Ce que prévoit le Haut-Commissaire à la réforme des retraites pour les militaires

La semaine passée, dans son rapport intitulé « Améliorer la condition militaire : une nécessité stratégique, opérationnelle et humaine », le sénateur Dominique de Legge s’était inquiété des conséquences possibles du nouveau projet de réforme des retraites sur la politique des ressources humaines du ministère des Armées.

« Sa fragilisation serait donc susceptible de mettre ce modèle d’armée, reposant sur des effectifs jeunes, en péril, alors même que le nombre de militaires quittant le service sans droit à pension a d’ores et déjà augmenté ces dernières années. […] Au total, les pensions militaires relèvent davantage d’un système de gestion des ressources humaines, unique dans la fonction publique, et du choix d’un modèle d’armée jeune que d’une pure logique d’assurance-vieillesse », avait en effet affirmé le palementaire.

Pour rappel, le projet de réforme prévoit de mettre en place un système par point, dans lequel chaque euro cotisé donné les mêmes droits, et d’unifier les 42 caisses de retraite actuellement en place.

Peu après la publication du rapport de M. de Legge, le président Macron a une nouvelle assuré que la singuralité du métier militaire et que les exigences de la politique du ministère des Armées en matière de ressources humaines seraient pris en compte dans ce projet, préparé par Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites.

« Il est vrai que la condition militaire est un trébuchet dont le déséquilibre peut avoir de lourdes conséquences sur l’efficacité opérationnelle de nos armées, qui en constituent la finalité », a affirmé le chef de l’État dans son discours prononcé à l’Hôtel de Brienne, le 13 juillet.

« C’est pour cela qu’il ne faut pas raisonner en termes de normes administratives ou par comparaisons, de manière technocratique. L’état militaire est un état singulier, et cette singularité nous oblige à tracer un chemin propre, balisé par le statut militaire, qui prévoit une juste compensation aux contraintes, aux sujétions qui s’imposent à vous », a-t-il enchaîné.

« Il n’y a donc pas lieu de transiger avec l’exigence de disponibilité en tout temps et en tout lieu, qui est le corollaire du principe constitutionnel de libre disposition des forces armées. Et il faut sans cesse rappeler que le service des armes est imprévisible, risqué, dangereux, qu’il implique esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême », a ensuite rappelé Emmanuel Macron.

« Alors, je le redis : la singularité du métier militaire et les exigences du modèle d’armée, une armée tournée vers les opérations, seront prises en compte dans les réformes à venir, notamment celle de notre système de retraite. Les pensions militaires relèvent d’abord de la condition militaire et d’un contrat passé entre la nation et ses armées », a assuré le chef de l’Élysée.

Cinq jours plus tard, M. Delevoye a livré ses « préconisations pour un système universel de retraite » [.pdf]. Si les détails restent à préciser, voici ce qu’il propose pour les militaires.

« Le maintien de forces armées opérationnelles comporte un impératif de jeunesse des effectifs militaires. Les retraites des militaires ont par conséquent aujourd’hui des règles spécifiques qui ouvrent des droits à un départ précoce à la retraite, permettant ainsi un renouvellement permanent des effectifs. Ces retraites précoces garantissent également la reconversion professionnelle des militaires avec une absence de restrictions au cumul d’une activité professionnelle et du versement d’une pension de retraite de militaire », explique le Haut-Commissaire.

Aussi, avance-t-il, le « système universel maintiendra ces particularités objectivement justifiées par les missions assignées aux militaires. »

Concrètement, la retraite à jouissance immédiate « sera maintenue dans les conditions actuelles ». Ce qui fait que pour les militaires du rang et les sous-officiers, le « droit à un départ à la retraite continuera d’être ouvert à compter de 17 années de service », ce qui « permettra une liquidation immédiate de la retraite. » Mais, comme actuellement, une décote sera appliquée pour les « départs « intervenant avant d’avoir atteint 19,5 années de service. »

« Pour les officiers, le droit à une retraite immédiate sera maintenu dans les conditions actuelles de durée de service. Concernant les officiers dont la limite d’âge est inférieure à 57 ans, une décote sera appliquée pour tous les départs intervenant avant 29,5 années de service. Pour ceux dont la limite d’âge est comprise entre 57 et 62 ans. Il sera fixé un âge du taux plein correspondant à l’âge moyen de départ constaté pour ces catégories de militaires », propose M. Delevoye.

Enfin, poursuit-il, pour les « les militaires dont la limite d’âge est supérieure à 62 ans, les règles de droit commun s’appliqueront. L’âge du taux plein sera par conséquent celui de l’ensemble
des assurés. »

S’agissant des bonifications relatives aux opérations extérieures, le les bénéfices de demi-campagne [18 mois retenus dans la liquidation de la pension pour un an de services militaires effectifs], des campagne simple [2 ans retenus pour un an de services militaires effectifs] et de campagne double [soit 3 ans retenus pour un an de services militaires effectifs, octroyée « pour le service accompli en opérations de guerre »] devraient s’effacer au profit d’un système par points.

« L’engagement des militaires les conduit à accomplir, au nom de la Nation, des missions particulières durant lesquelles leur vie peut être mise en danger. À ce titre, ils bénéficieront de points spécifiques dans des situations qui seront définies en étroite concertation avec le ministère des Armées », précise en effet M. Delevoye.

« Tout comme pour les fonctionnaires occupant des fonctions régaliennes, un objectif de maintien des niveaux globaux actuels de retraite sera poursuivi avec, le cas échéant, un mécanisme de surcotisation de l’employeur », conclut-il.

Photo : armée de Terre

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