Les autorités kurdes syriennes accusent la Turquie d’utiliser des bombes au napalm et au phosphore

Une semaine après avoir lancé l’opération « Source de paix », les troupes turques et leurs supplétifs syriens peinent toujours à prendre le contrôle de la ville de Ras al-Aïn, ardemment défendue par les Forces démocratiques syriennes [FDS], dont les milices kurdes locales [YPG] constituent le gros des troupes.

Pour rappel, l’objectif de cette offensive vise à établir une zone de sécurité dans le nord de la Syrie, afin d’empêcher l’infiltration en territoire turc de combattants des YPG, considérées à Ankara comme terroristes en raison de leur proximité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], une organisation séparatiste kurde. En outre, la Turquie souhaite y installer les réfugiés syriens qui se trouvent actuellement sur son sol.

L’opération turque est vivement critiquée, en particulier par les pays membres de la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis, dont la France. Étant donné que les FDS tiennent un rôle déterminant contre l’État islamique [EI ou Daesh], leur crainte est de voir tous les efforts consentis depuis cinq ans contre l’organisation terroriste être réduits à néant.

Quoi qu’il en soit, à Ras al-Aïn, les forces turques ont cependant progressé, au point de contrôler près de la moitié de la ville, laquelle a la particularité d’être sillonnée par des réseaux de tunnels et tranchées, utilisés par les FDS. Et cela, grâce à des « frappes aériennes intensives au cours des trois derniers jours », a affirmé l’Observatoire syrien des droits de l’Homme [OSDH], qui dispose d’informateurs sur place. Ce qu’a confirmé un correspondant de l’AFP, qui a dit avoir entendu « sans discontinuer des frappes aériennes, des tirs d’artillerie et des coups de feu d’armes automatiques. »

Cependant, la nature des munitions utilisées par les forces turques pour arriver à leur fin a été pointée par les autorités kurdes syriennes. « En violation flagrante du droit et des traités internationaux, l’agression turque contre [Ras al-Aïn] est menée avec tout type d’armes. […] Face à l’échec évident de son plan, [le président turc Recep Tayyip] Erdogan a recours aux armes interdites internationalement, comme le phosphore ou le napalm », ont-elles accusé, via un communiqué publié ce 17 octobre.

Il n’est pas possible, pour le moment, de confirmer les accusations portées par les autorités kurdes à l’endroit des forces turques. Une vidéo montrant un corps calciné, diffusée par Rojava Kurd News via Twitter, ne permet pas d’être affirmatif. Cela étant, l’OSDH a dit avoir « recensé des blessés souffrant de brûlures qui sont arrivés à l’hôpital de Tal Tamr ces deux derniers jours ».

« Nous appelons les organisations internationales à envoyer leurs équipes pour examiner les blessures », a déclaré Moustafa Bali, un porte-parole des FDS. « Les installations médicales dans le nord-est syrien ne disposent plus d’experts après le retrait des ONG causé par l’invasion turque », a-t-il ajouté.

Les munitions au phosphore blanc et au napalm ne sont pas interdites, comme l’affirment les autorités kurdes. Mais leur usage est strictement encadré par le Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des armes incendiaires [protocole III, ndlr] de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques, adoptée le 10 octobre 1980.

Ainsi, il est autorisé d’avoir recours au phosphore blanc pour éclairer une zone, marquer une cible ou créer un écran de fumée afin de masquer une position à la vue de l’adversaire. La coalition anti-jihadiste en fait usage à Mossoul, afin de permettre à des civils de fuir et d’échapper ainsi à l’emprise des jihadistes.

En revanche, le recours à de telles munitions est proscrit quand il s’agit de lancer des frappes aériennes « à l’intérieur d’une concentration de civils ».

En outre, le protocole III « interdit de faire d’un objectif militaire situé à l’intérieur d’une concentration de civils l’objet d’une attaque au moyen d’armes incendiaires autres que des armes incendiaires lancées par aéronef, sauf quand un tel objectif militaire est nettement à l’écart de la concentration de civils et quand toutes les précautions possibles ont été prises pour limiter les effets incendiaires à l’objectif militaire et pour éviter, et en tout état de cause, minimiser, les pertes accidentelles en vies humaines dans la population civile, les blessures qui pourraient être causées aux civils et les dommages occasionnés aux biens de caractère civil. »

Si la Turquie a signé la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques, elle n’a pas adhéré au Protocole relatif aux armes incendiaires.

Le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar n’a pas confirmé l’utilisation de munitions au phosphore blanc et au napalm. Mais il a tenu des propos suprenants.

« Tout le monde sait qu’il n’y a pas d’armes chimiques dans l’arsenal des forces armées turques », a-t-il dit, avant d’accuser les forces kurdes d’en utiliser dans le but de faire accuser Ankara… Or, le phosphore blanc et le napalm ne sont pas considérés comme étant des armes chimiques, même si certaines ONG voudraient que ces substances le soient, étant donné qu’elles causent des brulûres « chimiques » et des « souffrances inutiles ».

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