Pour le général Lavigne, la question de doter l’armée de l’Air d’un drone spatial se posera un jour

Le 26 août dernier, le drone spatial américain X-37B a battu un record en dépassant les 720 jours passés dans l’espace, au cours de sa cinquième mission depuis sa première mise sur orbite, en 2010. Conçu par Boeing à partir du X-40, cet appareil, mis en oeuvre par le 30th Space Wing de l’US Air Force, demeure mystérieux. Si le Pentagone affirme qu’il s’agit d’une « plateforme pour des charges utiles expérimentales », la nature de ses missions est « assez délicate à interpréter », pour reprendre les mots du général Pascal Lebreton, ex-commandant interarmées de l’espace [CIE].

« On peut supputer beaucoup de choses, au-delà des expérimentations menées dans le cadre de ce que l’on appelle le service en orbite, qui permettra de réparer, réalimenter ou consolider des satellites dans l’espace, et donc d’améliorer leur durée de vie et leur intégrité. […] Disons que le X-37, comme d’autres, est certainement en mesure d’agir au-delà du seul domaine du service en orbite… C’est mon
interprétation personnelle, assez partagée », avait-il dit lors d’une audition parlementaire, en décembre 2017.

Le rapport sur les activités spatiales de défense, publié par les députés Olivier Becht et Stéphane Trompille, donne quelques élément supplémentaires. Ainsi, selon le Centre Opérationnel de Surveillance Militaire des Objets Spatiaux [COSMOS], et « à son stade actuel de développement », le X-37B « peut être analysé comme ayant une fonction de démonstrateur, voire d’engin de tests en orbite, notamment pour l’évolution des engins spatiaux dans les altitudes les moins pratiquées aujourd’hui, entre 80 kilomètres et 400 kilomètres d’altitude. »

En outre, ont ajouté les deux députés, il possible que le X-37B, qui a la forme d’une mini-navette spatiale, puisse servir « d’arme anti-satellite [s’il venait à être équipé d’un bras articulé, ou d’arme à énergie dirigée], d’engin de renseignement spatial ou de plateforme d’emport et de lancement de charges militaires. »

« Les rapporteurs ne peuvent pas exclure l’idée qu’un véhicule de ce type puisse même, un jour, emporter des missiles balistiques, ce qui serait d’ailleurs contraire au droit international dans sa rédaction en vigueur », lit-on encore dans le rapport de MM. Becht et Trompille.

Quoi qu’il en soit, disposer d’un tel engin hyper-manoeuvrant en orbite offrirait, selon les parlementaires, « d’importantes possibilités d’action dans l’espace, y compris à des fins militaires. »

Un drone comme le X-37B pourrait-il être pertinent pour les forces françaises, à l’heure où un « Commandement de l’Espace » a vu le jour  sous l’égide de l’armée de l’Air [qui s’appellera, à terme, « armée de l’Air et de l’Espace] et qu’il s’agit de renforcer les capacités en matière de surveillance spatiale et d’exercer un droit à la légitime défense en orbite, dans le cas où un satellite français serait attaqué?

Déjà, il est question, comme l’a indiqué Florence Parly, la ministre des Armées, de développer des « nano-satellites patrouilleurs » qui « seront les yeux de nos satellites les plus précieux », de mettre au point des « lasers de puissance » au titre du principe de « défense active » et améliorer les capacités en matière de détection et de suivi des objets en orbite.

« Un nouveau programme à effet majeur nommé ‘maîtrise de l’espace’ va être lancé. Il intégrera deux volets : la surveillance – nous le faisons déjà mais les moyens doivent être améliorés – et la défense active de nos satellites selon une stratégie non pas offensive mais d’autodéfense », a ainsi résumé le général Philippe Lavigne, le chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAA], lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

Avec la création du Commandement de l’Espace, les « enjeux sont : d’abord, de ne pas créer de rupture opérationnelle dans les missions existantes ; ensuite, d’arrimer toutes les unités jusqu’alors interarmées qui travaillent dans ce domaine ; enfin, d’avancer en équipe avec l’état-major des armées, la Direction générale de l’armement [DGA], le Secrétariat général pour l’administration [SGA], le Centre national d’études spatiales [CNES], sur les domaines identifiés clés dans la montée en puissance, au nombre de 9 », dont « le capacitaire, le réglementaire, l’implantation, la coopération internationale, l’innovation et […] les ressources humaines », a ajouté le CEMAA.

En tout cas, a assuré ce dernier, à partir de la doctrine des opérations, un travail est en cours pour définir « les capacités dont nous devrons disposer en patrimonial ou en location de services. » Quant à la question de savoir si la conception d’un drone spatial fait partie des priorités, le général Lavigne a été prudent.

« La question d’un drone spatial tel que le X-37B sera certainement abordée un jour », a-t-il en effet répondu. En clair, une telle capacité ne manque pas d’intérêt… Mais il faudra patienter. D’autant plus que les budgets ne sont pas extensibles.

Cela étant, la France ne partirait pas d’une feuille blanche pour réaliser un tel engin. Par le passé, des travaux ont été menés dans le cadre du projet Hermes, qui devait être la navette spatiale européenne… Et Dassault Aviation a dans ses cartons un « Véhicule Hypersonique Réutilisable Aéroporté » [VEHRA], c’est à dire une navette spatiale sub-orbitale.

Mais pour le général Lavigne, la priorité, en matière de drone, est ailleurs… Et, visiblement, le drone chinois Gongji-11, un appareil furtif et supersonique présenté à l’occasion du 70e anniversaire de la République populaire de Chine, lui a donné des idées.

« Le contexte géostratégique et opérationnel, évolue. J’évoquais […] la présentation de nouveaux drones de combat furtifs lors du récent défilé qui a eu lieu en Chine. Il faut y réfléchir », a estimé le CEMAA.

Cependant, la Chine développe aussi des drones spatiaux, à l’image du X-37B américain, dans le cadre des programmes « Teng Yun » et « Shenlong ».

Photo: Le VEHRA de Dassault aviation © Dassault Aviation

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