La France assure les forces sahéliennes de son « soutien » et de sa « détermination » face aux jihadistes

Comme on pouvait s’en douter, la force Barkhane a été sollicitée pour appuyer les Forces armées maliennes [FAMa] lors des combats ayant suivi les attaques jihadistes des postes de Boulikessi et de Mondoro, deux localités de la région de Mopti, situées près de la frontière avec le Burkina Faso.

Dans un communiqué publié le 2 octobre, la ministre des Armées, Florence Parly, a en effet indiqué que les unités maliennes envoyées en renfort pour « pourchasser les groupes terroristes et reprendre le contrôle des deux postes » ont bénéficé d’un appui d’avions de chasse [Mirage 2000] et d’hélicoptères d’attaque Tigre.

« La détermination de ces unités [maliennes] a permis de rétablir une situation délicate et compromise, et d’infliger des pertes aux terroristes », a souligné Mme Parly.

Selon Bamako, les jihadistes auraient perdu une quinzaine de combattants durant ces combats. Mais ils ont dans le même temps infligé de lourdes pertes aux FAMa, avec au moins 25 tués et près d’une cinquantaine de disparus [11 soldats maliens ont été « récupérés » lors des opérations de ratissage menées après la reprise des postes attaqués, ndlr].

En attaquant les postes de Mondoro et de Boulikessi [qui avait déjà été ciblé en 2017…], les jihadistes ont porté un coup dur à la Force conjointe du G5 Sahel étant donné qu’une des deux unités maliennes visées était placée sous le commandement de cette dernière. Qui plus est, ils ont mis la main sur des équipements ainsi que sur d’importantes quantités d’armes et de munitons. En outre, leur opération a, et comme cela fut déjà le cas lors de l’attaque du camp de Dioura [le 17 mars dernier], met le gouvernement malien en difficulté face à l’opinion publique.

Et il n’est pas le seul. Au Niger, les embuscades de Baley Beri [en mai, avec 27 soldats tués] et l’attaque « complexe » du camp d’In-Ates [juillet, avec 18 tués] ont illustré les faiblesses des forces armées locales. Même chose au Burkina Faso, avec l’attaque de Koutougou [24 soldats tués le 20 août] et celles menées en septembre contre des camions [au moins 29 tués parmi les civils]. Et ces « incidents » sécuritaires donnent lieu de plus en plus souvent à des tensions entre les commaunautés. Tensions qui profitent aux jihadistes.

« Les forces maliennes, comme l’ensemble des forces des pays du Sahel sont engagées dans un effort exigeant et de longue durée contre l’insécurité et le terrorisme. Elles consentent des sacrifices importants et se battent sur de nombreux fronts. Elles peuvent compter sur notre soutien et sur notre détermination dans ce combat commun », a encore assuré Florence Parly.

Selon le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, l’objectif de la force Barkhane au Mali est d’affaiblir les groupes jihadistes afin de les mettre à la portée des FAMa, qui « doivent pouvoir les affronter seules ou en tout cas en étant moins accompagnées » par les troupes françaises. Et, dans le même, il s’agit de les faire « monter en puissance », notamment « dans le cadre Union Training Mission [EUTM] » et par un « accompagnement » de la MINUSMA [mission des Nations unies au Mali, ndlr].

Mais, visiblement, cela n’est pas encore suffisant. Au-delà de la formation, les questions capacitaires se posent… En outre, tant que les accords de paix d’Alger, signé par les autorités maliennes et les groupes indépendantistes touareg de l’Azawad [nord du Mali, ndlr], ne seront pas pleinement appliqués, il sera toujours compliqué de combattre les formations jihadistes, dont celles inféodées au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM] et l’État islamique au grand Sahara [EIGS].

D’ailleurs, et ce n’est pas nouveau, certains de ces groupes armés touareg ne jouent pas franc jeu. Tel est notamment le cas, même s’il s’en défend, du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad [HCUA], qui, implanté dans la région de Kidal, compte dans ses rangs de nombreux transfuge d’Ansar Dine, une formation jihadiste dont le chef, Iyad Ag Ghali, dirige le GSIM.

D’après RFI, cité par Le Point, des cadres importants du HCUA ont été impliqués dans plusieurs attaques jihadistes au Niger. Un combattant du HCUA a « participé en mai dernier à l’attaque de Tongo Tongo [ou de Baley Beri], où 27 soldats nigériens ont été tués. Les armes prises ont été acheminées par les terroristes dans la vallée d’Inadar et réceptionnées par le chef d’état-major du HCUA. En juillet dernier, d’autres armes récupérées pendant l’attaque d’Inates sont transportées toujours au Mali, près de Menaka », explique l’hebdomadaire.

Quoi qu’il en soit, l’objectif de Paris est d’impliquer davantage ses partenaires européens au Sahel. « Nous aurions tort de croire que le terrorisme est une menace pour la France seule : nos partenaires ont tous été touchés, et c’est ensemble que nous devons réagir. Et pour ceux qui n’ont pas été frappés directement, il y a le devoir de solidarité », fit ainsi valoir la ministre des Armées, lors d’un déplacement au 4e Régiment d’hélicoptères des forces spéciales [RHFS], en juin dernier.

« Il faut accompagner les forces armées sahéliennes après les avoir formées, y compris lorsqu’elles vont au combat, et pas seulement dans les états-majors. Ce n’est pas un sport de masse, j’en conviens », avait-elle continué. Et de demander : « Si les Européens, qui sont directement concernés, ne le font pas, qui, alors, le fera? »

Lors d’une audition parlementaire, le général Lecointre avait confirmé cette intention. « Nous réfléchission à un partenariat militaire opérationnel auquel nous devons encourager nos partenaires. Je souhaite que les Européens soient de plus en plus sensibilisés à cette possibilité. À cet égard, nous travaillons à mettre sur pied une force qui serait coordonnée à l’opération Barkhane et qui serait capable de faire ce travail d’accompagnement des Maliens au combat une fois que nous porterons notre effort dans une autre zone », avait-il indiqué.

En clair, il s’agit de solliciter les autres pays européens afin de mettre en place un système inspiré de celui des OMLT [Operational Mentor Liaison Team], qui, en Afghanistan, reposait sur la présence d’instructeurs auprès des unités locales. Trouver des contributeurs ne sera pas forcément aisé… D’autant plus qu’il faudra composer avec les règles d’engagement propres à chaque pays.

« Un des principaux effets que nous recherchons est de pouvoir compter sur des énergies nouvelles pour accompagner les forces locales. Mais il ne faut pas que cela pèse sur Barkhane qui est déjà très employée », a résumé un officier français auprès de l’AFP.

En attendant, il y a urgence… « Je crains que nous n’ayons collectivement échoué à enrayer les causes profondes de la crise – la pauvreté, les failles de gouvernance, l’impunité – qui nourrissent la montée de l’extrémisme violent. Les groupes terroristes instrumentalisent les conflits locaux et se positionnent en défenseurs des communautés », relevait récemment Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies.

D’après les chiffre qu’il a donnés, le nombre de civils tués entre 2012 et 2018 dans les seuls pays du G5 Sahel [Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad] a été multiplié par quatre. Et « plus de 5 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire, plus de 4 millions ont été déplacées, 3 millions d’enfants ne sont pas scolarisés et près de 2 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire. »

Aussi, avait prévenu M. Guterres, « soyons clairs, nous sommes en train de perdre du terrain face à la violence. Nous devons redoubler d’efforts. » D’autant plus que le menace jihadiste est désormais susceptible de s’étendre jusqu’aux pays expansion vers les pays du golfe de Guinée.

Photo : © EMA

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