Aviation de combat du futur : Une « convergence » entre le Tempest britannique et le SCAF n’est pas à écarter

Lors du dernier Conseil des ministres franco-allemand, organisé à Toulouse, le 16 octobre, la France et l’Allemagne ont indiqué avoir trouvé un accord ouvrant la voie à la notification du contrat devant permettre la mise au point des démonstrateurs du Système de combat aérien du futur [SCAF]. Une étape très attendue par Dassault Aviation et Airbus Defence & Space puisqu’elle aurait dû être franchie lors du salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget.

En outre, les deux pays ont réaffirmé leur objectif de faire voler un démonstrateur du New Generation Fighter [NGF], sur lequel reposera le SCAF, d’ici 2026.

Seulement, en Allemagne, c’est le Bundestag [chambre basse du Parlement] qui a le dernier mot… Et, pour le moment, ce dernier a mis son nez dans l’organisation industrielle concernant les moteurs de cet appareil du futur, en prenant fait et cause pour l’industriel allemand MTU Aero Engines, associé au français Safran, appelé à diriger les travaux en raison de son expérience en matière de réacteurs destinés aux avions de combat.

Pour rappel, étant donné que le NGF devra être à la fois être en mesure de produire de fortes poussées en supersonique et de voler à basse vitesse sur des temps longs, son moteur devra être « polyvalent, plus compact pour gagner en légèreté » tandis que « sa poussée, bien supérieure à celle du Rafale », lui permettra « d’emporter plus d’armements », explique Safran. En outre, poursuit le motoriste, il « devra contribuer à la furtivité ». Et cela suppose de travailler sur de « nombreuses innovations », sachant que, par exemple, la turbine pourra être soumise à des températures de l’ordre de 1.825°c, ce qui est « hors de portée des technologies et des matériaux d’aubes actuelles. »

« Le moteur devra aussi être à ‘cycle variable’, c’est-à-dire capable d’ajuster le ratio entre les flux d’air primaire et secondaire, et doté d’une tuyère orientable pour faciliter la maniabilité de l’appareil. Autre piste d’innovation envisagée, l’hybridation du réacteur pour gérer la question de l’énergie à bord », ajoute Safran.

De son côté, MTU Aero Engines a surtout travaillé sur des moteurs destinés à des avions de combat en coopération, en particulier avec Rolls Royce, Avio et ITP, au sein du consortium EuroJet Turbo GmbH, lequel fournit les moteurs EJ200 de l’Eurofighter. Pour autant, le motoriste allemand à l’oreille d’élus du Bundestag… Ce qui cause actuellement des difficultés, évoquées par Joël Barre, le Délégué général pour l’armement [DGA], lors d’une récente audition au Sénat.

« Nous voulons que les responsabilités soient clairement affichées, contrairement à ce qui avait été fait pour le moteur de l’Airbus A400M. Nous tenons donc à avoir un responsable par poste et MTU refuse que Safran joue ce rôle en matière de moteur », a commencé par rappeler M. Barre.

Or, a-t-il continué, « ce refus nous semble inacceptable en raison de la nécessité de l’équilibre entre les postes », et cela d’autant plus qu’il « n’y a pas photo entre Safran et MTU. »

« Pourtant, MTU refuse et a obtenu le soutien du Bundestag et donc de l’administration », a poursuivi le DGA, dont l’audition a eu lieu avant le Conseil des ministres franco-allemand. Visiblement, ce dernier n’aura pas permis d’avancer sur le sujet. En tout cas, il n’en a pas été fait mention dans les déclarations officielles publiées à l’issue.

« J’ai proposé une solution qui permettrait de sauver la face en faisant remonter MTU sur l’ensemble du contrat. Toutefois, l’Allemagne m’a indiqué que MTU n’en voulait pas. Si nous ne parvenons pas à débloquer cette situation, cela devra se régler au niveau politique », a par ailleurs raconté M. Barre aux sénateurs.

Alors que le SCAF traverse une période difficile, le projet d’avions de combat du futur « Tempest », lancé en 2018 par les Britanniques, avance ses pions. La Suède a signé mémorendum d’entente avec le Royaume-Uni pour « examiner les possibilités de développement conjoint » en matière d’aviation de combat. Et l’Italie a fini par rejoindre officiellement ce programme.

Or, initialement, la France et le Royaume-Uni avaient lancé les bases d’une coopération en matière d’aviation de combat du futur. En 2014, une étude de faisabilité avait été confiée à BAE Systems et Dassault Aviation. Et elle avait été suivie, deux ans plus tard, par l’attribution d’une enveloppe de deux milliards d’euros afin de mettre au point un démonstrateur de drone de combat. Et puis, il n’en a plus été question par la suite, la volonté politique ayant manqué [Brexit oblige, de même que l’instabilité politique outre-Manche].

Et, désormais, deux projets concurrents se font face en Europe : le SCAF, avec la France, l’Allemagne et l’Espagne d’un côté et, de l’autre, le Tempest.

Quoi qu’il en soit, la coopération franco-britannique en matière d’aviation de combat du futur n’est pas totalement éteinte.

« S’agissant de l’avion de combat du futur, nous poursuivons a minima les actions de développement technologiques après l’échec que nous avons connu en matière de drone de combat, afin d’entretenir notre relation », a en effet déclaré Joël Barre, devant les sénateurs. Et à la question de savoir s’il n’y aura pas un avion de combat européen de trop à l’avenir, le DGA n’a pas écarté une éventuelle convergence.

« Nous avons notre SCAF, ils ont leur Tempest, nous verrons si les programmes convergeront dans le futur », a en effet affirmé M. Barre.

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