L’armée de l’Air est confrontée à une vague de départs « non souhaités » de ses spécialistes

 

L’armée de l’Air va-t-elle se remettre des suppressions de postes qu’elle a dû subir entre 2008 et 2016? Pour rappel, durant cette période, elle a du fermer 17 bases aériennes, réduit le nombre de ses commandement ainsi que le format de son aviation de chasse… Et voir partir dans le civil 18.400 aviatieurs, soit 30% de ses effectifs.

Dans le même temps, le rythme opérationnel n’a pas faibli… Bien au contraire. D’où le cercle vicieux dont l’armée de l’Air peine à se dépêtrer, ses spécialistes étant tenté par une carrière plus rémunératrice et surtout moins contraignante dans le secteur privé.

« Nous faisons […] face à une recrudescence de départs non souhaités, dont le nombre a doublé depuis 2015. Cela peut s’expliquer par des surcharges de travail, des absences prolongées du domicile dues aux sous-effectifs et aux multiples engagements, ainsi que par des aspirations différentes des nouvelles générations, plus volatiles. Il est donc impératif de trouver des leviers de fidélisation », a ainsi affirmé le général Philippe Lavigne, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, lors de son dernier passage devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.

Qui plus est, dans le cadre de la Loi de programmation militaire [LPM] actuellement en vigueur, l’armée de l’Air doit bénéficier de 1.246 postes supplémentaires [dont 99 pour la seule année 2020]. Or, selon le général Lavigne, il en aurait fallu 3.000 « afin d’absorber l’apparition de nouveaux métiers », notamment les domaines du cyber et de l’espace.

Aussi, les ressources humaines sont l’une des cinq priorités énoncées par le général Lavigne. « Il nous faudra aussi continuer de disposer d’hommes et de femmes formés, en nombre nécessaire et suffisant, et parvenir à les fidéliser », a-t-il dit.

Le sujet est important. « Pour faire voler nos avions, il faut toute une armée », comme le soulignait une ancienne campagne de recrutement lancée par l’armée de l’Air. Or, si des spécialités critiques sont déficitaires, l’efficacité opérationnelle ne pourra que s’en ressentir. « Ainsi la population des mécaniciens militaires est structurante pour les opérations et fait l’objet de toute mon attention. J’ai évalué à environ 11.150 mécaniciens le seuil minimal pour maintenir notre capacité », a, par exemple, indiqué le général Lavigne.

Pour fidéliser ses militaires [et aussi afin de redorer son blason], la Direction des ressources humaines de l’armée de l’Air a lancé le projet DRHAA 4.0, qui vise à moderniser ses processus RH [recrutement, formation, gestion, valorisation des compétences] autour de l’aviateur.

« En inspirant plus de confiance et en démontrant plus de transparence, la gestion des aviateurs permettra de décloisonner les parcours, d’encourager une politique de valorisation des compétences et de servir in fine les intérêts de l’armée de l’Air, a résumé le général Alain Ferran, le directeur de la DRHAA, dans les colonnes d’Air Actualités.

Pour le général Lavigne, le projet DRHAA 4.0 est un « défi de taille. » Ainsi, a-t-il dit, « il s’agit de passer de l »incitation au départ’ au ‘lien au service’, de la ‘gestion par flux’ à la ‘gestion des compétences’. Pour cela, nous prenons en compte l’évolution de la société et des modes de vie, grâce aux crédits du plan famille. »

La fidélisation des aviateurs passe aussi par les rémunérations. « La reconnaissance des spécificités d’emploi des aviateurs doit être également prise en compte au travers d’indemnités liées à des spécialités exposées », a souligné le CEMAA. Et l’instauration de la « prime de lien au service » ainsi que la Nouvelle politique de rémunération des militaires [NPRM] devront cibler des « spécialités critiques dont le déficit fragiliserait la réalisation de nos missions de souveraineté », a-t-il insisté.

Un autre axe d’effort portera sur la formation des aviateurs. S’agissant du personnel navigant, et plus précisément des pilotes de chasse, le général Lavigne a évoqué le projet « Mentor », qui concerne l’avenir de l’École de transition opérationnelle [ETO] de Cazaux et ses Alphajet. Mais il n’en a pas dit plus…

« Nous envisageons en outre une continuité d’apprentissage entre la phase initiale, qui se ferait sur un système unique modernisé, et la formation intermédiaire réalisée sur PC-21. Lorsque ce projet sera mené à terme, nous aurons réduit de douze mois la formation de nos pilotes de chasse, grâce à des outils modernes, donc plus attractifs », a précisé le CEMAA.

Enfin, la formation des mécaniciens va également évoluer, avec notamment le projet « Smart School ». « En 2019, plus de vingt outils pédagogiques ont été mis en place pour digitaliser la formation. Il s’agit également d’ajuster la formation afin que les élèves qui viennent apprendre ou enrichir leur expérience ne passent pas trop de temps dans les salles de cours », a expliqué le général Lavigne.

« Nous réfléchissons donc à la modernisation du parcours du mécanicien. Nous devons développer un outil de formation adapté. Afin d’alimenter ces filières de spécialistes, nous avons besoin de titulaires de bac professionnel, de BTS aéronautique et de CAP aéronautique, aussi bien dans notre système éducatif que sur des campus comme celui de Bordeaux ou dans l’armée de l’Air, dans nos propres écoles de formation à Saintes et Rochefort, ainsi qu’à l’Ecole de l’air pour nos officiers », a-t-il conclu.

Photo : armée de l’Air

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]