Le Pentagone cherche à savoir si Ankara a manqué à ses obligations en utilisant des équipements militaires américains

Pour leur opération « Source de paix », lancée le 9 octobre dernier contre les milices kurdes syriennes [YPG] dans le nord-est de la Syrie, les forces turques ont eu recours à des groupes armés syriens soutenus par Ankara. Or, ces derniers, intégrés à l' »Armée nationale syrienne », n’ont pas toujours bonne presse… comme Ahrar al-Charkiya, une organisation islamiste soupçonné d’avoir commis des crimes de guerre.

« Il y a effectivement un très gros contingent de locaux [au sein de l’ANS], notamment de la tribu Jays, qui a notoirement collaboré avec Daech et qui a participé en 2014 à la bataille de Kobané, aux côtés des djihadistes », a par ailleurs relevé Fabrice Balanche, géographe et maître de conférences à l’Université Lyon-2, dans les colonnes du Figaro.

Évidemment, ces groupes syriens n’ont pas participé à l’opération « Source de paix » avec la fleur au fusil. D’où les soupçons du Pentagone au sujet d’une probable violation par la Turquie d’accords relatifs aux équipements militaires d’origine américaine qui lui ont été vendus.

En effet, la loi américaine sur le contrôle des exportations d’armes [AECA] impose la mise en place d’un « programme de surveillance de l’utilisation finale » [EUM] dans le cadre d’une FMS [Foreign Military Sale – exportation d’équipement militaire, ndlr].

Ainsi, quand un pays client signe un contrat pour se procurer du matériel militaire américain, il doit accepter les normes imposées par la loi AECA. C’est à dire que l’équipement acquis doit être utilisé uniquement aux fins pour lesquelles il a été livré et qu’il est interdit de le transférer à un tiers sans le consentement des États-Unis. En outre, le client doit permettre aux États-Unis de vérifier le respect des accords de transfert qu’il a signés si une demande lui est officiellement adressée.

Or, dans le cas de l’opération « Source de paix », une porte-parole du Pentagone, le colonel Carla Gleason, a confirmé auprès de CNN qu’une enquête est actuellement en cours pour vérifier des « allégations crédibles » concernant des manquements de la Turquie au sujet de ses obligations relatives aux équipements militaires américains en service au sein de ses forces armées.

En clair, le Pentagone soupçonne Ankara d’avoir transféré de « manière inappropriée des armes fournies par les États-Unis à ses mandataires en Syrie », résume CNN. Et cela concerne aussi des véhicules blindés.

Une groupe de sénateurs s’est d’ailleurs emparé du sujet en adressant un courrier à Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine afin de lui demander ce qu’il comptait faire dans le cas où, effectivement, la Turquie aurait cédé des équipements militaires et des munitions aux groupes rebelles syriens qu’elle soutient.

Selon ces mêmes sénateurs, qui ont repris des chiffres dans les rapports du département d’État, l’administration américaine a autorisé des ventes d’équipements militaires à la Turquie pour 587,8 millions de dollars en 2017, 604,3 millions en 2018 et 373,2 millions au cours des trois premiers trimestres de l’exercice budgétaire 2019. Parmi les éléments livrés figurent des missiles, des bombes et des roquettes.

Quoi qu’il en soit, ce sujet pourrait être au menu des discussions qu’aura le président Trump avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, lequel est attendu à Washington le 13 novembre prochain.

Photo : Anadolu

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