M. Bolsonaro autorise le recours à l’armée pour lutter contre les feux qui ravagent la forêt amazonienne

Selon l’Institut national pour la recherche spatiale brésilien [INPE], 76.720 départs de feu départs de feu ont été constatés entre le 1er janvier et le 22 août, dont 40.000 en Amazonie. Soit une hausse de 84% par rapport à l’an passé. Dans le même temps, le même organisme souligne que, entre juillet 2018 et juillet 2019, 2.254 km² de forêts ont disparu en Amazonie, contre « seulement » 596,6 km² un an plus tôt.

Le président brésilien, Jair Bolsonaro, a réagi à la plublication de ces données en accusant Ricardo Galvão, le directeur de l’INPE, d’être « au service d’une quelconque ONG » et d’avoir diffusé des « chiffres mensongers ». Ce dernier a ensuite été contraint à démissionner de son poste.

Ces chiffres sur les incendies et la déforestation, qui auraient été « mal interprétés », a tempéré Ricardo Salles, le ministre brésilien de l’Environnement, ont de quoi mettre M. Bolsonaro dans l’embarras dans la mesure où, lors du dernier sommet du G20, à Osaka [Japon], il avait assuré que Brasilia respectait l’accord de Paris sur le climat, ce qui était une condition pour la ratification de l’accord de libre-échange récemment conclu entre les pays du Mercosur [Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay] et l’Union européenne [UE].

Selon les experts, la déforestation expliquerait en grande partie l’augmentation quasi-exponentielle des départs de feu en Amazonie.

Poétiquement surnommée le « poumon de la planète » pour sa capacité d’absorption du dioxyde de carbone [ce qui n’est pas sans conséquence sur la régulation du climat], la forêt amazonienne s’étend sur une superficie de 5,5 millions de km², dont 63% se trouvent au Brésil, le reste se partageant entre la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Pérou, le Surinam, le Venezuela… et la France, avec la Guyane.

D’où le ton offensif adopté par le président Macron, à la veille du G7, à Biarritz. Quitte à provoquer une crise diplomatique entre Paris et Brasilia.

« Compte tenu de l’attitude du Brésil ces dernières semaines, le président de la République ne peut que constater que le président Bolsonaro lui a menti lors du sommet d’Osaka », a fait savoir l’Élysée, le 23 août. Estimant que « le président Bolsonaro a décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité », la France « s’oppose » désormais à « l’accord Mercosur en l’état ». La veille, 700 nouveaux feux avaient encore été constatés…

Alors que le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a estimé que « les feux de forêt qui ravagent la forêt amazonienne ne sont pas seulement bouleversants » mais sont « également d’une crise internationale », le gouvernement allemand a critiqué la décision française au sujet de l’accord UE/Mercosur en affirmant qu’elle « n’est pas la réponse appropriée » dans la mesure où elle ne contribuera « pas à réduire le défrichement de la forêt tropicale au Brésil. »

Quant à M. Bolsonaro, il a en retour acccusé M. Macron « d’instrumentaliser » le sujet « pour des gains politiques personnels ». Et d’ajouter : « La suggestion du président français selon laquelle les affaires amazoniennes soient discutées au G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle »….

En outre, a encore fait valoir le président brésilien, « les incendies de forêt existent dans le monde entier et cela ne peut pas servir de prétexte à d’éventuelles sanctions internationales. » Par ailleurs, selon lui, ces incendies n’ont rien à voir avec sa politique environnementale.

« Il pourrait s’agir, oui, il pourrait, mais je ne l’affirme pas, d’actions criminelles de ces membres d’ONG pour attirer l’attention contre ma personne, contre le gouvernement brésilien. C’est la guerre à laquelle nous sommes confrontés », a en effet déclaré M. Bolsonaro, le 21 août.

Deux jours plus tard, le président brésilien a dit envisager faire appel aux forces armées pour lutter contre les incendies. « Aux imprudents qui insistent sur la sauvegarde des objectifs de l’Amazonie brésilienne, ne vous y trompez pas, les soldats seront toujours vigilants, prêts à défendre et à repousser toute forme de menace », a-t-il déclaré.

Puis, plus tard, il a autorisé les gouverneurs des États concernés par ces feux de forêts à recourir à l’armée pour « l’identification et la lutte contre les foyers d’incendies », ainsi que pour « des actions préventives et répressives contre les délits environnementaux. »

Le souci est que le Brésil est démuni pour faire face à des incendies d’une telle ampleur. Depuis 1856, le pays dispose d’un corps de pompiers militaires [Corpo de Bombeiros Militar], dont le statut a évolué au gré de la vie politique brésilienne, souvent agitée…

Ce corps de pompiers militaires est lui même divisé en plusieurs unités régionales. Ce qui fait que ses moyens sont disparates. Et les bombardiers d’eau se font [très] rares : les pompiers militaires du Mato Grosso, qui est l’un des États le plus touché, n’ont seulement en dotation que des avions Air Tractor 802F, d’une capacité de 3.000 litres. Ceux des États d’Amazonas et de l’Acre n’ont aucun moyen aérien.

Cela étant, le président américain, Donald Trump, a offert l’aide des États-Unis à son homologue brésilien.

« Je viens de parler au président Jair Bolsonaro. Je lui ai dit que si les Etats-Unis pouvaient aider concernant les incendies en Amazonie, nous étions prêts à le faire! », a en effet assuré le chef de la Maison Blanche, via Twitter.

La préservation de la forêt amazonienne couvre d’autres enjeux. Ainsi, 420 tribus y vivent, dont une soixantaine sont dans un isolement total. Cette population représente 3 millions d’individus, 86 languers et 650 dialectes… En outre, selon l’Organisation du Traité de coopération amazonienne (OTCA), elle abrite 30.000 espèces de plantes, 2500 de poissons, 1500 d’oiseaux, 500 de mammifères, 550 de reptiles et 2,5 millions d’insectes.

MàJ – 25.08.2019 : À noter que les Forces armées brésiliennes disposent de quelques avions de transport C-130 Hercules pouvant être trasnformés en bombardiers d’eau grâce au système MAFFS [Modular Aerial Firefighting Systems].

Photo : Corpo de Bombeiros Militar

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