La France est « très » préoccupée par « l’entrisme turc » en Libye

Entre le gouvernement d’union nationale [GNA], formé à Tripoli sous l’égide des Nations unies, et celui installé à Tobrouk, soutenu par le Parlement élu en juin 2014 et le maréchal Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne [ANL], la position de Paris n’est pas simple…

D’un côté, la France dit soutenir le « Conseil présidentiel [le GNA, ndlr] issu de l’accord de Skhirat dans ses efforts pour répondre aux attentes de la population ». Mais, de l’autre, elle estime que le maréchal Haftar, qui a lancé ses troupes à l’assaut de Tripoli, fait partie de la « solution » politique qu’elle appelle de ses voeux afin de mettre un terme à la rivalité entre les deux factions qui se disputent le pouvoir.

D’ailleurs, sur le front du combat contre le terrorisme, le maréchal Haftar a été une pièce maîtresse pour la France, dans la mesure où il s’est attaqué, avec succès, aux groupes jihadistes présents dans l’est et le sud de la Libye. D’ailleurs, Paris lui a apporté un soutien militaire dans cette entreprise. Soutien qui a malheureusement été révélé par la mort de trois sous-officiers du Service action de la DGSE, en juillet 2016.

Dans le cadre du dialogue 5+5 qui, instauré en 1990, regroupe les pays des deux rives de la Méditerranée occidentale [France, Espagne, Italie, Malte et Portugal pour l’Europe; Algérie, Maroc, Tunisie, Libye et Mauritanie pour l’Afrique], la ministre des Armées, Florence Parly, a dû faire un numéro d’équilibriste à l’occasion d’une réunion organisée ce 12 décembre à Rome.

Alors que le ministère des Armées a récemment renoncé à livrer des embarcations légères aux gardes-côtes qui, relevant du GNA, sont formés et équipés via l’opération navale européenne EUNAVFOR Sophia, Mme Parly a tenu à « exprimer » le soutien de la France « à la Libye ».

« L’urgence du retour de la sécurité et de la stabilité est nécessaire, plus encore pour les pays voisins dont la Tunisie », a dit la ministre française. « La tentation de l’escalade peut être grande. Nous y sommes opposé », a-t-elle ajouté, avant d’assurer que Paris fait « passer des messages très clairs dans ce sens à Haftar et à ses soutiens, y compris aux Russes. »

En effet, le maréchal Haftar est soutenu militairement par les Émirats arabes unis et l’Égypte. Et aussi, selon les États-Unis, par la Russie, via l’envoi de mercernaires de la société militaire privée [SMP] Wagner. Le GNA, dont les forces sont constituées d’une myriade de milices à la réputation sulfureuse pour certaines, peut se prévaloir de l’appui du Qatar et de la Turquie. Ce qui préoccupe tout autant la France.

« Nous sommes également très préoccupés par l’entrisme turc et nous avons condamné vivement les accords noués récemment avec ce pays, qui soulèvent de sérieuses questions de droit international », a déclaré Mme Parly.

Pour rappel, en novembre, Ankara et Tripoli ont signé des accords visant à renforcer leurs liens militaires et délimiter leurs eaux territoriales respectives, en faisant fi des protestations de la Grèce, de Chypre et de l’Égypte. Depuis, sur fond d’exploitation de gaz naturel, dont les réserves sont abondantes en Méditerranée orientale, les tensions ne cessent de prendre de l’ampleur.

Par ailleurs, cette semaine, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a indiqué que la Turquie pourrait envoyer des troupes à Tripoli si le GNA lui en fait la demande.

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