Des milices chiites proches de Téhéran se tiennent prêtes à intervenir pour mater les manifestations en Irak

Ayant entretenu de très bons rapports avec la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis tout en maintenant à distance les Unités de mobilisation populaire [Hachd al-Chaabi], une alliance de groupes armés chiites, pour la plupart stipendiés par l’Iran, le général Abdul-Wahab al-Saadi a été à la pointe du combat contre l’État islamique [EI ou Daesh] en sa qualité de numéro deux de l’Iraqi Counter-Terrorism Service [ICTS]. Ce qui lui vaut une certaine popularité au sein de l’opinion, d’autant plus qu’il a joué un rôle clé lors de la reconquête de Mossoul et d’autres villes du nord de l’Irak tombées sous le joug de l’organisation jihadiste.

Seulement, fin septembre, et sans donner d’explications, le Premier ministre irakien, Adel Abdul-Mahdi, a décidé de relever le général al-Saadi de ses responsabilités pour l’affecter à un poste obscur au ministère de la Défense. Une décision qui a alors été perçue comme étant un limogeage « déguisé » de cet officier, qui a la réputation d’être un « incorruptible ».

« J’ai appris cette décision avec une énorme surprise, et je la considère comme une punition et, bien sûr, une humiliation », a commenté, par la suite, le général al-Saadi.

Mais la décision de l’exécutif irakien a donné lieu à de vives critiques. D’abord parmi certains hommes politiques du pays, qui y ont vu une « main étrangère » [à savoir l’Iran]. Ce qui n’est pas impossible, à en croire un responsable irakien qui, sous le sceau de l’anonymat, a confié à l’AFP que les factions pro-Téhéran au sein du Hachd al-Chaabi, avaient fait pression pour mettre l’ex-numéro deux de l’ICTS à l’écart.

Puis une partie de l’opinion publique a lancé une mobilisation via les réseaux sociaux pour soutenir le général al-Saadi. Et, depuis, la situation s’est envenimée, comme si la mesure prise contre l’officier avait cristallisé le ressentiment à l’égard du gouvernement de M. Abdul-Mahdi. Et c’est ainsi que l’Irak est devenu le théâtre de vastes manifestations dénonçant la corruption, le chômage et l’impéritie des services publics.

Mais ces manifestations ont donné lieu à de nouvelles violences dans le pays. Le 5 octobre, et après une semaine de contestation, un bilan faisait état de près de 100 tués.environ 4.000 personnes ont été blessées.

Les autorités irakiennes ont alors accusé des « saboteurs » et des « tireurs non identifiés » inflitrés afin de viser les manifestants et les forces de l’ordre [au moins 6 policiers ont perdu la vie, nldr]. Et En outre, elles ont annoncé 17 mesures « sociales » pour tenter de calmer la grogne.

Personnalité majeure de la scène politique irakienne, Moqtada al-Sadr, un chiite jusqu’alors opposé aux menées iraniennes en Irak, a réclamé la démission du gouvernement de M. Abdul-Mahdi ainsi que la tenue d’élections anticipées sous la supervision des Nations unies. Cela étant, le récent voyage en Iran effectué par ce chef de file de l’un des plus puissants courants chiites irakiens, à l’occasion de l’Achoura, a jeté le trouble… D’autant plus qu’il y a rencontré l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême iranien.

Quoi qu’il en soit, les mesures proposées par le gouvernement irakien n’ont pas mis un terme aux manifestations puisque de nouvelles ont éclaté le 6 octobre… avec 13 nouvelles victimes, notamment à Sadr City [banlieue de Bagdad].

« Il y a eu recours à une force excessive débordant des règles de l’engagement et nous avons commencé à demander des comptes aux officiers qui ont commis ces erreurs », a fini par admettre le commandement militaire, ce 7 octobre.

C’est donc dans ce contexte que le Hachd al-Chaabi est sorti du bois. Son chef, Faleh al-Fayyadh, a assuré que cette coalition paramilitaire chiite se tenait prête à « intervenir » afin d’empêcher un « coup d’État ou une rébellion » en Irak. À condition, toutefois, que le gouvernement lui en donne l’ordre.

En outre, Faleh al-Fayyadh a affirmé « savoir qui est derrière les manifestations » et « qui a planifié la chute du régime ». Et d’assurer qu’ils « seront punis ». Ces propos font écho à ceux tenus par le guide suprême iranien. Ainsi, Ali Khamenei a dénoncé un « complot » fomenté par des « ennemis » pour « semer la discorde » entre l’Irak et l’Iran. « Ils ont échoué et leur complot n’aura pas d’effet », a-t-il dit.

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