La discrétion des sous-marins américains « Virginia » affectée par les mauvaises pratiques de leur constructeur?
Coûtant plus de deux milliards de dollars l’unité, les sous-marins nucléaire d’attaque américains de type Virginia sont-ils susceptibles d’avoir des soucis de discrétion acoustique, qui est fondamentale sous les mers, si jamais ils doivent livrer un combat contre un navire adverse? En effet, ces navires connaissent des problèmes au niveau de leurs tuiles anéchoïques, c’est à dire de leur revêtement [en caoutchouc ou en sorbothane] qui recouvre leur coque afin d’absorber les ondes d’un sonar et d’atténuer les sons émis à son bord.
Et on en connaît sans doute la raison, à en croire Ari Lawrence, un « lanceur d’alerte » qui a travaillé en tant qu’ingénieur chez le constructeur naval Huntington Ingalls jusqu’en 2017. Fin septembre, il a déposé une plainte contre son ex-employeur en l’accusant d’avoir eu recours à des ouvriers non qualifiés pour poser les tuiles anéchoïques sur les coques des sous-marins alors en construction tout en utilisant une sorte de colle [appelée TPAC, pour two-part adhesive coating] pour laquelle il n’avait pas obtenu les « qualifications et certifications appropriées » pour son utilisation.
Selon le texte de cette plainte, évoquée en premier par le site Task and Purpose, ce revêtement aurait donc été mal posé, ce qui expliquerait la raison pour laquelle des sous-marins de la classe Virginia auraient perdu des tuiles anéchoïques en cours de mission.
« Depuis le lancement du programme, les sous-marins de la classe Virginia ont été affectés par des problèmes de revêtement posé sur leur coque extérieure », accuse en effet Ari Lawrence, qui affirme avoir été licencié par le constructeur naval pour avoir déploré de telles pratiques.
« Je ne pouvais pas en toute conscience […] donner ma signature lors de l’acceptation d’un travail qui ne répondait clairement pas aux exigences et normes contractuelles », a expliqué l’ingénieur au Washington Post. « Je ne pouvais pas accepter que des matériaux que je croyais défectueux soient installés sur des sous-marins portant le nom de notre société », a-t-il insisté.
La plainte de M. Lawrence a été déposée en vertu de la loi False Claims Act, au nom du gouvernement. Ce qui fait que, si les faits qu’il reproche à son ancien employeur sont avérés, il sera susceptible d’être récompensé financièrement.
En attendant, si Huntington Ingalls assure qu’il se défendra « vigoureusement » contre les accusations portées contre lui, il n’en reste pas moins que les sous-marins de la classe Virginia connaissent effectivement un problème récurrent au niveau de leur revêtement anéchoïque. L’US Navy avait indiqué, en 2010, qu’elle cherchait un « correctif » pour y remédier.
Visiblement sans succès puisque, en 2017, l’USS Mississippi avait été photographié à Pearl Harbor avec une bonne partie de son revêtement manquant [cf ci-dessus]. Au point de porter atteinte gravement à sa discrétion acoustique. À l’époque, la marine américaine avait évoqué une « usure par le dur environnement dans lequel le sous-marin évolue » en guise de réponse.