Otan : M. Stoltenberg juge « ridicule » le moratoire sur les missiles de portée intermédiaire proposé par la Russie
Ce 2 août, les États-Unis et la Russie ont officiellement pris acte de la fin du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires [FNI], lequel a interdit, pendant plus de trente ans, le déploiement de missiles à capacité nucléaire ayant une portée comprises entre 500 et 5.500 km. Pour rappel, ce texte avait mis un terme à la crise des Euromissiles, qui défraya la chronique dans les années 1970 et 1980.
La Russie a été la première à réagir, en accusant les États-Unis d’être les responsables de la fin de cet accord et en proposant un « moratoire » sur les missiles à portée intermédaire si les forces américaines en faisaient autant. « Le 2 août 2019, à l’initiative américaine, cesse la validité du Traité signé le 8 décembre 1987 à Washington par l’Union soviétique et les États-Unis sur la liquidation des missiles de portée intermédiaire », a en effet annoncé le diplomatie russe.
Or, la Russie est justement accusée, depuis 2013, d’avoir manqué à ses engagements pris dans le cadre du Traité FNI en développant et en déployent le missile SSC-8 [ou Novator « 9M729 »]. Même si elle s’en défend [l’engin en question aurait une portée de 480 km, assure-t-elle], elle n’a jamais répondu de manière satisfaisante aux préoccupations exprimées par les États-Unis et, plus largement, par l’Otan.
Aussi, à Washington, on a pointé la responsabilité de Moscou dans la fin du traité FNI. « Le retrait des États-Unis, conformément à l’article XV du traité, prend effet aujourd’hui car la Russie n’a pas renoué avec son respect total et vérifié », a ainsi déclaré Mike Pompeo, le chef de la diplomatie américaine, via un communiqué.
L’article XV en question précise : « Chaque partie, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, a le droit de se retirer du présent traité si elle décide que des événements extraordinaires liés à l’objet du présent traité ont compromis ses intérêts suprêmes. Il notifie sa décision de retrait à l’autre partie six mois avant son retrait du présent traité. Cette notification doit inclure une déclaration des événements extraordinaires que la Partie notifiante considère comme ayant mis en péril ses intérêts suprêmes. »
Dans son communiqué, M. Pompeo rappelle que les « États-Unis ont évoqué leurs inquiétudes auprès de la Russie dès 2013 » et que la partie russe a « systématiquement repoussé durant six ans les efforts américains pour que la Russie respecte à nouveau. »
Cela étant, la fin du Traité FNI fait les affaires de la Russie et des États-Unis. Comme l’a rappelé l’expert militaire russe indépendant Pavel Felgenhauer à l’AFP, dès 2007, « l’armée russe et le Kremlin disaient que le traité FNI n’était pas un bon accord, qu’il n’était pas juste. » Et, désormais, Washington, a les mains libres pour moderniser son arsenal afin de contrer celui de la Chine, qui repose essentiellement sur des missiles de portée intermédiaire.
En revanche, pour les membres européens de l’Otan, c’est une autre histoire dans la mesure où le spectre d’une crise analogue à celle des Euromissiles plane de nouveau… Mais on n’en est pas encore là…
En attendant, l’Otan a publié un communiqué dans la teneur est identique à celui de M. Pompeo. « La Russie continue aujourd’hui d’enfreindre le traité FNI, en dépit des efforts de dialogue que les États-Unis et, plus généralement, les Alliés mènent depuis des années. […] Par conséquent, la décision des États-Unis de se retirer du traité, pleinement appuyée par les autres pays membres de l’OTAN, prend maintenant effet. La Russie porte l’entière responsabilité de l’extinction du traité », a réagi l’Alliance atlantique.
« Nous regrettons que [la Russie] n’ait montré aucune volonté de se conformer de nouveau à ses obligations internationales et n’ait pris aucune mesure concrète en ce sens. Une situation dans laquelle le traité est pleinement respecté par les États-Unis, mais pas par la Russie, n’est pas tenable », insiste le texte.
Pour autant, et comme l’a de nouveau assuré M. Stoltenberg, il n’est pas question pour l’Otan de se lancer dans une nouvelle course aux armements.
« Nous ne voulons pas d’une nouvelle course aux armements, mais nous ferons en sorte que notre dissuasion soit crédible » face au déploiement du nouveau système de missiles russes « capables de transporter des têtes nucléaires et de frapper les villes européennes en quelques minutes », a en effet expliqué M. Stoltenberg.
Aussi, ce dernier a qualifié de « ridicule » le moratoire proposé par Moscou sur le déploiement de missiles de portée intermédiaire.
« Offrir un moratoire n’est pas crédible. […] La Russie a déployé des missiles en violation du traité FNI. Comment croire en sa bonne foi. C’est risible et ridicule », a dit le secrétaire général de l’Otan, lors d’une conférence de presse donnée à Bruxelles, ce 2 août.
« Nous avons investi dans des nouvelles capacités de défense anti-missiles et aériennes. Nous avons augmenté les dépenses de défense. Nous avons accru notre présence militaire à l’est de l’Europe et nous avons augmenté la réactivité de nos forces », a ensuite expliqué M. Stoltenberg. « Mais nous ne réagirons pas de manière intempestive. Nous voulons conserver une approche juste, défensive et dissuasive […] vis-à-vis des risques considérables que font peser les nouveaux missiles russe », a-t-il continué, avant d’assurer qu’il n’est pas question de déployer « de nouveaux missiles nucléaires terrestres en Europe. »
Enfin, le secrétaire général de l’Otan s’est dit « convaincu que la Russie se rendra compte des avantages d’une maîtrise des armements » car il est dans son « intérêt d’éviter une nouvelle course aux armements dangereuse et extrêmement onéreuse. »