Confirmée par le Pentagone, la mort de Hamza Ben Laden va-t-elle compliquer la succession du chef d’al-Qaïda?

Fin juillet, la presse américaine révéla que Hamza Ben Laden, le « fils préféré » du fondateur du réseau jihadiste al-Qaïda, avait été tué lors d’une opération dans laquelle les États-Unis auraient « eu un rôle ». S’étant appuyé sur les confidences faites par deux responsables américains, le New York Times ne fut pas en mesure d’en dire davantage. Même chose pour la chaîne télévision NBC, à l’origine de cette information.

Interrogé sur la mort présumé du fils Ben Laden, le président américain, Donald Trump, botta en touche. « Je ne veux pas faire de commentaire là-dessus », déclara-t-il aux journalistes de NBC.

Finalement, le sort de Hamza Ben Laden a été confirmé, trois semaines plus tard, par Mark Esper, le secrétaire américain à la Défense. Et encore, du bout des lèvres. « Je n’ai pas les détails. Et si je les avais, je ne suis pas sûr que je pourrais les partager avec vous », a-t-il dit, lors d’un entretien donné à Fox News, le 22 août. Cela étant, le chef du Pentagone s’est montré prudent. À la question si le fils d’Oussama Ben Laden est mort, il a répondu : « c’est ce que je comprends ».

Déchu de la nationalité saoudienne en mars dernier, Hamza Ben Laden faisait l’objet d’un avis de recherche émis par les États-Unis, avec une récompense d’un million de dollars à la clé pour quiconque fournirait des informations permettant de le retrouver.

Les détails sur Hamza Ben Laden sont peu nombreux. On sait que, avec d’autres membres de sa famille, il avait trouvé refuge en Iran, où il se serait marié, en 2007, avec la fille de Mohammad Atta, l’un des terrroristes du 11 septembre 2001. Placé en résidence surveillé par Téhéran, il fut échangé contre des otages iraniens détenus par la mouvance jihadiste en 2010. Puis, il aurait eu Atiyah Abd-al Rahman, un des lieutenants de son père, comme mentor.

D’après les documents retrouvés à Abbottabad [Pakistan] après le raid des Navy Seals qui lui fut fatal, Oussama Ben Laden envisageait de placer Hamza à la tête d’al-Qaïda. Aussi était-il considéré comme étant le « prince du jihad ». Et sa trace fut perdue. « Nous pensons qu’il est probablement à la frontière afghano-pakistanaise et qu’il passera en Iran. Mais il pourrait se trouver n’importe où dans le sud de l’Asie centrale », avait indiqué Michael Evanoff, adjoint du secrétaire d’État pour la sécurité diplomatique, à la BBC.

Cela étant, les observateurs de la mouvance jihadiste ne sont pas tous d’accord sur le statut d’Hamza Ben Laden. Ainsi, pour le journaliste Wassim Nasr, de France24, « on lui a souvent prêté un rôle exagéré dans l’organisation, avec nos prismes occidentaux. Mais al-Qaïda n’est pas une dynastie ».

Directrice de Site Intelligence Group, qui suit les activités jihadistes sur Internet, Rita Katz, estime que, même s’il n’avait aucun titre officiel au sein d’al-Qaïda, Hamza Ben Laden était vu « comme un futur chef qui saurait unir le jihad mondial », dans la mesure il se gardait de s’en prendre à l’État islamique [EI ou Daesh]. Aussi, a-t-elle assuré, via Twitter, « si sa mort est confirmée, ce sera un chox majeur pour le mouvement. »

En tout cas, si son statut « d’héritier » a pu faire débat, il n’en reste pas moins que Hamza Ben Laden a été relativement actif médiatiquement, dans la mesure où il fit diffuser plusieurs messages audio. Et pas seulement pour menacer les États-Unis en particulier et les Occidentaux en général. En 2016, il avait fait de la Syrie un « objectif prioriraire », en appelant à « l’unification des rangs des moudjahidines », c’est à dire à l’unité des groupes jihadistes. « La voie pour libérer la Palestine est aujourd’hui plus courte grâce à la révolution en Syrie », avait-il plaidé.

Justement, al-Qaïda vient de connaître un nouveau coup dur dans la province syrienne d’Idleb, avec la perte d’Abou Khallad al-Muhandis [« l’ingénieur »], alias Sari Shihab, dans l’explosion d’une bombe près de son véhicule. Ce vétéran du jihad, qui fut autrefois un proche d’Abou Moussab al-Zarakoui [le fondateur de ce qui est devenu l’EI par la suite], avait été libéré en 2015 par l’Iran en échange de la libération d’un diplomate iranien détenu au Yémen. Et cela, en compagnie de Saïf al-Adel, Abou Mohammed al-Masri, Abou Khayr al-Masri et Khalid al-Aruri.

Les trois premiers sont des cadres historiques d’al-Qaïda [et recherchés à ce titre par les États-Unis, notamment pour les attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, perpétrés en 1998, ndlr].

Quant à Khalid al-Aruri, qui fut aussi un proche d’al-Zarkaoui, il dirige désormais le groupe jihadiste Tanzim Hurras ad-Din, lequel fit allégeance au chef d’al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, en avril 2018. Actuellement, cette formation, visée par une frappe américaine en juin dernier, s’oppose au Hayat Tahrir al-Cham [HTC], l’ex-branche syrienne de l’organisation créée par Ben Laden. Et Khallad al-Muhandis en était l’une des cadres.

Faut-il y voir un lien avec la mort du fils Ben Laden? Toujours est-il que, récemment, al-Muhandis fut vivement critiqué pour avoir diffusé, via la messagerie Telegram, une lettre de Hamza Ben Laden, certains jihadistes l’ayant accusé d’avoir violé les règles de sécurité propres à l’organisation.

Reste que, selon le dernier rapport de l’équipe de suivi du comité des sanctions de l’ONU contre l’EI et al-Qaïda, le réseau fondé par Oussama Ben Laden pourrait connaître quelques turbulences.

« L’ampleur de la menace que représente al-Qaïda dans l’immédiat n’est toujours pas claire. En effet, Ayman al-Zawahiri serait en mauvaise santé et la manière dont le groupe gèrera sa succession est incertaine », lit-on dans ce document [.pdf].

Aussi, la « sortie du bois » de Saif al-Adel ne doit sans doute rien au hasard. Ce vétéran de la mouvance jihadiste, d’origine égyptienne, s’est récemment fendu d’un message pour évoquer la situation en Syrie et en appeler à l’application d’une « nouvelle stratégie » contre les « ennemis » de l’islam. En réalité, et au-delà de la communication autour de Hamza Ben Laden, tout laisse à penser que la succession d’al-Zawhiri devrait lui revenir. Pour le moment, les États-Unis ont mis sa tête à prix pour 10 millions de dollars…

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