait se traduire à terme par la perte de savoir-faire indispensables, notamment pour la capacité d’entrer en premier », redoutent-ils encore, avant d’estimer que « l’enjeu consiste désormais à accroître la disponibilité des aéronefs et les effectifs nécessaires au maintien en condition opérationnelle. »
Quant à l’aéronautique navale, « en 2019, l’activité est centrée sur les missions du groupe aérien embarqué à partir du porte-avions, avec un effort sur la formation des jeunes pilotes », rappellent les rapporteurs. « Cela entraîne ainsi une légère baisse de la prévision d’activité pour les pilotes ‘hiboux’ qualifiés pour l’appontage de nuit par rapport à l’objectif du projet annuel de performances [PAP] 2019 malgré une hausse générale de l’indicateur pour tous les pilotes », précisent-ils.
Reste que la cible et la prévision pour 2020 sont « conformes » à la LPM 2019-25. Mieux encore : la « prévision globale actualisée pour 2019 est en revanche meilleure que l’objectif initial du PAP 2019 ».
Photo : © armée de l’Air