Avec l’usine 4.0 du groupe Rafaut, la France sera moins dépendante des corps de bombes acquis à l’étranger

En 2011, la Société des Ateliers Mécanique de Pont-sur-Sambre [SAMP] livrait le dernier lot des 1.200 corps de bombes de 250 kg de type MK 82 qui lui avait été commandé deux ans plus tôt, dans le cadre d’un plan gouvernemental de relance de l’économie. Puis l’entreprise rencontra quelques difficultés qu’un nouveau contrat aurait probablement aidé à résoudre.

Seulement, le ministère de la défense fit valoir que la commande passée en 2009 avait été faite « par anticipation des futurs besoins capacitaires » des armées et qu’il n’était donc nullement besoin d’en notifier une nouvelle à la SAMP, étant donné que les stocks étaient alors considérés comme étant suffisants.

En outre, dans une réponse faite à une question écrite par Patrica Adam, alors députée, le ministère mit en cause la gestion de l’entreprise, lui reprochant notamment de ne pas avoir élaboré une stratégie de « diversification » ou « d’adossement à un industriel de la défense. » Et d’ajouter : « Cette réforme structurelle lui aurait permis d’accéder rapidement à un plus large portefeuille de clientèle à l’exportation dont elle avait impérativement besoin, permettant ainsi de valoriser ses savoir-faire. » Seulement, c’était oublier, comme le rappela son Pdg, Christian Martin, que « l’État et Dassault n’arriv[ai]ent pas à exporter le Rafale » à l’époque…

Sans doute que les stocks de corps de bombes étaient suffisants en 2011. Mais il fut largement entamé par l’opération Harmattan [Libye], puis par l’intervention française au Mali [Serval, puis Barkhane] ainsi que par l’engagement de la France au sein de la coalition anti-jihadiste au Levant [Chammal].

Ainsi, tant en Syrie qu’en Irak, les forces aériennes françaises [armée de l’Air et aéronautique navale] larguèrent pas moins de 1.600 bombes sur les positions de l’État islamique entre 2014 et 2016. Pour autant, les munitions ne leur manquèrent pas… Pour la simple raison qu’il avait été fait appel à un « certain nombre d’alliés occidentaux » pour compléter les stocks. « Nous avons effectué des achats à l’étranger, aux États-Unis, puisque nous n’avons plus de capacités de production en France. Nous avons ainsi corrigé un niveau de stocks qui nous paraissait trop bas », expliqué le général Jean Rondel, alors sous-chef activité de l’état-major de l’armée de l’Air, à l’époque.

« Pour soutenir un effort de guerre, il faut une industrie de guerre », plaida le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAA], lors d’une audition parlementaire. Et le message fut entendu. En novembre 2016, le ministre de la Défense, qui était alors Jean-Yves Le Drian, indiqua qu’il était « à l’initiative » pour recréer une filière française de corps de bombe, ce qui était alors « essentiel » pour l’autonomie stratégique.

Seulement, la SAMP ne put jamais se remettre de ses difficultés. Et, en septembre 2017, la Direction générale de l’armement [DGA] fit savoir qu’elle avait attribué un marché pour « la fourniture en urgence de corps de bombes chargés pour avions de combat » au groupe Rafaut, pour environ 11 millions d’euros.

Actuellement, Rafaut est le groupe aéronautique qui « monte ». Spécialiste, dans le domaine de la défense, des équipements d’emport et des réservoirs externes destinés aux avions de combat, cette importante PME, dirigée par Bruno Berthet, un transfuge de la DGA, a triplé son chiffre d’affaires pour le porter à 92 millions d’euros, tout en menant une stratégie de croissance externe, comme avec récemment le rachat de l’équipementier AEds.

Puis, en octobre 2018, Rafaut a lancé le chantier d’une nouvelle usine dite « 4.0 » à Prouvy Rouvignies, près de Valenciennes. Un an plus tard, ce nouveau site, qui a demandé un investissement de 23 millions d’euros, a été inauguré par Florence Parly, la ministre des Armées.

Or, cette « usine 4.0 » produira les corps de bombe dont les forces aériennes françaises ont besoin. Mais pas seulement puisqu’il est aussi question d’étendre ses activités à l’aviation civile, l’industrie ferroviaire, le nucléaire ou encore les énergies nouvelles.

« Rafaut fournit les munitions pour les forces aériennes françaises. Un tout nouvel outil industriel 4.0 est mis en place pour la conception et la fabrication d’une large gamme de produits : munitions d’emploi général de type MK81/MK82/MK83/MK 84, pénétrateurs de dernière génération, munitions customisées grâce à son bureau d’études », indique la PME sur son site Internet.

S’agissant des corps de bombes, Rafaut précise qu’ils sont forgés « à partir d’un tube sans soudure [technologie plus efficace qu’un tube soudé, ndlr]. Et d’ajouter : « Pendant le stockage, en cas d’incendie, les munitions Rafaut sont équipées de soupapes de sécurité afin d’éviter les explosions inattendues. »

Par ailleurs, l’industrie 4.0 est un concept qui réorganise la production industrielle en se reposant sur les outils numériques et les technologies de l’information tout en recentrant les salariés sur des tâches à haute valeur ajoutée.

« Les procédés de fabrication intègrent un haut niveau d’automatisation et un haut niveau de robotisation. De nombreux capteurs sont présents sur les machines pour collecter des données produit et process afin d’avoir une traçabilité produit unitaire. Une traçabilité poussée, qui permettra de savoir où, quand et par qui a été fabriqué le produit. A cela s’ajoutent des contrôles de sécurité tout au long de la fabrication afin de garantir un haut niveau de qualité produit à nos clients », explique ainsi Rafaut.

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