La Direction générale de l’armement ne veut pas faire le drone MALE européen « à n’importe quel prix »

En 2013, et après plusieurs tentatives de coopération avortées [projets Telemos, Talarion, etc], Airbus Defence & Space, Dassault Aviation et Leonardo s’associèrent pour mettre au point le MALE RPAS [ou Eurodrone], c’est à dire un drone « Moyenne Altitude Longure Endurance » européen. Il s’agissait alors de proposer une alternative aux MQ-9 Reaper américains ainsi qu’aux Heron TP israéliens.

La France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne se mirent d’accord pour financer ce projet, dirigé par Airbus. Une étude de définition, d’une valeur de 60 millions d’euros, fut donc notifiée aux industriels. Et, en novembre 2018, ce MALE RPAS passa avec succès sa revue de conception préliminaire. Pour autant, le programme est actuellement à l’arrêt… Faute de pouvoir s’entendre sur son coût.

En juin dernier, Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées, avait vivement critiqué ce programme, victime, selon lui, des spécifications exigées par la partie allemande. Cette dernière ayant mis plus d’argent que les trois autres pays partenaires du projet, elle avait en effet été en position pour leur imposer ses vues.

Résultat : le MALE RPAS sera doté de deux moteurs, soit de quoi propulser dans les airs sa masse de dix tonnes [selon M. Cambon]. Ce qui en fait un appareil nettement plus lourd que le MQ-9 Reaper américain [2 tonnes à vide, 4 tonnes avec ses capteurs et son armement].

« Nous avons besoin de ce drone au Mali et dans le massif des Adrar des Ifoghas, les Allemands, eux, souhaitent faire de la surveillance urbaine au-dessus de leur territoire. Ils veulent donc deux moteurs pour des raisons de sécurité, le drone ne pouvant pas s’écraser sur une ville », avait expliqué M. Cambon. Mais le projet étant sur les rails, il était impossible de revenir sur les spécifications retenues.

En attendant, les spéficications exigées par l’Allemagne ont fait grimper le coût de ce drone MALE européen, au risque de compliquer son exportation future [mais ce n’est sans doute pas le souci de Berlin…].

« Beaucoup a déjà été fait. Mais – et les industriels le savent – je veux leur dire que ce programme ne pourra aller au bout que si le drone qu’ils proposent est compétitif. C’est une question non seulement pour les acheteurs déjà en lice […] mais également pour les futurs clients export », avait d’ailleurs prévenu Florence Parly, la ministre française des Armées.

Lors de sa dernière audition au Sénat, le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, a évoqué des « négociations viriles » avec les industriels.

« Nous négocions le contrat de réalisation comprenant le développement, la réalisation des différents systèmes ainsi que le soutien à l’exploitation » et « nous sommes […] en désaccord sur les prix proposés », a en effet reconnu M. Barre.

« Nos positions sont les plus proches à propos du prix récurrent, parmi les trois composantes que je viens d’évoquer. La présence de deux moteurs est une réalité, cela a été tranché en 2017 et les devis correspondent à cet accord. La question de la surspécification n’est donc plus d’actualité », a continué le DGA. Mais, a-t-il ajouté, le « litige repose aujourd’hui sur les écarts en matière de coût de développement. »

Pour autant, M. Barre a confié avoir « bon espoir d’obtenir à ce sujet une convergence avant la fin de l’année ». Mais, a-t-il précisé, « nous ne ferons pas le MALE [RPAS] à n’importe quel prix. » Et s’il a de l’espoir, il « n’a pas de garanties » sur l’issue des discussions, même si les derniers échanges lui ont paru « plutôt encourageants. »

Pour rappel, selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25, l’armée de l’Air devrait recevoir « 6 systèmes Eurodrone » composés chacun de trois vecteurs aériens ainsi que deux stations sol à l’horizon 2025.

Si jamais les discussions, pour une raison ou une autre, venaient à échouer, il y aurait sans doute une solution alternative avec le drone MALE Falco Xplorer que Leonardo a présenté au dernier salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget. D’une autonomie de 24 heures et pouvant emporter une charge utile de 350 kg, cet appareil est ITAR Free, c’est à dire qu’il n’intègre pas de composants soumis à la législation américaine. Ce qui est un plus quand on parle d’autonomie européenne…

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