Les Forces démocratiques syriennes sont favorables à une zone de sécurité sous contrôle international

Le retrait des troupes américaines du nord-est de la Syrie a permis à Ankara de lancer, le 9 octobre, une offensive contre les milices kurdes syriennes [YPG], qui, au sein des Forces démocratiques syriennes [FDS], jouent un rôle déterminant contre l’État islamique [EI ou Daesh], avec le soutien de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis.

Pour la Turquie, l’objectif était d’instaurer une « zone de sécurité » afin d’éviter les infiltrations éventuelles de combattants kurdes [qu’elle considére comme terroristes, ndlr] et d’y installer une grande partie des 3,6 millions de réfugiés syriens qu’elle a accueillis sur son sol. Depuis, l’opération turque a été suspendue.

Évidemment, cette situation risque de mettre en péril les résultats obtenus par la coaltion face à Daesh, qui, selon un rapport des Nations unies, attend les conditions propices à sa résurgence. En outre, l’opération turque, conduite avec l’aide de rebelles syriens à la la réputation souvent sulfureuse, a provoqué la fuite de dizaines de milliers de civils kurdes, ce qui pose des questions d’ordre humanitaire.

Aussi, la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, qui est par ailleurs considérée comme étant la « dauphine » de la chancelière Angela Merkel, a proposé d’établir une « zone de sécurité sous contrôle international » dans le nord-est de la Syrie. Ainsi, estime celle qui est aussi la présidente de la CDU, le parti chrétien-démocrate, cela permettrait répondre aux inquiétudes exprimées par la Turquie et de continuer le combat contre l’État islamique [EI ou Daesh].

Seulement, la proposition de Mme Kramp-Karrenbauer, même si elle a le soutien de Mme Merkel, qui l’a qualifiée d’idée « très prometteuse », a pris tout le monde de court, y compris au sein de la coalition gouvernementale. Ce que n’a pas apprécié Heiko Maas, le ministre social-démocrate des Affaires étrangères.

Et même les amis politiques de Mme Kramp-Karrenbauer n’ont pas caché leur scepticisme, à l’image de Roderich Kiesewetter, qui s’occupe des affaires étrangères à la CDU. Selon ce dernier, il faudrait déployer au moins 15.000 soldats [et 15.000 civils] pour mettre en place une telle zone de sécurité. Cependant, il a revu à la baisse ses estimations puisqu’il avait auparavant parlé de 30.000 à 40.000 soldats.

Comme l’a souligné le quotidien Handelsblatt, c’est la première fois [du moins, depuis la Seconde Guerre Mondiale] que l’Allemagne propose de lancer une mission militaire… Et cela supposerait une participation significative de la Bundeswehr. Or, cette perspective ne réjouit guère les sociaux-démocrates. En outre, il faudrait aussi que les forces armées allemandes soient en mesure d’assurer une telle mission. Ce qui suppose qu’elles aient les effectifs nécessaires et les moyens. Enfin, il resterait à préciser le cadre et le mandat de cette éventuelle zone de sécurité sous contrôle international.

« Je vais mener des discussions à ce sujet avec mes collègues des ministères de la Défense européens et d’autres pays de l’Otan et voir si cet objectif est réalisable », avait indiqué, le 23 octobre, la ministre allemande.

Et le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, de lui répondre : « Nous considérons qu’il s’agit d’une contribution au débat sur une solution politique au conflit syrien. La proposition sera discutée durant la réunion et les ministres pourront exprimer leur avis. » Et c’est ce qu’il s’est passé le 24 octobre, lors de la réunion des ministres de la Défense des pays membres de l’Alliance atlantique. Mais on ignore ce qu’il s’y est dit à ce sujet.

« Il n’y a pas eu d’appel spécifique pour l’envoi de troupes de l’OTAN dans le nord-est de la Syrie ou en Syrie. Il y a eu un appel fort pour des engagements politiques internationaux plus forts pour essayer de trouver une solution. Et le ministre allemand de la Défense a également présenté ses propositions et ses idées aux ministres », a résumé M. Stoltenberg, à l’issue de cette réunion.

Côté français, où l’on se veut pourtant à la pointe du dossier, la proposition de Mme Kramp-Karrenbauer a été fraîchement accueillie. Sans doute à cause d’une question de méthode puisque la ministre allemande n’a consulté personne avant de proposer sa solution pour le nord-est de la Syrie.

« Normalement ce genre de proposition est appuyé par un document dans lequel sont indiqués les partenaires, la planification, les chances de réussite, l’environnement dans lequel l’opération va être mise en oeuvre, les solutions de sortie. Mais là, il n’y pas de document », expliqué un « représentant d’un pays membre » de l’Otan, cité par l’AFP.

En tout cas, l’idée de la ministre allemande a reçu le soutien des premiers concernés. « Il existe un projet […] visant à déployer une force internationale dans la zone de sécurité. Nous le réclamons et l’acceptons » a en effet déclaré Mazloum Abdi, le chef [kurde] des Forces démocratiques syriennes. « Le projet est toujours en cours de discussion et aura besoin de l’appui des Etats-Unis et de la Russie », a-t-il cependant nuancé.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]