Pour M. Trump, les États-Unis auraient pu « gagner la guerre en Afghanistan en dix jours »
Cela fera bientôt 18 ans que les forces américaines sont engagées en Afghanistan… D’où l’empressement de M. Trump à en finir, e, négociant directement avec le mouvement taleb afghan afin de trouver un accord politique d’ici, si possibles, les prochaines élections présidentielles et législatives afghanes.
Sur le terrain, la situation est contrastée. Le mouvement taleb, par ailleurs récemment secoué par des dissensions internes, n’a toujours pas réussi à s’emparer durablement d’une capitale provinciale. En revanche, il a accentué son influence dans les zones rurales tout en infligeant de très lourdes pertes aux forces de sécurité afghanes, qui font leur possible avec leurs lacunes [déficits capacitaires, désertions, etc].
« Au cours de la période considérée, les Taliban et les forces gouvernementales se sont disputé le contrôle de 40 % à 50 % du territoire afghan, et 25 à 30 districts seraient désormais entièrement aux mains des premiers », soulignait récemment un rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions, mise en place dans le cadre de la résolution 1988 relative à l’Afghanistan et adoptée en 2011 par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Selon ce même rapport, le mouvement taleb n’aurait pas de problème pour recruter de nouveaux combattants afin de compenser ses pertes, souvent importantes, et ses finances sont florissantes, grâce au trafic d’opium et d’héroïne ainsi qu’aux activités criminelles et aux dons reçus de « mécènes » installés au Moyen-Orient. Au niveau opérationnel, il est soupçonné de recevoir des appuis extérieurs. Et le tout en restant « le principal partenaire de tous les groupes terroristes qui opèrent en Afghanistan, à l’exception de l’État islamique. »
Ainsi, les liens des taliban avec al-Qaïda demeurent solides. De même qu’avec le réseau Haqqani et le Lashkar-e-Taïba pakistanais, accusé d’être à l’origine des attaques de Bombay, en 2008. Justement, la semaine passée, le fondateur de cette organisation terroriste, Hafiz Saeed, a été arrêté à Gujranwala, dans le centre du Pakistan.
Cette arrestation marque-t-elle un changement dans l’attitude d’Islamabad, vertement critiquée en janvier 2018 par le président Trump? En tout cas, le chef de la Maison Blanche a adopté un ton nettement plus conciliant à l’égard du Pakistan, à l’occasion de la visite à Washington d’Imran Khan, le Premier ministre pakistanais.
« Nous avons fait beaucoup de progrès ces dernières semaines et le Pakistan nous a aidés », a déclaré M. Trump en recevant M. Khan dans le bureau ovale, le 22 juillet. Et cela, grâce à sa fermeté à l’endroit d’Islamabad. « Je pense que le Pakistan ne respectait pas les États-Unis et son président », a-t-il dit.
Puis, s’agissant de l’Afghanistan, M. Trump a qualifié de « ridicule » la durée de la guerre… avant de tenir des propos « fracassants ».
« Nous sommes sur place en Afghanistan depuis 19 ans, c’est ridicule », a dit le chef de la Maison Blanche. « Je pourrais gagner cette guerre en une semaine », a-t-il enchaîné. « Si j’avais voulu gagner la guerre, l’Afghanistan aurait disparu de la surface de la Terre. Cela aurait été fini en littéralement dix jours » a-t-il insisté. Mais, a-t-il ajouté « je ne veux juste pas tuer dix millions de personnes. »
En clair, et après avoir donné son feu vert pour le largage d’une GBU-43/B « MOAB » [Massive Ordnance Air Blast Bomb, encore appelée « Mother of all Bombs », mère de toutes bombes] de 10,3 tonnes sur les grottes occupées par la branche afghano-pakistanaise de l’État islamique dans le district d’Achin [province de Nangarhar, est], M. Trump a donc laissé entendre qu’il aurait pu utiliser l’arme nucléaire…
De tels propos n’ont qu’être très mal pris à Kaboul, où le bureau du président afghan, Ashraf Ghani, a demandé au président Trump de clarifier ses déclarations.
« Le gouvernement de la République islamique d’Afghanistan demande des éclaircissements sur les déclarations du président américain », a-t-il fait savoir, via un communiqué. En outre, le revirement de M. Trump au sujet du Pakistan est une autre couleuvre difficile à avaler pour l’exécutif afghan.
En effet, le chef de la Maison Blanche a aussi affirmé que le Pakistan aiderait les États-Unis « à s’extirper » d’Afghanistan et qu’il existe une « énorme potentiel » dans les relations entre Washington et Islamabad.
Or, jusqu’à présent, les autorités afghanes et américaines accusaient le Pakistan de soutenir le mouvement taleb afghan, via l’ISI, son puissant service de renseignement.
« Si le gouvernement afghan soutient les efforts des États-Unis pour assurer la paix en Afghanistan, il souligne que des chefs d’État étrangers ne peuvent déterminer le sort de l’Afghanistan en l’absence des dirigeants afghans », a fait valoir le bureau du président Ghani.
Photo : Explosion d’une GBU-43/B dans la province afghane de Nangarhar, en avril 2017