Il y a 60 ans, l’aventure du révolutionnaire projet d’avion C-450 « Coléoptère » prenait fin

De nos jours, l’innovation est le maître-mot du ministère des Armées. Et innover suppose de prendre un risque : celui d’échouer. Dans les années 1950, les projets reposant sur des concepts innovants pour l’époque foisonnèrent, notamment en aéronautique. Un âge d’or pour les ingénieurs et les pilotes d’essais [dont certains acquirent une notoriété certaine, comme le colonel « Kostia » Rozanoff, Roger Carpentier, Jacqueline Auriol, etc].

Et quelques prototypes donnèrent des idées aux auteurs de fiction. Tel fut le cas du C-450 « Coléoptère », qui inspira un album de Tanguy et Laverdure [Danger dans le Ciel] et que l’on retrouva dans un roman de la série Bob Morane [« OASIS K NE REPOND PLUS Type 1 1958« ].

Il faut dire que le C-450 « Coléoptère » était probablement l’avion le plus original [et révolutionnaire] parmi tous ceux qui furent imaginés durant cette période, même s’il n’était pas seul appareil de type ADAV [aéronef à décollage et atterrissage verticaux] envisagé durant cette période, étant donné que les états-majors voulaient se prémunir contre la destruction des pistes d’aviation en cas d’attaque soviétique. Ainsi, Morane-Saulnier travaillait sur un tel concept avec le MS 1001 Statodyne, sous la houlette de Georges Caillette, tandis la société Nord Centre planchait sur le NC 2480.

Mais le C-450 « Coléoptère » fut le plus abouti car il arriva au stade de prototype. Son développé, assuré la SNECMA au début des années 1950, reposait sur les travaux d’un ingénieur autrichien, Helmut von Zborowski, qui, après avoir dirigé le centre de BMW pour les armes secrètes du IIIe Reich durant la guerre, fut escamoté au nez et à la barbe des Américains par les services secrets français.

En France, von Zborowski travailla pour la Société d’études de la propulsion à réaction [SEPR] avant de fonder son propre bureau d’études, le BTZ [Bureau Technique Zborowski]. Durant ces années, il reprit ses travaux sur l’aile en anneau [Ringflüger], qu’il avait menés au profit de l’avionneur Heinkel quelques années plus tôt, et s’interessa au statoréacteur. Les brevets qu’il dépose furent achetés par la SNECMA, qui souhaitait mettre au point un avion à décollage et atterrissage verticaux, sur la base d’un réacteur ATAR E-5V de 3 700 kg de poussée.

Étant motoriste, la SNECMA s’associa donc avec Nord Aviation pour développer ce qui allait devenir le C-450 « Coléoptère ». Ct avion devait en partie son côté révolutionnaire à son aile annulaire. L’idée de ce dispositif avait été expérimentée, sans succès, par Louis Blériot et Gabriel Voisin sur le Blériot III, en 1906.

D’un diamètre extérieur de 3,20 mètres et d’une profondeur de 3 mètres, cette aile annulaire offrait une surface portante de 18 m2. En outre, elle devait servir de tuyère pour permettre au moteur de fonctionner en mode « stato-réacteur ».

D’une masse de 3.086 kg [avec 860 litres de pétrole] pour une longueur de 8,02 mètres et une envergure de 4,51 mètres, le C-450 « Coléoptère » était doté de déviateurs de jet orientables, des injecteurs d’air comprimé et de gouvernes aérodynamiques installés sur de petites dérives. Des empennages canards escamotables devaient faciliter les phases de basculement de l’avion.

Il était attendu que de voir le  C-450 voler à la vitesse de Mach 3 et afficher une vitesse ascentionnelle de 7 800 m/min. Ce qui était alors particulièrement ambitieux…

Contrairement à d’autres projets qui n’allèrent pas plus loin que la planche à dessin, le C-450 « Coléoptère » réalisa, le 17 avril 1959, son premier décollage vertical, sous portique, avec le pilote Auguste Morel aux commandes. Puis, le 5 mai suivant, il effectua son vol inaugural. Vol qui dura 3 min 38 secondes.

L’appareil semblait être une réussite technologique… Seulement, et après avoir passé plus de 20 heures dans les airs, son 9e vol d’essai faillit être un drame. Le 25 juillet 1959, accompagné par deux hélicoptères et alors qu’il allait effectuer une transition de vol horizontal au vol vertical, le Coléoptère perdit sa stabilité… Et les efforts d’Auguste Morel pour rétablir la situation furent vains… Et il dut s’éjecter à 500 mètres du sol, ce qui lui valut de graves blessures. Et le seul prototype du C-450 fut irrémédiablement perdu.

L’enquête du Centre d’essais en vol [CEV] estima que « les anomalies de stabilisation pendant la descente en vol vertical et les difficultés de pilotage qui s’en sont suivies ont été à l’origine de l’accident. Le pilote croyant le réacteur ‘plein gaz’ au cours de cette phase de vol a incriminé la présence des hélicoptères et n’a pas pu surveiller ses instruments durant les quelques secondes qui se sont révélées critiques ». [*]

Quoi qu’il en soit, cet accident eut pour conséquence la fin du C-450 « Coléoptère »… Cela étant, d’autres appareils du même type, dit « Tail-Sitter » ont connu un sort identique outre-Atlantique. Tel fut le cas du Convair XFY-1 Pogo et du Lockheed XFV-1, deux prototypes imaginés pour répondre à un besoin exprimé par l’US Navy.

Si ce concept de Tail-Sitter ne s’est pas concrétisé il y a 60 ans, il retrouve aujourd’hui un regain d’intérêt dans la mesure où il inspire des projets de drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] pouvant etre embarqués à bord de navires de surface. Tel est le sens des programmes TERN [Tactically Exploited Reconnaissance Node] de l’US Navy et MUX de l’US Marine Corps.

[*] Cité dans le numéro 596 du Fana de l’Aviation

À lire : French Secret Projects: Post War Fighters et French Secret Projects: Bombers, Patrol and Assault Aircraft – Jean-Christophe Carbonnel – Crecy Publishing

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