Uniformes non conformes, chaussures défectueuses… La crise de l’habillement continue pour la Marine nationale

En octobre 2015, interpellé par un député lors d’une audition en commission, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait admis qu’il existait une « crise de l’habillement » au sein de la Marine nationale. Et d’annoncer un « plan d’urgence » pour la régler. À l’époque, il était question de problèmes récurrents en matière d’approvisionnement.

Cela étant, ces difficultés étaient causées par la qualité discutable des effets destinés aux marins. Fin 2017, Cols bleus, le magazine de la Marine nationale, avait en effet indiqué que le « marché des chaussures de sécurité, pourtant passé avec une marque renommée, ne donnait pas encore satisfaction », avec plus de 30% des articles livrés présentant des défauts. Même chose pour les tenues de protection de base [la tenue de travail des marins, ndlr], lesquelles présentaient alors des signes d’usure précoce.

Deux ans plus tard, ces problèmes sont encore là. Lors d’une séance de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, le sénateur Joël Guerriau [UDI] a fait part de ses interrogations au sujet de l’externalisation au sein du ministère des Armées. « Il semble préférable qu’elle bénéficie à des entreprises françaises. D’une manière générale, l’efficacité est indispensable dans l’action militaire, et connaître des difficultés liées à un matériel défaillant que l’on n’entretient pas soi-même est un risque inutile », a-t-il fait valoir.

Et de prendre un exemple : « Concernant les uniformes, lors d’une commémoration à laquelle je me suis rendu, avec Philippe Paul [sénateur LR du Finistère, ndlr], à l’École navale, il faisait très froid, il pleuvait et un peloton était en chemisette. On m’a expliqué que cela tenait à la livraison d’uniformes dont la couleur n’était pas conforme qui avait dû être renvoyée. »

Le sénateur faisait probablement référence à la Cérémonie de présentation aux drapeaux, organisée à l’École navale le 12 octobre dernier. Sur les photographies prises lors de cet évènement, on remarque en effet que des marins sont en chemisette blanche [voir ci-dessous ou ici]

Mais il n’y a pas que les uniformes à la couleur non conforme…  »

J’ai également vu récemment des marins dont les chaussures, lors d’un embarquement en mer, présentaient des fermetures défectueuses », a continué M. Guerriau.

« Ce n’est pas bon pour le moral des troupes. Ce n’est certainement pas un élément favorable à la fidélisation des personnels. Avant les uniformes étaient fabriqués par l’armée elle-même. Aujourd’hui on externalise ces prestations, avec des résultats qui ne sont pas à la hauteur des attentes légitimes », a ensuite fait valoir le sénateur.

En novembre, la ministre des Armées, Florence Parly, a inauguré l’établissement logistique du Commissariat des armées [ELOCA] de « nouvelle génération ». Devant être « l’Amazon » des Armées, il devrait permettre d’en finir avec les ruptures de stock dans le domaine de l’habillement. Mais à condition que la qualité soit donc au rendez-vous.

C’est, d’ailleurs, ce qu’a souligné le sénateur Jean-Marie Bockel, à la suite de M. Guerriau. « Il s’agit de distinguer le ‘bon travail du mauvais travail’, ou pour le dire autrement, il y a, au sein des armées, une entité responsable de la qualité des matériels et équipements utilisés, qu’ils soient produits en interne par des services de l’armée ou externalisés à des prestataires ou industriels. Que ce soit sur des questions de nourriture, ou d’habillement, comme dans l’exemple donné de l’uniforme, le Commissariat des armées doit intervenir et veiller au respect du cahier des charges. Des procédures idoines existent, permettant de sanctionner les défauts constatés », a-t-il dit.

Le problème, et le directeur du SCA, le commissaire général Stéphane Piat s’en était expliqué lors d’une audition à l’Assemblée, est que la filière française de l’habillement « a été détruite par la concurrence internationale au cours des 40 dernières années » et qu’il « n’existe quasiment plus de confectionneurs militaires sur le territoire national. »

Et d’ajouter : « Il faut savoir que la plupart confectionnent nos tenues ailleurs – en Afrique du Nord et à Madagascar notamment, mais aussi au sein de l’Union européenne. […] Nous pouvons acheter des tissus, mais il n’existe plus réellement d’offre de production en France. Pour certains articles de confection, nous faisons travailler des entreprises françaises, mais cette possibilité devient très limitée. »

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]