L’option de doter la Marine nationale de deux porte-avions à propulsion classique n’est pas écartée
Les spéculations sont allées bon train, ces derniers mois, au sujet des études actuellement menée pour déterminer les caractérisques que devra présenter le successeur du porte-avions Charles de Gaulle.
« Ne limitons ni notre horizon, ni notre imagination. Nous ne devons pas refaire à l’identique, mais chercher les capacités les plus ingénieuses, les plus utiles et les plus efficaces. Faisons de ce porte-avions, une véritable base avancée de notre marine », avait d’ailleurs demandé Florence Parly, la ministre des Armées, lors du dernier salon Euronaval.
Cela étant, l’hypothèse généralement avancée est que ce futur porte-avions pourrait être plus imposant que l’actuel Charles-de-Gaulle étant donné que le New Generation Fighter [NGF], l’avion de combat au centre du Système de combat aérien du futur [SCAF] sera nettement plus lourd que le Rafale M et qu’il faudra aussi prévoir les installations nécessaires à la mise en oeuvre de drones. Et il serait également question qu’il ait la capacité de « lancer et de ramasser » simultanément des aéronefs, afin de disposer de davantage de souplesse pour les opérations aériennes.
Il a aussi été avancé que ce futur porte-avions serait mieux armé que le Charles-de-Gaulle et qu’il disposerait de catapultes électro-magnétiques qui, même si elles sont gourmandes en énergie, permettent de lancer des avions emportant plus de munitions et/ou de carburant, d’augmenter le rythme des opérations et de limiter les contraintes mécaniques que subissent les cellules des aéronefs lors de leur catapultage.
Aussi, le mode de propulsion de ce navire ne pourrait être que nucléaire… Mais, si l’on en croit le député Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis sur les crédits alloués à l’équipement des forces dans le cadre du projet de loi de finances 2020, rien n’est gravé dans le marbre pour le moment… dans la mesure où la réflexion en cours s’intéresse aux capacités aéronavales dans leur ensemble et non au porte-avions en particulier.
« Ces études sont basées sur des scénarios d’opérations futures. Par exemple, si l’on considère que l’on n’exposerait pas un porte-avions dans une zone de combat de haute intensité, il faut que le groupe aéronaval dispose de moyens en tout genre d’un volume et d’une ‘allonge’ suffisants pour garantir la pénétration d’un raid », explique M. Larsonneur.
Un deuxième scénario avancé par le député repose sur des « confrontations en mer, où il s’agira moins de mener des raids massifs contre des cibles à terre, que d’assurer un flux continu de vols dans une zone maritime. » Enfin, un dernier pourrait concerner « la mise en œuvre de la force aéronavale nucléaire » [FANu].
« De l’ensemble de ces scénarios découlent quelques traits de l’architecture du bâtiment, avec toutes les conséquences à tirer par exemple en matière d’infrastructures, de propulsion, ou de volume », poursuit-il.
Aussi, « l’enjeu du projet de porte-avions de nouvelle génération ne consiste pas à accroître de façon arithmétique les capacités du Charles-de-Gaulle – c’est-à-dire de borner les recherches aux moyens techniques ‘d’aller plus haut, plus vite, plus fort’. La logique présidant à ces études consiste davantage à déterminer les capacités nécessaires pour conduire les missions de guerre envisagées, compte tenu des défenses adverses », explique M. Larsonneur.
Sur ce point, il n’est pas inconcevable d’imaginer que les effecteur connectés [« remote carriers »] du SCAF puissent être mis en oeuvre par des navires du groupe aéronaval [sous-marin compris]. En tout cas, c’est une hypothèse formulée par M. Larsonneur, pour qui les soutes du NGF ne seront « pas extensibles ».
Se pose alors la question du nombre de porte-avions pour remplacer le Charles-de-Gaulle. Normalement, afin de maintenir une permanence a minima des capacités aéronavales, il en faudrait au moins deux…
Aussi, écrit le député, « certains observateurs avertis considèrent qu’il n’est pas impensable qu’il faille choisir, in fine, entre l’option nucléaire et l’option à deux nouveaux porte-avions » à propulsion classique.
Selon M. Larsonneur, la Marine nationale « privilégie, par ordre de préférence : deux porte-avions nucléaires, deux porte-avions à propulsion classique, un porte-avions nucléaire, un porte-avions à propulsion classique. »
Si le choix de deux navires à propulsion classique est retenu, comme l’ont fait les Britanniques avec la classe « Queen Elizabeth », alors sans doute que les études relatives au PA2 menées dans les annnées 2000 pourraient être recyclées…
Bien que remisé aux calendres grecques par la Loi de programmation militaire 2008-13, Naval Group avait continué à plancher sur ce PA2 à propulsion classique, qui aurait dû être construit dans le cadre d’une coopération franco-britannique. En 2010, un responsable du constructeur naval français [qui s’appelait DCNS à l’époque] avait évoqué un navire plus long que le Charles-de-Gaulle et surtout plus imposant [62.000 tonnes].
En tout cas, et signe que l’hypothèse de la propulsion classique est loin d’être écartée, Hervé Guillou, le Pdg de Naval Group et président du groupement des industries de construction et activités navales [GICAN], est monté au créneau, rapporte M. Larsonneur.
Ainsi, M. Guillou a mis en garde contre un « risque de perte de compétences des bureaux d’études et des ateliers des industriels concernés si l’option d’une propulsion nucléaire n’est pas retenue ».
Cependant, les chaufferies nucléaires nécessaires pour un porte-avions de 60 à 80.000 tonnes, par exemple, devront être 50% plus puissantes que celles qui équipent le « Charles de Gaulle » [deux K-15, nldr]. « Les besoins exprimés devraient atteindre une puissance de 220 à 230 mégawatts », avait en effet indiqué, lors d’une audition parlementaire, François Geleznikoff, le directeur des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables [CEA].
« Les études relatives à la chaufferie du SNLE 3G [sous-marin nucléaire de 3e génération, ndlr] étant insuffisantes pour entretenir les compétences des bureaux d’études, il est indispensable aux yeux des industriels que les chaufferies du projet de porte-avions de nouvelle génération apportent à ces bureaux la charge qui leur permette de conserver leurs compétences », souligne M. Larsonneur.
Des travaux sont cependant déjà en cours au sein de la DAM, M. Geleznikoff ayant évoqué, devant les députés, la chaufferie nucléaire K22, « dont la conception peut être maîtrisée avec les moyens de simulation actuels et la technologie disponible. »
Quoi qu’il en soit, le résultat des études en cours sur l’avenir des capacités aéronavales devrait être connu en 2020, afin de « pouvoir soumettre au président de la République des options concernant ses capacités et son architecture en vue d’une intégration dans l’actualisation de la LPM prévue en 2021. »
Photo : Projet de PA2 © Naval Group