La norme européenne REACH va coûter 480 millions d’euros à la Marine pour ses missiles Exocet et Aster

En 2016, l’amiral Jean-Philippe Rolland, alors chef de la division cohérence capacitaire de l’état-major des armées, avait prévenu qu’il fallait s’attendre à quelques [mauvaises] surprises avec la norme européenne REACH [Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals] qui, avec ses 800 pages, vise à « assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, ainsi qu’à renforcer la compétitivité du secteur des substances chimiques et l’innovation. »

La mise en place de la norme REACH avait été plus coûteuse que prévu pour les industriels européens, lesquels avaient dû débourser, en 2012, plus de deux milliards d’euros pour la phase intiale d’enregistement des substances chimiques alors que deux autres, toute aussi longue et compliquée, étaient encore à réaliser.

Quoi qu’il en soit, l’amiral Rolland avait souligné que l’application de la norme REACH allait avoir des conséquences sur les équipements en service au sein des armées, et en particulier sur les missiles.

« Nous devrons tenir compte de cette norme lorsque nous changerons les composants pyrotechniques des missiles Aster, qui constituent l’essentiel de l’ossature de la défense sol-air de l’armée de l’Air et de la marine. Des travaux spécifiques de développement, assez significatifs, devront être effectués afin de mettre au point des propulseurs de remplacement sans dégradation des performances intrinsèques de ces missiles très complexes – et nous aurons exactement le même problème avec les missiles anti-navires », avait expliqué l’officier.

Et, trois ans plus tard, la facture est tombée. Ainsi, d’après le député Jacques Marilossian, rapporteur pour avis sur les crédits de la Marine nationale, a ainsi rappelé que les « les normes européennes REACH, qui réglementent la composition chimique de certaines poudres et prohibent certains composants, ont contraint la Marine à un programme de remotorisation des missiles [surface-air] Aster et [ant-navires] Exocet. »

Or, citant le contre-amiral François Moreau, sous-chef d’état-major de la marine nationale chargé des plans et des programmes, le député précise que la remotorisation des missiles Aster et Exocet devraient « coûter pour le budget opérationnel de programme ‘Marine’ [BOP 178-021] 200 millions d’euros environ pour les Exocet et 280 millions d’euros environ pour les Aster. » Soit 480 millions d’euros au total.

« Pourtant, une exemption est prévue par le droit environnemental européen pour les activités de défense », précise M. Marilossian. « Mais, poursuit-il, les obligations réglementaires pesant sur les fournisseurs de MBDA, la chaîne industrielle n’a pas réussi à conserver une filière d’approvisionnement dérogatoire pour la défense. »

Par ailleurs, estimé le député, la « politique de commandes de munitions mériterait d’ailleurs un examen approfondi. » Par exemple, « faute de commandes suffisantes, non seulement la France a bien du mal à atteindre ses objectifs de stocks de munitions, mais en outre, les difficultés industrielles que créent ces stop-and-go ne rendent pas crédible l’idée selon laquelle, en cas de besoin opérationnel soudain, l’industriel pourrait répondre à la demande d’urgence de façon prompte et fiable », souligne-t-il.

Photo : Tir d’un Aster-30 par la frégate « Chevalier Paul »

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