Pour l’armée de Terre, la culture est un « enjeu opérationnel à part entière »

La mission  » Jeanne d’Arc » ne résume pas au un stage d’application organisé chaque année pour les futurs officiers de marine. Elle permet également de soutenir la diplomatie française dans les pays où elle fait escale. Et elle peut être aussi un vecteur d’influence. En tout cas, c’est la réflexion que l’on peut se faire à la lecture des carnets de voyage du commandant Honoré d’Estienne d’Orves [« Je ne songe qu’à vivre« , Artaud].

En effet, le futur héros de la Résistance s’intéressait à la culture des pays qu’il visitait, nouant des liens, certes personnels, avec quelques représentants de la population locale. Et il faisait ainsi de la « coopération civilo-militaire » et des actions « d’influence« , à son échelle, sans le savoir… Car c’est justement ce que préconise la Doctrine interarmées (DIA)-3.10.3(A)_CIMIC(2012).

« La coopération civilo-militaire prend en compte la culture de la population locale et des principaux partenaires civils, interlocuteurs privilégiés avec lesquels elle doit bâtir des liens. Elle implique une intelligence de la situation culturelle et sociale, nourrie d’échanges directs avec les différents acteurs », explique ce texte.

Appliquée aux opérations, la coopération civilo-militaire [CIMIC] vise à favoriser l’intégration des forces au sein de l’environnement local. Ce qui n’est pas un tâche aisée.

« L’insertion de la force militaire auprès des population par la recherche de leur adhésion, ou à défaut de leur neutralité bienveillante, est un objectif délicat et difficile à atteindre, car rien ne garantit son succès. Il peut être remis en cause au moindre incident entre la force et l’environnement civil. La CIMIC ne peut pas effacer les dégâts collatéraux : reconstruire ce qu’on a détruit ne permet pas forcément de se faire accepter », prévient la document de doctrine interarmées.

Quoi qu’il en soit, dans chacun de ses « points de situation » relatifs aux opérations, l’État-major des armées [EMA] insiste beaucoup sur la coopération civilo-militaire menée au titre de Barkhane. Généralement, elle se décline en soutien logistique, en travaux du génie [réhabilitation de puits, par exemple], en prestations médicales au profit des populations, etc… Rarement il fait mention d’actions culturelles.

Et pourtant, pour l’armée de Terre, la « culture est un enjeu opérationnel à part entière ». C’est ce qu’elle assure à l’occasion d’un article relatif à la réouverture du musée nationale de Bangui [Centrafrique], à laquelle le capitaine « Ariane », conservateur du musée des Transmissions de Rennes, a contribué au début de cette année.

« Ma projection comme adjoint au sein du détachement d’influ­ence militaire en Centrafrique est une expérimentation qui s’explique par la volonté d’ajouter un volet culturel aux actions d’influence », raconte la capitaine. « Alors que j’étais en charge de la liaison avec les organismes non gouvernemen­taux, une de mes missions princi­pales fut d’accompagner le direc­teur du musée national centrafricain de Bangui pour la réouverture de ce dernier. […] Une des priorités du mandat a été la réouverture de la salle de documentation. Pari tenu. Menée en coopération avec les forces armées centrafricaines qui ont réalisé toute la menuiserie, cette initiative a mis en valeur leur compétence », explique-t-elle.

La réouverture du musée national de Bangui n’est sans doute pas anecdotique dans la mesure où, fait valoir l’article de l’armée de Terre, elle marque un « retour à la normale » et permet d’accompagner la population dans « la réap­propriation de son histoire et de sa culture ».

Cela vaut aussi, par maints côtés, pour les actions entreprises en faveur des écoles. Au Mali, la force Barkhane oeuvre en faveur de la l’ouverture d’établissements scolaires, auxquels elle fournit du matériel. C’est aussi un moyen de contrer l’influence des jihadistes. En février, le Bureau des affaires humanitaire de l’ONU [OCHA] a ainsi déploré la fermeture de 2.000 écoles au Sahel depuis 2017, en raison de « l’insécurité persistante et croissante. »

Mais comme le répétait à l’envi le général Pierre de Villiers, « gagner la guerre ne suffit pas, il faut savoir gagner la paix ». Et les activités culturelles réalisées dans le cadre de la coopération civilo-militaire peuvent y contribuer. « La culture est à prendre en compte dans la conduite des missions militaires. Elle est un outil pouvant faciliter l’intervention militaire au même titre que les nombreuses réalisa­tions menées par les actions civi­lo­-militaires : assistance médi­cale, rénovation de marché », conclut l’armée de Terre.

Photo : EMA

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