Fin du Traité FNI : Les États-Unis annoncent le développement de nouveaux missiles « conventionnels »

Interdisant les missiles à capacité nucléaire d’une portée allant de 500 à 5.500 km et ne concernant que les États-Unis et la Russie, le Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], signé en 1987, a donc officiellement pris fin le 2 août, après des années de dialogue de sourds entre Washington et Moscou.

Pour rappel, en 2014, les États-Unis accusèrent la Russie d’avoir développé et déployé le missile SSC-8 [ou Novator « 9M729 »] dont la portée était alors interdite par le Traité FNI. Ce que les autorités russes nièrent sans pour autant répondre de manière satisfaisante, selon l’Otan, aux interrogations suscités par cette nouvelle arme.

D’où la décision américaine de se retirer de cet accord. Décision qui vient donc de prendre effet.

En réalité, la fin du traité FNI arrangent aussi bien la Russie que les États-Unis. La première estimait que cet accord n’était « pas juste » tandis que les seconds auront désormais les mains libres dans leur face-à-face avec la Chine, dont l’arsenal se compose majoritairement de missiles de portée intermédiaire.

En revanche, il en va autrement pour les Européens. « La France regrette qu’aucune solution n’ait pu être trouvée pour maintenir en vigueur le traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], et que la Russie n’ait pas répondu aux demandes d’explications ni aux appels à une application conforme du traité formulés de façon répétée l’an dernier », a ainsi commenté le ministère français des Affaires étrangères.

Et d’ajouter : « Le Traité FNI était un élément central de l’architecture de sécurité européenne et de la stabilité stratégique en Europe. La fin de ce traité accroît les risques d’instabilité en Europe et érode le système international de maîtrise des armements. »

Pour autant, il n’est pas question pour les Européens de revivre la crise des Euromissiles, à laquelle le Traité FNI mit un terme. « Si nous allons vers la fin de cet accord, la sécurité de l’Europe sera en danger et nous ne voulons pas que le territoire européen redevienne un champ de bataille pour d’autres puissances comme il l’a été dans le passé », avait en effet prévenu Federica Mogherini, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Même chose du côté de l’Otan, dont le secrétaire général, Jens Stoltenberg, a une nouvelle fois rejeté toute nouvelle « course aux armements. »

Reste que, selon Jon Wolfsthal, directeur du Nuclear Crisis Group et ancien expert nucléaire au Conseil de sécurité nationale sous l’administration Obama, la fin du Traité FNI aura des conséquences potentiellement « dramatiques ».

« La Russie continuera à produire et à déployer des missiles de portée intermédiaire, ce qui augmentera considérablement le risque pour les alliés européens ainsi que le risque d’escalade avec les États-Unis », dans la mesure où les Russes seront en mesure de « menacer l’est de l’Asie, voire l’Alaska », a-t-il expliqué à CNN.

Le retrait du Traité FNI est « le résultat direct des violations répétées de la Russie depuis de nombreuses années », a commenté Mark Esper, le nouveau chef du Pentagone. « Les faits sont clairs. La Russie produit et met en service une capacité offensive interdite » par cet accord, ce qui « mine les bases d’un contrôle efficace des armements et la sécurité des États-Unis », a-t-il continué.

« Maintenant que nous nous sommes retirés, le département de la Défense va poursuivre pleinement le développement de missiles conventionnels tirés depuis le sol dans une réponse prudente aux actions de la Russie », a ensuite annoncé M. Esper.

« Parce que les États-Unis ont scrupuleusement respecté leurs obligations vis-à-vis du traité FNI, ces programmes concernant les systèmes de missiles balistiques mobiles conventionnels, lancés depuis le sol, en sont à leurs début », a expliqué le chef du Pentagone.

Cela étant, le Pentagone ne part pas d’une feuille blanche. Afin de remplacer le missile balistique tactique MGM-140 ATACMS [Army Tactical Missile System] tiré par le système d’artillerie HIMARS, il a lancé le projet PrSM [Precision Strike Missile] pour lequel Raytheon et Lockheed-Martin sont en concurrence.

Initialement, la portée maximale de ce nouveau missile a été fixée à 499 km. Mais la sortie de Washington du Traité FNI va changer la donne dans la mesure où la capacité du PrSM devrait être accrue. Des essais étaient programmés pour cet été. Finalement, ils ont été reportés à la fin de cette année. La mise en service du Precision Strike Missile est prévue en 2023.

À noter que des pays européens, comme la Pologne et la Roumanie, ont commandé des systèmes HIMARS. Et ils auront donc potentiellement la capacité de lancer des missiles PrSM…

Désormais, avec la fin du Traité FNI, seul l’accord de désarmement New Start, qui ne concerne, là encore, que les seuls États-Unis et la Russie, est en vigueur. Plus pour très longtemps car il arrive à échéance en 2021. Pour le président Trump, un nouveau traité devrait associer la Chine. « Cela serait une très bonne chose pour tout le monde », a-t-il dit. Seulement, Pékin n’y est pas favorable. Du moins pour le moment.

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