La Marine nationale mise sur les « gliders » pour améliorer sa connaissance des milieux sous-marins
Contrairement aux apparences, la mer est loin d’être un milieu homogène. Elle se compose d’une juxtaposition de plusieurs masses d’eau qui peuvent avoir chacune des propriétés différentes [salinité, température, turbidité, etc], lesquelles sont susceptibles d’avoir des conséquences sur la propagation du son. Et cela intéresse évidemment les sous-marins, comme ceux qui sont chargés d’en faire la chasse.
Aussi, dans le domaine de la lutte sous la mer [LSM], « c’est celui qui maîtrise son environnement qui gagne », résume Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. D’où l’importance des campagnes d’études menées par le Service hydrographique et océanagraphique de la Marine [SHOM].
Ce dernier s’efforce en effet de fournir à la Marine nationale toutes les informations possibles sur l’environnement océanique [bathymétrie, sédimentologie, champ de pesanteur, propagation des sons, etc]. Informations qui sont ensuite intégrées dans des bases de données embarquées.
Mais la Marine nationale veut aller encore plus loin en complétant les moyens d’observation du SHOM. Lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale, son chef d’état-major [CEMM], l’amiral Christophe Prazuck, a ainsi confirmé son intérêt pour les « gliders », c’est à dire une sorte de « planeur sous-marin » capable de collecter quasiment en temps réel des données sur l’environnement marin.
« Cela ressemble à une petite torpille, avec des ailes qui lui donnent un peu de portance : une fois rempli d’eau, il avance en descendant. Lorsqu’il a atteint le fond de l’océan, ou le niveau d’immersion demandée, il vide ses ballasts, il remonte, oriente ses ailes et peut de nouveau avancer », a expliqué l’amiral Prazuck aux députés, avant d’indiquer que la Marine avait déjà commencé à utiliser de tels engins dans le cadre d’une expérimentation menée en 2017 avec une frégate anti-sous-marine dans l’Atlantique-Nord.
« Nous avons commencé à l’utiliser pour faire de l’observation sous-marine », a en effet indiqué le CEMM.
« Pour les sous-marins, j’ai besoin de savoir ce qui se passe sous la mer », a-t-il continué car « l’océan est fait de collines, de promontoires, d’enfoncements. Et je ne parle pas du fond, mais des masses d’eau : elles sont très différentes, ce qui a d’ailleurs une influence considérable sur le climat. On peut se cacher, derrière ces masses d’eau, et devenir invisible au sonar. Cette connaissance intérieure de l’océan, j’ai besoin de l’enrichir en permanence », a détaillé l’amiral Prazuck.
Or, un glider permet donc de collecter, in situ, de telles informations. Il « réalise une coupe de température et de salinité de l’océan, puis il remonte et, sitôt arrivé à la surface, il envoie un très court message par satellite et donne le résultat de ses observations sur les douze dernières heures », a précisé le CEMM.
L’entreprise française ALSEAMAR, filiale du groupe Alcen, a développé un tel « planeur sous-marin ». Appelé « SeaExplorer« , cet engin peut atteindre 1.000 mètres de profondeur et dispose d’une autonomie maximale de 160 jours grâce à sa batterie Li-ion rechargeable. D’une masse de 59 kg pour une longueur de 2 mètres et un diamètre de 25 cm, il est doté de 6 capteurs, de 2 processeurs indépendants [son architecture informatique repose d’ailleurs sur Linux] et d’une antenne.
« Les véhicules SeaExplorer planent en silence le long de la colonne d’eau, en collectant des données physiques, chimiques, biologiques et / ou acoustiques, en fonction des capteurs installés. Leur plus-value majeure réside dans le faible coût d’acquisition et d’opération comparé aux navires ou aux autres moyens traditionnellement mobilisés pour le même type de mission », avance l’industriel.
Si l’amiral Prazuck a concentré son propos sur la collecte d’informations sur les milieux marins, cette technologie peut aussi contribuer à la lutte anti-sous-marine, en déployant, par exemple, plusieurs planeurs sous-marins afin d’établir un réseau multi-capteurs pour assurer une surveillance acoustique permanente.
Photo : © ALSEAMAR