Hausse du prix des carburant oblige, la Gendarmerie cherche à réduire sa dépendance aux énergies fossiles

Chaque année, ou presque, la Gendarmerie nationale est confrontée à la même situation : les crédits mis en réserve au début de l’exercice budgétaire tardant à être débloqués, elle a non seulement du mal à renouveler son parc automobile comme elle le devrait mais elle a aussi des difficultés à mettre de l’essence dans les réservoirs de ses véhicules quand arrive l’automne.

Début octobre, le général Richard Lizurey, récemment remplacé par le général Christian Rodriguez à la tête de la Gendarmerie nationale [DGGN], avait confié aux sénateurs que sans un dégel partiel des crédits bloqués survenu un mois plus tôt, les gendarmes auraient dû faire leurs intervention à bicyclette… faute d’essence.

« S’agissant de la question des carburants, on y a réinjecté en septembre 4,5 millions d’euros grâce à un dégel partiel. La situation était délicate. Cela permet de tenir au moins jusqu’à fin novembre. Peut-être pourra-t-on, dans l’avenir, obtenir un dégel supplémentaire », avait en effet confié l’ex-DGGN.

La raison de ces difficultés tient à la hausse du prix de l’essence, constatée ces dernières semaines, notamment à cause des tensions dans le golfe arabo-persique. Et il ne faudrait pas que le cours du baril augmente beaucoup l’an prochain car l’enveloppe prévue pour ce poste de dépense sera identique à celle de cette année.

« La hausse du coût des carburants a fortement impacté le budget de fonctionnement de la gendarmerie en raison de l’importance de ce poste budgétaire, la dotation destinée à couvrir les dépenses de carburant des véhicules de la gendarmerie s’élevant ainsi à 52,4 millions d’euros en PLF [projet loi de finances, ndlr] 2020 comme en loi de finance initiales pour 2019 », a ainsi relevé la député Aude Bono-Vandorme, qui vient de rendre un avis sur les crédits alloués à la Gendarmerie pour l’an prochain.

« Pour une zone gendarmerie comme l’Est, la part de ce poste budgétaire passera de 37 % à 44 % du budget de fonctionnement hors loyers et énergie entre 2019 et 2020 en raison de l’évolution des coûts », a encore souligné Mme Bono-Vandorme.

Aussi, écrit la députée, « l’envolée des prix des carburants impose de définir une stratégie de plus long terme permettant de limiter la dépendance de la gendarmerie à l’énergie fossile. » Et la Gendarmerie a commencé à plancher sur le sujet.

L’une des pistes vise à réduire la consommation d’essence, via des des formations à l’éco-conduite. Entre 2012 et 2017, 12.789 gendarmes ont suivi des stages à cette fin, d’après la parlementaire. « La possibilité de mettre à disposition plusieurs cabines de simulation est actuellement à l’étude », a-t-elle ajouté.

Une autre option consisterait à doter les gendarmes de véhicules électriques. « La gendarmerie s’est rapprochée de divers fabricants afin d’approfondir l’électrification du parc automobile et d’accroître ainsi le nombre de bornes de rechargement. À l’heure actuelle, seul 4 % du parc de stationnement automobile de la gendarmerie en est équipé », expliqué Mme Bono-Vandorme.

Ainsi, en juin dernier, le magazine Auto Plus rapportait que le groupement de gendarmerie départemental de l’Aisne avait reçu six e-Golf [la version électrique de la Golf, qui affiche une autonomie de 300 km, ndlr] à titre d’expérimentation, pour une durée de plusieurs mois.

Ces e-Golf eront utilisées dans le cadre de « missions de police de sécurité du quotidien [PSQ] au contact de la population », avait indiqué Volkswagen, à l’époque. Et de préciser qu’un « retour d’expérience » allait être réalisé « à l’issue de cette phase de test. »

Que donneront ces tests? La question se pose car, selon le rapport de la députée, les véhicules électriques utilisés à titre expérimental pour assurer des liaisons ou les déplacements de certaines brigades en période estivale n’ont, à ce jour, pas donné pleinement satisfaction. « Si les premiers essais semblent avoir été concluants pour les conducteurs, l’autonomie de ces véhicules ne semble pas suffisante en l’état », note ainsi la députée.

En outre, il est également question d’une expérimentation de véhicules fonctionnant à l’hydrogène. La parlementaire a ainsi évoqué une « proposition de l’Automobile club de l’Ouest de mettre à disposition de la gendarmerie nationale » de telles voitures. « Une phase expérimentale pourrait être initiée, mais les modalités mériteraient d’être étudiées plus avant », a-t-elle ajouté.

Quoi qu’il en soit, « l’évolution du parc vers des véhicules plus propres, à l’instar des véhicules électriques, ne pourra se faire sans un accompagnement fort de l’État. Ce dernier aurait du reste tout intérêt à inciter la population à opter pour des véhicules électriques en montrant l’exemple », estime Mme Bono-Vandorme.

Cependant, au regard du prix d’un véhicule électrique ou hybride, cela ne résoudra pas l’équation budgétaire que la gendarmerie doit résoudre en fin de gestion pour acquérir les 3.000 voitures et utilitaires par an nécessaires pour renouveler une partie de son parc automobile. Et tout laisse à penser qu’elle n’atteindra pas cet objectif l’an prochain, étant donné que 43,6 millions d’euros sont prévus à cette fin dans le PLF 2020 alors qu’environ 60 millions auraient été nécessaires.

« Le nombre de 2.000 nouveaux véhicules est d’autant plus inquiétant que la mise en réserve prévue au début de l’année prochaine conduira probablement à sa réduction », avertit la députée.

Lors de sa dernière audition à l’Assemblée nationale; le général Lizurey a évoqué la piste d’une externalisation d’une partie du parc automobile de la Gendarmerie.  »

« À l’instar de grandes entreprises qui louent leurs flottes, un grand service public comme le nôtre doit pouvoir s’orienter vers ce genre d’organisation. Avec la garde républicaine, nous avons commencé à réfléchir sur nos véhicules de transport en commun. Considérant qu’il faut des conducteurs ‘TC’ [Transport en commun, ndlr] et le coût de possession d’un bus parfois exorbitant, souvent pour déplacer des gens dans paris intra-muros, nous nous sommes rapprochés d’un opérateur parisien, la RATP », a expliqué l’ancien DGGN.

Une externalisation est aussi envisagée pour le remplacement des Irisbus de la Gendarmerie mobile, arrivés en fin de vie et dont un millier doivent être rénovés et à transformés. « Comme cela risque de trop peser sur le budget, nous nous rapprochons de différents opérateurs pour savoir si l’un d’entre eux ne serait pas intéressé par une externalisation, une location de longue durée ou une location avec option d’achat », a indiqué le général Lizurey.

Et ce dernier d’ajouter : « Demain, on n’aura plus besoin d’équiper les véhicules en matériel de transmission et un opérateur pourra nous louer une partie ou la totalité de la flotte. Bien entendu, il faut prendre en compte la logistique actuelle, c’est-à-dire les ateliers et leurs personnels, mais cela peut se faire de manière très progressive. »

Photo : Gendarmerie nationale

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