Syrie : Les États-Unis pourraient envoyer des renforts pour protéger les puits de pétrole de la province de Deir ez-Zor

La réunion des ministres de la défense des pays membres de l’Otan s’annonçait tendue, ce 24 octobre, en raison de l’intervention turque contre les milices kurdes syriennes, alliées de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis. Et elle l’a visiblement été, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, ayant parlé, avec euphémisme, de « discussions franches et ouvertes ».

Qui plus est, peu avant, le Parlement européen avait condamné cette opération lancée par Ankara dans le nord-est de la Syrie, estimant qu’elle représentait une « violation grave de la législation internationale » et qu’elle « compromettait stabilité et la sécurité de la région dans son ensemble ». Et de demander aux États membres de prendre des sanctions « ciblées » contre les fonctionnaires turcs « responsables des atteintes aux droits de l’homme perpétrées dans le cadre de l’intervention militaire en cours » et contre ceux « responsables de la répression des droits fondamentaux en Turquie ».

La veille, lors d’une audition à la Chambre des représentants, l’émissaire américain pour la Syrie, James Jeffrey, avait évoqué l’existence de « crimes de guerre » commis durant l’offensive turque, laquelle mobilise également des groupes rebelles syriens soutenus par Ankara.

« Nous n’avons pas de preuves étendues de nettoyage ethnique. Beaucoup de gens ont fui parce qu’ils étaient très préoccupés par ces forces de l’opposition syrienne soutenues par la Turquie, comme nous. Nous avons vu plusieurs incidents que nous pouvons considérer comme des crimes de guerre », a en effet déclaré M. Jeffrey, avant de préciser que des explications avaient été demandées à Ankara.

Cela étant, pour le moment, l’opération turque, appelée « Source de paix », est à l’arrêt, Ankara et Moscou ayant trouvé un accord visant à mettre à place des patrouilles turco-russes aux abords de la zone de sécurité voulue par les autorités turques.

Reste que, au sein de l’Otan, et malgré les contentieux qui s’accumulent entre les pays européens et la Turquie [outre la Syrie, il y a la crise des réfugiés et les forages turcs dans les eaux chypriotes, ndlr], il n’était pas question de faire de vagues. En clair, il n’était pas question de « condamner » Ankara.

En effet, pour M. Stoltenberg, il n’est pas question que l’Otan puisse perdre un « allié stratégique » comme peut l’être la Turquie. D’ailleurs, le chef du Pentagone, Mark Esper, avait donné le ton lors d’une intervention devant le German Marshall Fund, un centre de réflexion basé à Bruxelles.

Certes, a-t-il dit, « la Turquie nous a mis dans une situation terrible avec cette incursion injustifiée. » Mais, a continué M. Esper, « nous nous n’allions pas commencer une guerre avec un allié de l’Otan, un bon allié depuis son adhésion en 1952. »

« Le dirigeant de la Turquie va dans la mauvaise direction sur de nombreuses questions, tournant sur l’orbite de la Russie plutôt que sur celle de l’Otan », a enchaîné M. Esper, en évoquant les récentes décisions prises par le Recep Tayyip Erdogan, le président turc. « Il faut travailler avec la Turquie pour qu’elle redevienne un allié fort et fiable. Nous n’avons pas de solution aujourd’hui, mais nous devons continuer à y travailler », a-t-il estimé.

Cela étant, le chef du Pentagone a laissé le sentiment que le président turc avait gagné un bras de fer. « La décision américaine de retirer moins de 50 soldats a été prise après la décison d’Erdogan de traverser » la frontière, a-t-il dit. « Nous n’étions pas disposés à mettre 50 soldats entre 15.000 soldats et la milice [kurde]. Nous n’étions pas disposés à engager un combat avec un allié de l’Otan » et « il n’est pas pas possible d’opposer des forces à celles d’un autre allié de l’Otan », a-t-il insisté. Aussi, on croit comprendre que, à Ankara, on n’avait pas les mêmes préventions…

Quoi qu’il en soit, les forces américaines n’en ont pas fini avec la Syrie… En effet, le 24 octobre, un responsable militaire, rapporte l’AFP, a affirmé que les États-Unis « sont déterminés à à renforcer leurs positions, en coopération avec nos partenaires des FDS [Forces démocratiques syriennes, dont les YPG font partie, ndlr], avec des renforts militaires. »

En clair, il s’agirait donc de renforcer la présence américaine dans la province de Deir ez-Zor, c’est à dire là où sont situés les plus grands champs pétroliers de Syrie.

« L’objectif est d’empêcher ces champs pétroliers de tomber entre les mains de l’EI ou d’autres groupes déstabilisateurs. Nous devons interdire à l’EI cette source de revenus pour prévenir toute résurgence » de l’organisation jihadiste », a expliqué ce responsable américain.

« Nous voulons garder le pétrole, et nous allons trouver un moyen de résoudre le problème pour que les Kurdes aient de l’argent, des liquidités. Peut-être qu’une de nos grosses sociétés pétrolières va le faire correctement », avait déclaré le président Trump, quelques jours plus tôt.

Ces propos furent critiqués par Brett McGurk, l’ex-envoyé américain auprès de la coalition anti-jihadiste [il avait démissionné en décembre 2018 après les annonces faites par M. Trump au sujet d’un retrait des troupes de Syrie ndlr]. « Mais quel pétrole? Nous étions en Syrie pour protéger le peuple américain de Daesh. Notre armée ne saisit pas de pétrole étranger », avait-il réagi. Et d’ajouter : Le pétrole en Syrie « est la propriété de l’État syrien » et il serait « simplement illégal de la part d’une entreprise américaine de se saisir et d’exploiter ces champs. »

Un point de vue qui rejoint celui de… la Russie. « Toutes les régions et installations pétrolières doivent être mises sous le contrôle du gouvernement syrien », a en effet fait valoir Mikhaïl Bogdanov, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, le 23 octobre.

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