Mme Parly craint qu’une offensive turque contre les Kurdes syriens « puisse renforcer Daesh »

En mars 2018, le président français, Emmanuel Macron, avait reçu des réprésentants des Forces démocratiques syriennes [FDS, alliance arabo-kurde] à l’Élysée. Et, alors que la Turquie venait de mener une offensive dans le canton d’Afrin contre les milices kurdes syriennes [YPG], il leur avait assuré le soutien de la France.

Cette position fut réaffirmée par Florence Parly, la ministre des Armées, en juin dernier, alors que la Turquie avait déjà menacé à plusieurs reprises de mener une offensive contre les YPG, à l’est de l’Euphrate, dans le nord de la Syrie.

« Il faudra aider nos partenaires des FDS à passer au tamis l’Est de l’Euphrate, à détruire les cellules dormantes [de l’État islamique/Daesh], et à empêcher tout regain. Ce moment de stabilisation devra s’accompagner d’efforts accrus sur le volet politique », avait-elle dit, lors d’un discours prononcé à l’occasion d’une visite au 4e Régiment d’hélicoptères de forces spéciales [RHFS].

Pour rappel, les forces spéciales françaises sont présentes aux côtés des FDS.

Aussi, ce 7 octobre, la décision du président américain, Donald Trump, de laisser le champ libre à la Turquie pour lancer une opération contre les milices kurdes syriennes, considérées comme terroristes par Ankara alors qu’elles ont joué un rôle déterminant dans la défaite du califat de l’État islamique, n’a pas manqué de faire réagir la diplomatie française.

« Nous appelons la Turquie à éviter une initiative qui irait à l’encontre des intérêts de la Coalition globale contre Daesh dont elle fait partie », a ainsi déclaré Agnès von der Mühll, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« Daesh, qui est passé à la clandestinité depuis sa défaite territoriale, demeure une menace importante pour notre sécurité nationale. En Syrie, l’organisation dispose encore de ressources et de capacités d’action importantes », a encore rappelé Mme von der Mühll.

« Toute action unilatérale pourrait avoir des conséquences humanitaires importantes et ne permettrait pas de réunir les conditions nécessaires au retour sûr et volontaire des réfugiés dans leurs régions d’origine », a encore fait valoir la porte-parole de la diplomatie française. Et d’insister : « Elle nuirait à la stabilité de cette région et aux efforts que nous menons directement sur le terrain, à travers une action militaire, humanitaire et de stabilisation aux côtés des Forces démocratiques syriennes pour lutter durablement contre le terrorisme et contribuer à un retour à une vie normale, dans le respect des droits des populations locales. »

Quant à l’éventualité, évoquée par la Maison Blanche, de confier à la Turquie la responsabilité aux jihadistes capturés par les FDS, le Quai d’Orsay a rappelé que les « combattants terroristes qui sont en détention, y compris ceux de nationalité étrangère, doivent faire l’objet d’un jugement là où ils ont commis leurs crimes. »

« Ce jugement et leur détention sûre dans le nord-est de la Syrie sont par ailleurs un impératif de sécurité pour éviter qu’ils ne viennent renforcer les rangs des groupes terroristes. Toute initiative pouvant remettre en cause ces objectifs doit être évitée », a continué Mme von der Mühll.

L’Union européenne a exprimé des préoccupations du même ordre. « Toute reprise des hostilités exacerbera les souffrances du peuple syrien, entraînera des déplacements de populations et sapera les efforts politiques engagés pour résoudre ce conflit », a souligné la porte-parole de Federica Mogherini, la Haute réprésentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

« Nous reconnaissons les inquiétudes légitimes de la Turquie pour sa sécurité, mais nous avons toujours dit que toute solution durable à ce conflit ne se réalisera pas par des moyens militaires », a-t-elle ajouté.

De son côté, la ministre française des Armées a souligné les risques qu’est susceptible de représenter une opération turque.

« Nous allons être extrêmement attentifs à ce que ce désengagement des Etats-Unis qui est annoncé ainsi qu’une éventuelle offensive de la Turquie ne créent pas de manoeuvre de diversion dangereuse de l’objectif que nous poursuivons tous – la lutte contre Daesh – et dangereuse pour les populations locales sur place », a déclaré Mme Parly. « Il faut être extrêmement vigilant au fait qu’une manoeuvre de ce type ne puisse, au contraire de l’objectif de la coalition, renforcer Daesh plutôt que l’affaiblir et de l’éradiquer », a-t-elle insisté.

Cela étant, le président Trump est « droit dans ses bottes ». Alors que son administrationa avait assuré les Kurdes syriens de son soutien, il a donc fait volte-face. Et il s’en expliqué via Twitter.

« La Turquie, l’Europe, la Syrie, l’Iran, l’Irak, la Russie et les Kurdes devront maintenant résoudre la situation », a dit le chef de la Maison Blanche. « Les Kurdes ont combattu avec nous mais ils ont reçu énormément d’argent et de matériel pour le faire. Cela fait des décennies qu’ils combattent la Turquie. Je me suis tenu à l’écart de ce conflit pendant presque trois ans, mais il est temps pour nous de sortir de ces guerres ridicules et sans fin, dont beaucoup sont tribales », a-t-il continué.

Par ailleurs, les relations franco-turques sont loin d’être au beau fixe. Ainsi, la semaine passée, Ankara a très mal pris des propos tenus par Emmanuel Macron devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Évoquant la Turquie, il avait alors parlé d’un pays « où l’Etat de droit recule, où les procédures judiciaires ouvertes contre les défenseurs des droits de l’Homme, des journalistes, des universitaires doivent faire l’objet de toute notre vigilance.

« L’attaque de Macron contre la Turquie dépasse les bornes. […] Je le compare à un coq qui chante alors que ses pieds sont enfouis dans la boue », avait rétorqué Mevlut Cavusoglu le chef de la diplomatie turque, auprès de l’agence de presse officielle Anadolu.

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