La Corée du Sud s’en remet aux États-Unis pour le partage de renseignements avec le Japon
S’ils ont beaucoup de points communs, à commencer par le parapluie militaire américain dont ils bénéficient tous les deux, le Japon et la Corée du Sud ont aussi des désaccords profonds, comme, par exemple, au sujet des rochers Liancourt [Dokdo ou Takeshima], lesquels sont revendiqués par Tokyo alors qu’ils ont administrativement rattachés à l’île sud-coréenne d’Ulleungdo. Et c’est sans compter sur les contentieux hérités de l’histoire, et surtout de l’occupation nippone de la péninsule coréenne de 1910 à 1945.
Cependant, et selon le principe affirmant qu’il vaut mieux regarder les motifs de rapprochement plutôt que les facteurs de division, Tokyo et Séoul signèrent, en novembre 2016, un accord visant à faciliter le partage d’informations entre leurs services de renseignement respectifs, sans avoir à passer par les États-Unis qui, jusqu’alors, servaient de courroi de transmission.
« Notre sécurité se trouvera renforcée par le fait que nous puissions utiliser les capacités de renseignements japonaises pour faire face aux menaces nord-coréennes grandissantes », fit valoir, à l’époque, le ministère sud-coréen de la Défense, au sujet de cet accord sur « la sécurité générale des informations militaires » [GSOMIA].
Cela étant, cette entente fut mal accueillie par l’opinion publique sud-coréenne, pour qui cette coopération avec le Japon était « non patriotique » et « humiliante ». Quant aux dirigeants nord-coréens, ils la qualifièrent de « trahison » au profit de « l’ennemi juré du peuple coréen ».
Mais les opposants à cet accord peuvent désormais se réjouir : le gouvernement sud-coréen a en effet décidé d’y mettre un terme unilatéralement.
« Nous avons décidé qu’il n’était pas dans l’intérêt national de maintenir l’accord qui a été signé avec l’objectif d’échanger des renseignements militaires sensibles », a ainsi annoncé un responsable sud-coréen, le 22 août.
Il faut dire que les relations entre les deux pays ont connu une brusque dégradation, début août, avec la décision de la justice sud-coréenne d’exiger d’entreprises nippones d’indemniser des Sud-Coréens qu’elles avaient forcés de travailler dans leurs usines durant l’occupation japonaise. En retour, Tokyo a retirer la Corée du Sud de sa liste des pays bénéficiant d’un traitement de faveur. En retour, Séoul a fait la même chose.
Quoi qu’il en soit, la décision sud-coréenne au sujet du GSOMIA été vivement dénoncée par les autorités japonaises. »
« Je dois dire que la décision de mettre fin à ce pacte par le gouvernement sud-coréen est une totale erreur de jugement de la situation de la sécurité régionale et est extrêmement regrettable », a affirmé Taro Kono, le ministre japonais des Affaires étrangères « Nous ne pouvons accepter les affirmations de la partie sud-coréenne et nous allons protester vivement auprès du gouvernement de Corée du Sud », a-t-il ajouté.
Son homologue à la Défense, Takeshi Iwaya, a fait valoir que cet accord était « vital » pour la sécurité régionale et que sa suppression allait « rendre la coopération bilatérale en matière de défense plus difficile. » En outre, a-t-il rappelé, le GNOSIA permettait un « échange d’informations approfondi et prudent entre les deux parties » lors « des séries de lancements de missiles nord-coréens ».
Car la menace nord-corénne n’a évidemment pas disparu par enchantement… Ces dernières semaines, Pyongyang a enchaîné les tirs de missiles balistiques à une fréquence que l’on n’avait plus vu depuis plusieurs mois. Et, si l’on en croit le renseignement japonais, cité par le quotidien Yomiuri, les ingénieurs nord-coréens auraient fait des progrès susbstantiels en matière de miniaturisation des têtes nucléaires. Son homologue sud-coréen avait énoncé une conclusion quasi-similaire en janvier dernier…
Par ailleurs, les États-Unis ont dit regretter la fin du GNOSIA. « Nous exhortons chacun des deux pays à continuer à coopérer, à maintenir le dialogue. Il est certain que les intérêts communs du Japon et de la Corée du Sud sont importants. Nous espérons que ces deux pays vont pouvoir remettre leur relation là où elle doit être », a commenté Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine.
Quant au Pentagone, il a exprimé sa « profonde inquiétude et sa déception après la décision du gouvernement Moon de refuser de maintenir l’accord » de partage de renseignements avec le Japon.
Finalement, il n’y avait sans doute guère matière à s’inquiéter autant… Car, finalement, la Corée du Sud continuera de partager ses informations avec le Japon, mais via les États-Unis. En clair, on retrouvera ainsi la situation qui prévalait avant novembre 2016…
« En lieu et place de l’accord, la Corée du Sud va dorénavant utiliser activement le canal trilatéral d’échange d’informations, avec les États-Unis comme intermédiaire », a en effet annoncé Kim Hyun-chong, un responsable de la sécurité nationale à la présidence sud-coréenne.
Photo : avion de guerre électronique NAMC YS-11 des forces d’autodéfense japonaises