« Bataille des compétences » oblige, l’armée de Terre veut faire passer son taux d’encadrement de 11 à 13%

La déflation massive des effectifs du ministère des Armées observée entre 2008 et 2011 devait permettre d’économiser 1,1 millard d’euros sur la masse salariale [titre 2]. Mais comme les choses se rarement comme prévu, cette même masse salariale augmentat de 1,1 milliard durant la même période…

Les déboires liés à la mise en service du système LOUVOIS [Logiciel unique à vocation interarmées de la solde] ainsi que le fait que le ministère devait « payer le chômage » des militaires rendus à la vie civile ont limité les économies attendues. Mais la Cour des comptes pointa le « taux d’encadrement trop élevé par rapport aux format rétréci des armées ». Et il ne fut plus question que de « dépyramidage », ce qui se traduisit par le gel des tableaux d’avancement et de nouvelles incitations au départ pour les officiers et les sous-officiers supérieurs.

Cependant, en 2013, le général Bertrand Ract-Madoux, alors chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], avait mis en garde contre cette politique. « Le taux d’encadrement de l’armée de Terre est inférieur à 12% – il tombe même à 8% dans les forces terrestres – alors qu’il est d’environ de 14% aux Etats-Unis et au Royaume-Uni », avait-il souligné lors d’une audition parlementaire.

Et de relever également que, « au sein du ministère de la défense, entre 2008 et 2013, le nombre d’officiers a diminué de l’ordre de 5% tandis que celui du personnel civil de catégorie A a augmenté d’environ 25% ». Aussi, avait estimé le général Ract-Madoux, les efforts demandés à l’armée de Terre sur ce sujet étaient « déraisonnables au regard des effets déstructurants dont ils sont porteurs. »

La suite lui a donné raison. Et ces effets ont été d’autant plus déstructurants que, à partir de 2015, l’armée de Terre a vu ses effectifs augmenter à nouveau sensiblement [+11.000 soldats pour la Force opérationnelle terrestre] et que sa modernisation, via le programme SCORPION, exige des officiers et des sous-officiers expérimentés afin de lui permettre de gagner la « bataille des compétences ». Et s’ajoute à cela la nécessité d’encadrer les réservistes, au nombre de 22.000.

« La remontée en puissance nous a également confrontés à des seuils critiques en matière de compétences. Nous avons des effectifs suffisants en nombre mais du fait du temps de latence de la formation, nous avons un fort déficit sur les hauts de pyramide », avait ainsi indiqué, en octobre 2017, le général Jean-Pierre Bosser, alors CEMAT. Et de préciser qu’il manquait « 1.000 officiers » et « environ 3.000 sous-officiers supérieurs ».

L’une des priorités du sucesseur du général Thierry Burkhard, qui a succédé au général Bosser en juillet dernier, est donc de revoir à la hausse ce taux d’encadrement.

« Il convient […] que nos soldats possèdent l’intelligence technique permettant la mise en oeuvre de systèmes d’armes technologiquement de plus en plus sophistiqués » et ils doivent « aussi être bien commandés. […] Cela constitue un défi permanent » car « commander est une lourde exigence et nécessite un très fort investissement à tous les échelons de la hiérarchie. Commander des hommes revient à se donner entièrement à eux et à la cause défendue collectivement. C’est bien plus difficile que d’utiliser un système d’armes complexe. Il s’agit d’un point auquel, en ma qualité de chef d’état-major de l’armée de terre, j’attache beaucoup d’importance », a d’abord fait valoir le général Burkhard, lors de sa première audition en tant que CEMAT au Sénat.

S’agissant du taux d’encadrement, « il est de 11 % actuellement, contre 15 % dans les autres armées occidentales », a fait observer le général Burkhard. « Nous avons l’intention de le porter à 13 %, dans un premier temps », a-t-il ajputé.

« La relative faiblesse de ce taux s’explique par la remontée en puissance de l’armée de Terre depuis 2015 », a estimé le CEMAT. « Quand nous avons injecté 11.000 nouveaux soldats dans l’armée de Terre, il nous a fallu ajuster les effectifs de l’encadrement intermédiaire » et comme « nos cadres ne se trouvent pas sur le marché du travail, il faut d’abord les former », a-t-il poursuivi. « Nous devons être d’autant plus vigilants à la question de la formation que nos cadres de contact les plus anciens vont progressivement quitter le service actif », a-t-il souligné.

Cette faiblesse du taux d’encadrement « entraîne une difficulté à honorer nos postes dans les états-majors de l’Otan ou des organisations militaires alliées », a également expliqué le général Burkhard. « Présence qui mobilise des moyens humains importants! », a-t-il insisté. La conséquence est que les « postes de de commandement de régiment manquent aussi cruellement d’officiers supérieurs qui sont essentiels pour entraîner et préparer nos unités. Il est donc impératif de réajuster ce taux d’encadrement. »

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