Général Lecointre : « Cette tragédie ne peut pas être une remise en cause de notre engagement » au Sahel

La mort de 13 militaires français de l’opération Barkhane dans une collision entre deux hélicoptères venait à peine d’être annoncée, le 26 novembre, que certains responsables politiques [sans parler des polémistes ayant un avis sur tout] ont remis en question l’intervention de la France au Sahel.

« Il est temps d’ouvrir une discussion sérieuse et rationnelle pour envisager les voies de sortie d’une guerre dont le sens échappe désormais à nombre de nos compatriotes et de Maliens eux-mêmes », ont ainsi déclaré les députés de La France Insoumise [LFI], via un communiqué dans lequel ils ont aussi témoigné de leur émotion et de leur soutien aux militaires français.

À l’antenne de Sud Radio, le député « insoumis » Adrien Quatennens a enfoncé le clou en plaidant pour une « commission d’enquête parlementaire » qui serait chargée « d’évaluer l’efficacité des opérations extérieures françaises », lesquelles ont pourtant déjà fait l’objet de plusieurs rapports, comme celui publié en 2016 par le Sénat.

S’agissant du Sahel, et du Mali en particulier, où la conflictualité a évolué lors de ces dernières années, avec des groupes terroristes qui, liés à al-Qaïda ou à l’État islamique, profitent de l’absence de gouvernance dans certaines régions et des conflits interethniques, l’influence jihadiste tend à se propager vers d’autres pays, comme le Burkina Faso et le Niger. Avec, en toile de fond, des motivations idéologiques et criminelles.

Dans ce contexte, dans le cadre d’une stratégie reposant une approche dite 3D, pour « Défense, Diplomatie et Développement », l’opération Barkhane, a trois objectifs : réduire la menace terroriste et à entraver la liberté d’action des groupes jihadistes, mettre ces derniers à la portée des armées locales et de la Force conjointe du G5 Sahel tout en réduisant leur influence via des actions civilo-militaires auprès des populations.

Cela étant, et même si Barkhane n’est pas seule au Sahel [avec la mission européenne EUTM Mali, la mission des Nations unies, dont le mandat a récemment été renforcé ainsi que la présence, au Niger, de forces américaines, allemandes, italiennes et belges], les difficultés ne manquent pas. Le peu d’empressement de certains donateurs à honorer leurs engagements financiers auprès du G5 Sahel en est une. La tentation, décrite par Le Figaro, de responsables maliens à nouer le dialogue avec les jihadistes en est une autre.

À ce sujet, l’affaire de l’avocat et ancien ministre Hassan Barry est troublante. Ce dernier a en effet rencontre, en juin, Amadou Koufa, le chef de la katiba « Macina », qui avait été donné pour mort avant de réapparaître au début de cette année. Pour autant, ce n’est pas pour cette rencontre qu’il a été arrêté, la semaine passée, avant d’être libéré 48 heures plus tard. Mais pour un autre dossier n’ayant « aucun lien avec les missions de bons offices qu’il soutient avoir précédemment entreprises », selon un communiqué du gouvernement malien…

Quoi qu’il en soit, pour le général François Lecointre, le chef d’état-major des armées [CEMA], si une telle tentation de la part de Bamako venait à se confirmer, ce « serait assez catastrophique ».

« Le point de vue qui est le mien, c’est qu’on ne peut pas faire preuve de cynisme et qu’on doit être constant dans l’effort. La France est là pour faire valoir une vision de la dignité de l’homme, de l’état de droit, de la démocratie qui, à mon avis, ne s’accommode pas de ce type de négociation », a estimé le CEMA, sur les ondes de France Inter, ce 27 novembre.

Quant à savoir si cette présence militaire française allait durer indéfiniment, le général Lecointre a été très clair. « Si je pensais cette mission impossible il y a longtemps que j’aurais changé de métier. Donc je crois que nous n »atteindrons jamais une victoire définitive. Contrairement aux grands conflits du XXe siècle, jamais les armées françaises ne défileront en vainqueur sous l’arc de Triomphe », a-t-il répondu.

Et cela pose une autre question : celle du sens de la mission. Et le drame que viennent de vivre les forces françaises ne doit pas le remettre en cause, selon le CEMA.

« Cette tragédie ne peut pas être une remise en cause de notre engagement. Vous imaginez ce que penseraient nos soldats si j’allais leur dire, parce que 10, 13, 20 d’entre vous sont morts, notre mission n’a plus de sens. […] Ce qui est extraordinaire chez ces jeunes gens qui servent la France qui vont combattre pour nos trois couleurs, et pour assumer le rôle de la France, c’est qu’ils se questionnent en permanence sur le sens de leur action », a affirmé le général Lecointre.

Et d’ajouter : « Le sens de leur action les conduit à accepter une part de risque très fort. Ce n’est pas parce que ce risque, malheureusement conduit à des blessures et à des morts, que je vais dire que notre action n’a plus de sens et qu’elle ne doit pas être poursuivie. »

Au Sahel, a poursuivi le CEMA, « on a des résultats mais il faut être patient et persévérant. Une crise comme celle-là, qui est transfrontalière, […] qui touche l’ensemble du Sahel et qui peut s’étendre à toute l’Afrique de l’Ouest, nécessite de la persévérance dans l’action, avec des objectifs à long terme. Et […] ce que nous faisons, c’est d’éviter que cette hydre [terroriste] continue de produire un effet de contagion » et qu’on « arrive, à cause de la déstabilisation de ces régions, à de vrais dangers pour les pays européens. »

Aussi, « je ne vois pas comment on peut douter du sens de cette action », a insisté le général Lecointre. « Un soldat doit aussi être capable de se satisfaire que le pire est évité. Aujourd’hui, parce que notre action est constante et continue […] et que, sans relâche et avec énergie, nous essayons de faire évoluer cette action, de surprendre nos ennemis et d’attirer nos partenaires, nous faisons en sorte que le pire soit évité », a-t-il conclu.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]