Le président Erdogan évoque à nouveau une intervention militaire turque dans le nord de la Syrie

Durant l’automne 2018, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait évoqué, à plusieurs reprises, le lancement d’une opération militaire contre les Unités de protection du peuple [YPG], c’est à dire les milices kurdes syriennes établies dans le nord de la Syrie. Seulement, ces dernières, membres des Forces démocratiques syriennes [FDS, alliance arabo-kurde], donnaient alors les utlimes coups de boutoir contre les dernières positions occupées par l’État islamique [EI ou Daesh] dans la province de Deir ez-Zor.

Pour rappel, Ankara considère les YPG comme terroristes, en raison de leur proximité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], à l’origine d’une sanglante guérilla en Turquie. Aussi, il est hors de question pour les autorités turques de voir les Kurdes syriens disposer d’un territoire autonome à frontière turco-syrienne.

Finalement, cette opération promise ne fut pas lancée, même si Ankara put croire avoir les mains libres après l’annonce faite par le président Trump au sujet du retrait de Syrie des forces américaines, déployées en appui des FDS. Cela étant, le chef de la Maison Blanche avait menacé de « dévaster l’économie turque » en cas d’une offensive contre les milices kurdes syriennes.

Une opération turque dans le nord de la Syrie aurait au moins deux conséquences : la remise dans la nature des combattants étrangers de l’EI capturés par les FDS et une pression moins forte de ces dernières contre les cellules dormantes de l’organisation jihadiste, qui cherche à créer et à renforcer les « conditions propices à sa résurgence », selon un récent rapport des Nations unies.

Aussi, les États-Unis ont proposé à la Turquie d’instaurer une zone tampon entre la frontière turque et les territoires passés sous le contrôle des milices kurdes syriennes. Et, depuis maintenant plus de six mois, les discussions entamées à cette fin n’ont guère avancé.

Le 24 juillet, le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu, a fait part de l’impatience de son pays.

« Les nouvelles propositions américaines ne sont pas à un niveau satisfaisant. Nous devons le dire clairement. Nous avons l’impression qu’ils [les États-Unis] essaient de gagner du temps. Nous devons trouver au plus vite un accord sur la zone de sécurité. Nous sommes à bout de patience », a en effet déclaré M. Cavusoglu.

Le 4 août, et alors qu’une délégation de militaires américains étaient attendue à Ankara pour évoquer cette zone de sécurité, le président Erdogan a de nouveau évoqué le lancement d’une opération militaire turque dans le nord de la Syrie, à l’est de l’Euphrate, après celles menées en 2016 [Jarabulus et al-Bab] et en 2018 [contre le canton d’Afrin, nldr].

« Nous sommes entrés dans Afrin, Jarabulus, al-Bab. Nous allons maintenant entrer dans l’est de l’Euphrate. Nous avons partagé cette information avec la Russie et les États-Unis. Tant que les agressions continueront, nous ne pourrons rester silencieux. […] Ankara patiente depuis un certain temps mais cette patience a une fin », a en effet déclaré M. Erdogan.

Il n’est pas exclu que cette déclaration du président turc ait été faite pour mettre la pression sur les discussions en cours avec la partie américaine. Cependant, une opération de la Turquie contre les YPG compliquerait davantage une situation qui l’est déjà bien assez.

Dans un entretien donné au Journal du Dimanche, Jean-Charles Brisard, le président du Centre d’analyse du terrorisme, a affirmé qu’il y aurait eu « environ 400 attaques » commises par Daesh dans le nord-est de la Syrie depuis la fin de son « califat » physique », en mars dernier. Outre la question des jihadistes étrangers retenus prisonniers par les FDS [et dont les pays d’origine ne souhaitent pas le retour], la coalition anti-EI dirigée par les États-Unis y est encore active.

« Il faudra aider nos partenaires des FDS à passer au tamis l’Est de l’Euphrate, à détruire les cellules dormantes, et à empêcher tout regain », avait déclaré Florence Parly, la ministre des Armées, lors d’un déplacement à Pau, en juin dernier.

Photo : char Leopard 2 des forces turques

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