Le remplacement des Tornado allemands par des avions pouvant assumer les mêmes missions est « urgent »

Début octobre, le quotidien allemand « Die Süddeutsche Zeitung » a indiqué le F/A-18 E/F Super Hornet tenait la corde aux dépens d’un achat d’Eurofighter EF-2000 [ou « Typhoon »] supplémentaires pour remplacer le Panavia Tornado mis en oeuvre par la Luftwaffe depuis 1982.

Et cela pour une raison simple : étant donné que l’Allemagne fait partie des plans nucléaires de l’Otan et que, à ce titre, elle doit disposer de chasseurs-bombardiers capables d’emporter la bombe nucléaire tactique américaine B-61. Or, le processus de certification pour qu’un avion de combat soit en mesure d’assumer des missions nucléaires est compliqué, long et assez coûteux. Aussi, du point de vue de Washington, la priorité sera toujours donnée à des avions américains.

Selon Die Süddeutsche Zeitung, certifier l’Eurofighter pour emporter la bombe B-61 prendrait au mieux trois ans de plus [et cinq de plus au pire] que pour le F/A-18 Super Hornet. Un autre aspect du dossier est que, dans le même temps, la Luftwaffe pourrait se procurer la version « guerre électronique » de l’avion de Boeing [le EA-18 Growler, nldr] afin de renforcer ses capacités dites SEAD [Suppression of Enemy Air Defenses].

Pour autant, Airbus, qui fait partie du consortium Eurofighter, continue de défendre ses chances. Après que Dirk Hoke, le patron d’Airbus Defence & Space [ADS], a mis tout son poids dans la balance pour écarter l’option « F-35A », qui avait les faveurs des aviateurs allemand, le constructeur européen a présenté, ce 5 novembre, un Typhoon ECR SEAD susceptible de concurrencer l’EA-18 Growler américain, grâce à l’intégration du missile air-sol SPEAR de MBDA, doté d’une charge de guerre électronique pour brouiller les systèmes de détection ennemi. Si cette version a été demandée à la Royal Air Force, elle pourrait répondre aussi aux besoins de la Luftwaffe.

D’après les explications données à l’occasion de son « Trade Media Briefing 2019 » et rapportées par le blog allemand « Augen geradeaus!« , Airbus propose à la Luftwaffe 45 Eurofighter EF2000 susceptibles d’avoir des « capacités stratégiques » [donc, d’emporter la B61] et 40 autres en version guerre électronique [ECR].

Quoi qu’il en soit, la force aérienne allemande attend surtout le moment où elle disposera d’Eurofighter EF-2000 dotés du radar à antenne active [AESA] Captor-E. Et ce ne sera pas avant 2022, a confié le général Ingo Gerhartz, son chef d’état-major, dans un entretien publié par FlugRevue, le 4 novembre.

Mais l’une des dossiers les plus urgents pour la Luftwaffe reste le remplacement des Tornado. Là, le général Gerhartz n’a plus le temps d’attendre.

« Il est important pour nous de remplacer dès que possible le Tornado par un système d’armes moderne, pouvant assumer les mêmes missions », a-t-il dit dans les colonnes de FlugRevue. Ce qui, en clair, signifie qu’il faut à la Luftwaffe un appareil certifié pour emporter la bombe B-61 et mené des missions de guerre électronique.

« Pour cela, nous avons besoin d’une décision urgente. Le temps presse, car nous devons, bien entendu, prendre des mesures pour mettre en place le prochain système », a encore insisté le général Gerhartz.

D’autant plus que maintenir les Tornado au-delà de 2030 coûterait très cher : près de 9 milliards d’euros, dont 3,2 milliards pour les pièces détachées. Cette inflation s’expliquerait par le fait que, en Europe, seule la Luftwaffe continuerait d’utiliser ces appareils, les Britanniques et les Italiens ayant déjà décider de retirer les leurs du service.

Le souci est que, à l’heure actuelle, ni l’Eurofighter EF-2000 et le F/A-18 Super Hornet ne sont qualifiés pour des missions nucléaires. Et le processus est en cours pour le F-35A… Ce qui pourrait faire revenir l’appareil de Lockheed-Martin dans la course, alors qu’il en a été éliminé il y a quelques mois. Un tel scénario serait-il totalement exlu.

« Nous ne serions pas surpris de l’achat d’un nombre réduit de F-35 pour la Luftwaffe. Cela lui donnerait de l’expérience avec des avions de 5e génération et lui permettrait de satisfaire ses obligations à l’égard de l’Otan », avait ainsi estimé le magazine Scramble.

Qui plus est, un revirement de cette sorte ne serait pas une première : il suffit de considérer le cas canadien pour s’en convaincre, l’avion de Lockheed-Martin ayant été commandé par un gouvernement conservateur, puis écarté par le Premier ministre Justin Trudeau, avant d’être remis en selle à l’occasion de l’appel d’offres lancé pour le remplacement des CF-18 de l’Aviation royale canadienne. En outre, le prix unitaire du F-35A affiche une baisse continue, au point de passer en-dessous des 80 millions de dollars en 2021, ce qui peut constituer un autre argument si son coût d’exploitation ne demeurait encore trop élevé.

Une autre hypothèse serait une commande d’avions F-15E [voire EX] auprès de Boeing, cet appareil présentant l’avantage d’être déjà certifié pour les missions nucléaires. Mais il a également été écarté par Berlin, en même temps que le F-35A.

Aussi pressé soit-il pour remplacer les Tornado, le général Gerhartz devra s’armer d’encore un peu de patience : la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a indiqué qu’elle annoncerait une décision au cours du premier trimestre 2020.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]