Selon une étude, la Suisse n’a pas besoin d’avions de combat dernier cri pour sa défense aérienne
La modernisation de l’aviation de combat suisse est un dossier en souffrance depuis plus de dix ans. Dans un premier, il avait été question de commander 22 nouveaux avions de chasse pour remplacer les F-5 Tiger II actuellement en service. Et le JAS-39 Gripen E/F, du constructeur suédois Saab remporta l’appel d’offres lancé à cette fin, ce qui donna lieu à une série de polémiques… Mais ce projet fut finalement annulé, après avoir été rejeté lors d’une votation [référendum] organisée en mai 2014.
Cependant, l’horloge ayant continué de tourner, et en plus de ses vieux F-5 Tiger II, la force aérienne suisse doit maintenant remplacer ses avions F/A-18 Hornet, qui arriveront au bout de leur potentiel en 2030.
Pour cela, Berne a élaboré le plan « Air 2030 », lequel prévoit l’acquisition d’avions de combat modernes [pour 6 milliards de francs suisses] et un nouveau système de défense sol-air longue portée |pour 2 milliards de francs suisses]. Et de préciser que « si ce projet rencontre l’approbation du parlement, il sera sujet au référendum facultatif. »
S’agissant du volet « aviation de combat », cinq constructeurs ont été sollicités : Saab [Gripen E/F], Boeing [F/A-18 Super Hornet], Lockheed-Martin [F-35], Dassault Aviation [Rafale] et le consortium Eurofighter [Typhoon].
Quatre de ces cinq modèles ont fait l’objet d’évalutions durant le printemps 2019, Saab ayant fait savoir, en juin dernier, qu’il se retirait de la compétition.
Cependant, le plan « Air 2030 » doit encore être financé. Pour cela, il est question d’augmenter le budget militaire suisse d’environ 1,4% par an. « Entre 2023 et 2032, un montant d’environ 1,5 milliards de francs en moyenne sera ainsi disponible pour financer des programmes d’armement : 0,8 milliards de francs pour le renouvellement des moyens de protection de l’espace aérien (dont 0,6 milliards de francs pour l’acquisition de nouveaux avions de combat et 0,2 milliards de francs pour l’achat d’un système de défense sol-air à longue portée) et 0,7 milliards pour le renouvellement des systèmes au sol et des systèmes de conduite », explique le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports [DDPS].
Seulement, certains responsables politiques suisses trouvent le côut du plan « Air 2030 » trop élevé. Tel est ainsi le cas du Parti socialiste suisse, qui a mandaté le cabinet américain Acamar Analyse & Consulting, qui promet, via son site Internet, de founir une « expertise impartiale, objective, stratégique et opérationnelle en matière de défense aérienne et antimissile. »
Résultat : l’étude commandée par les socialistes suisses apporte de l’eau à leur moulin, même s’ils n’ont pas repris à leur compte l’ensemble des recommandations faites par Acamar.
En effet, ce cabinet spécialisé estime que la Suisse n’a nullement besoin de se procurer 30 ou 40 avions de combat de 4e ou de 5e génération pour assurer sa défense, au regard des menaces susceptibles de la concerner. Et il préconise, au contraire, l’achat d’appareils plus légers, comme l’Aermacchi M-346 Master [Leonardo], un biplace d’entraînement pouvant être armé et équipé d’un pod de reconnaissance RecceLite, d’une liaison tactique, d’un radar multi-mode Grifo-346.
« Nous avons bien observé ce que les forces aériennes suisses font quotidiennement comme missions de police aérienne. La majorité de celles-ci consistent en la surveillance d’avions civils de loisirs qui volent nettement plus lentement qu’un avion d’entraînement », a relevé a expliqué Michael Unbehauen, l’un des auteurs de l’étude en question, auprès du quotidien helvète 24 Heures.
Cependant, poursuit-il, « nous ne disons pas que la Suisse ne devrait avoir que des avions légers. Elle devrait aussi avoir à disposition des avions de combat plus lourds, mais engagés uniquement pour les missions qui le nécessitent vraiment. Et d’ajouter : « Ces dix dernières années, sur la base des chiffres dont nous disposons, nous avons relevé entre 20 et 40 engagements par année en Suisse dans lesquels un avion de combat plus rapide qu’un avion d’entraînement serait éventuellement nécessaire. »
Quoiqu’il en soit, acquérir des M-316 Master permettrait de réduire la facture de 20 à 50%… « Je pense que l’on doit considérer cet aspect avec beaucoup d’attention. Si l’on s’en tient aux besoins réalistes de la Suisse, on peut faire beaucoup avec beaucoup moins d’argent », a estimé Michael Unbehauen.
En attendant, le Parti socialiste a été convaincu. « Un avion de combat tel que le Leonardo M-346 FA a des coûts d’acquisition quatre fois moins élevés qu’un avion de combat haute performance pour un coût d’exploitation six fois moins élevé », fait-il valoir.
Reste que, visiblement, le cabinet Acamar Analyse & Consulting n’a pris la peine de consulter les besoins exprimés par la force aérienne suisse [et le Parti socialiste suisse non plus d’ailleurs], ni fait une évaluation sérieuse des menaces, étant entendu que la neutralité ne constitue pas en soi une protection suffisante contre un conflit armé. Et il suffit de penser au « réduit national », c’est à dire au système de fortifications dans les Alpes suisses mis en place à partir de 1933.
Ainsi, « en période de tensions accrues, indique le DDPS, « les Forces aériennes doivent être en mesure de sauvegarder la souveraineté aérienne pendant des semaines, voire des mois, afin d’empêcher toute utilisation non autorisée de l’espace aérien suisse. » Plus loin, il insiste : en cas de conflit généralisé en Europe, « les Forces aériennes montrent qu’elles seront intransigeantes envers qui que ce soit en cas de tentative d’utilisation de l’espace aérien suisse. » Enfin, conclut-il, « si la Suisse est attaquée par un autre État ou si un groupe armé sévissant en Suisse reçoit un soutien militaire étranger, les avions de combat et la défense sol-air permettent aux Forces aériennes de protéger le peuple, les infrastructures critiques et les troupes au sol contre les attaques aériennes et d’empêcher l’arrivée de tout soutien venu de l’étranger. En outre, les Forces aériennes appuient les troupes au sol grâce aux vols de reconnaissance et aux frappes aériennes sur les cibles ennemies
En clair, il faut que l’aviation militaire suisse ait la capacité de livrer éventuellement un engagement de haute intensité. Ce qu’un avion comme le M-343 FA ne permet évidemment pas.