Le chef d’état-major des Armées dit observer une « attitude de plus en plus agressive de la Chine »

En 2015, la Chine publia un Livre blanc sur la Défense dans lequel elle mit l’accent sur le concept de « défense active ». En réalité, ce document insistait sur le développement des capacités de projection de l’Armée populaire de libération [APL].

En effet, devant accompagner le « rêve chinois de grande renaissance nationale » du président Xi Jinping, ce Livre blanc expliquait que la composante navale de l’APL devait passer « progressivement d’une stratégie de défense des eaux au large des côtes à une stratégie combinée de défense de ces eaux et de protection en haute mer. »

Depuis, Pékin a continué à avancer ses pions en mer de Chine méridionale en pratiquant la politique du fait accompli et inauguré sa première base à l’étranger, en l’occurence à Djibouti. Et, dans le cadre de son projet de « nouvelles routes de la soie », le gouvernement chinois a continué d’appliquer la stratégie dite du « collier de perles » tout en accentuant son influence en Afrique.

Le nouveau Livre blanc sur la Défense que vient publier Pékin se veut « plus rassurant », si l’on peut dire, sur les intentions chinoises. Certes, les ambitions de la Chine en matière militaire sont réaffirmées [il s’agit de bâtir une armée moderne et avancée sur le plan technologique], Taïwan reste dans le collimateur et les États-Unis en prennent pour leur grade… Cependant, le document insiste sur la coopération et le multilatéralisme [en faisant par ailleurs de la Russie un partenaire de premier plan].

Cela étant, la Fondation pour la recherche stratégique [FRS] a résumé les objectifs assignés à l’APL dans ce nouveau livre blanc : « dissuader et résister à une agression – sauvegarder la sécurité politique nationale, la sécurité de la population et la stabilité sociale – s’opposer à ‘l’indépendance de Taiwan’ et la contenir – sévir contre les partisans de mouvements séparatistes tels que ‘l’indépendance du Tibet’ et la création du ‘Turkestan oriental’ – sauvegarder la souveraineté nationale, l’unité, l’intégrité territoriale et la sécurité – protéger les droits et les intérêts maritimes de la Chine – protéger les intérêts de la Chine en matière de sécurité dans l’espace extra-atmosphérique, l’espace électromagnétique et le cyberespace – protéger les intérêts de la Chine à l’étranger – et soutenir le développement durable du pays. »

Quoi qu’il en soit, et comme il avait déjà abordé lors d’une précédente audition, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général François Lecointre, a relevé que l’attitude de la Chine n’était pas forcément toujours très amicale et désintéressée…

« J’observe une attitude de plus en plus agressive de la Chine, au-delà de la mer de Chine, en particulier en Afrique et au travers de la stratégie des nouvelles routes de la soie », a en effet déclaré le général Lecointre, devant les députés de la commission de la Défense. « Vous savez que nous sommes directement confrontés à la présence très puissante et de plus en plus affirmée de la Chine à Djibouti, qui est un pays avec lequel nous avons des accords stratégiques importants », a-t-il ensuite rappelé, sans entrer dans les détails [en tout cas, le compte-rendu de l’audition ne va pas plus loin sur ce sujet].

Pour rappel, situé dans une région hautement stratégique, Djibouti a vu l’influence chinoise se développer considérablement au cours de ces dernières années. Et la tactique utilisée est immuable : pour financer des travaux d’infrastructures, Pékin accorde des prêts importants que l’emprunteur peine à rembourser… ce qui lui permet de prendre le contrôle des secteurs stratégiques qui l’intéressent.

« De fait, les réalisations chinoises ont été largement financées par des prêts chinois à Djibouti. Or, dès 2019, Djibouti va devoir commencer à rembourser ces prêts, alors même que le pays produit peu, en lui-même », expliquait le sénateur Gilbert-Luc Devinaz, co-auteur d’un rapport sur ce sujet. « Dans ces conditions, le risque est grand que le créancier chinois se paye en nature, en récupérant tout ou partie de la propriété des infrastructures », avait-il prévenu.

Plus généralement, l’influence grandissante de la Chine en Afrique préoccupe le général Lecointre. Comme au Gabon, où les forces françaises ont établi un « pôle opérationnel de coopération », après avoir réduit la voilure en 2015.

« Je me suis rendu l’autre jour au Gabon où j’ai dû rappeler à nos partenaires qu’il faudrait choisir entre le partenaire chinois et le partenaire français, qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Pour sa part, la France est là pour aider le Gabon à remonter ses capacités militaires », a ainsi raconté le CEMA.

Par ailleurs, le général Lecointre a eu également un mot pour la zone indo-pacifique, où, là encore, la Chine est à la manoeuvre.

« Nous y sommes dans nos territoires et départements d’Outre-mer et nous continuerons d’y être, dans un premier temps pour préserver nos intérêts ainsi que les ressources naturelles de nos zones économiques exclusives face à des politiques de prédation et de pillage d’un certain nombre d’acteurs locaux, à commencer par les Chinois – qu’ils le fassent de façon directe ou pas », a indiqué le CEMA.

« Nous sommes très actifs en nous renseignant et en déployant des moyens de renseignement et d’action, notamment navals. La LPM [Loi de programmation militaire] prévoit que nous renforcions nos capacités d’action ou que nous les renouvelions qu’il s’agisse des moyens d’action que nous avons dans le Pacifique, en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie », a-t-il rappelé.

En tout cas, le général Lecointre s’est dit « inquiet de constater l’affirmation de la puissance chinoise ». Et de conclure : « Il ne faut pas être naïf, mais ferme dans notre posture. Cela étant, nous ne pourrons pas le faire seuls. »

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