La mission « Clemenceau » est terminée pour le porte-avions Charles de Gaulle et son groupe aéronaval

Quand il a appareillé de Toulon avec son groupe aéronaval [frégates Forbin, Latouche-Tréville et Provence, du bâtiment de commandement et de ravitaillement Marne et un sous-marin nucléaire d’attaque], le 5 mars dernier, pour la mission « Clemenceau », sa première depuis son second Arrêt technique majeur [ATM], le porte-avions Charles de Gaulle avait devant lui un programme extrêmement chargé.

Depuis, en effet, le groupe aéronaval [GAN ou Task Force 473] a intégré l’opération Chammal au Levant, avant de rejoindre la région indo-pacifique pour y mener une série d’exercices avec des forces navales amies, afin d’être en phase avec la volonté du président Macron de constituer un axe « indo-pacifique » pour contrer les velléités d’expansion chinoise et défendre les intérêts de la France. D’où, d’ailleurs, sa présence au Shangri-La Dialogue [Singapour], où la ministre des Armées, Florence Parly, a développé la stratégie française dans la région Indo-Pacifique.

En outre, le GAN de nouveau démontré, à cette occasion, qu’il pouvait être un moyen d’agréger des forces européennes dans la mesure où les frégates danoise « Niels Juel » et portugaise « Corte Real » l’ont accompagné pendant un temps.

Plusieurs exercices ont été menés avec l’Inde [Varuna], les États-Unis, l’Australie et le Japon. « À chaque fois que nous sommes passés à côté de pays avec qui nous avons des intérêts partagés, nous en avons profité pour mener des actions de coopération », comme avec le Vietnam ou encore avec Singapour, a ainsi souligné, auprès de l’AFP, le contre-amiral Marc Aussedat, qui a succédé au vice-amiral Lebas à la tête du groupe aéronaval le 3 juin dernier.

Le groupe aéronaval est « là pour appuyer un message d’engagement de la France dans la région. C’est de la diplomatie navale au service d’un message politique fort qui consiste simplement à rappeler que la France est une puissance navale engagée pour défendre le droit international », avait d’ailleurs expliqué le vice-amiral Lebas au Journal du Dimanche, peu avant de quitter ses fonctions.

Et d’ajouter : « Il est crucial que la liberté [de navigation] soit garantie. C’est un aspect ­fondamental de l’économie du monde. Une partie du trafic de données numériques passe aussi par des câbles sous-marins. Or, il y a une militarisation des espaces avec le retour des États-puissances dont les forces navales sont de plus en plus nombreuses. Cela crée de la crispation. »

La mission Clemenceau n’a pas été épargnée par les imprévus, comme quand 7 avions Rafale M furent contraints de se poser « en urgence » sur la piste de la base aérienne « Sultan Iskandar Muda », [province d’Aceh, en Indonésie], à cause d’une tempête tropicale.

Interrogé sur cet épisode par un député lors d’une audition à l’Assemblée nationale, Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, a rassuré sur les capacités du Rafale à opérer dans des conditions météorologiques dégradées.

« Le Rafale, je vous rassure, vole dans l’orage, mais quand vous faites, en temps de paix, un exercice au fin fond de l’Indonésie, que les avions doivent revenir au porte-avions et que passe par là un ouragan, on dit aux avions : ‘Attendez que ça passe ». Les avions ont donc été détournés vers le terrain le plus proche, en Indonésie, pays ami, en attendant que le grain passe, car ça chahutait dur », a raconté M. Trappier.

Les avions de combat sont « sont faits pour aller d’un point à un autre à travers toutes sortes d’intempéries ou même à travers les gros cumulus de ces régions. Ils sont résistants à la foudre, à la grêle, mais ce n’est pas la peine de prendre des risques, car on sait que les conditions climatiques peuvent être très dures dans ces secteurs. Quand la météo est aussi défavorable, il est également plus difficile de retrouver le porte-avions et même d’apponter. Il se serait agi de F/A-18, ç’aurait été pareil », a ensuite fait valoir le patron de Dassault Aviation.

Quoi qu’il en soit, la mission Clemenceau est désormais terminée. Ce 7 juillet, le ministère des Armées a annoncé le retour du Charles-de-Gaulle et de son escorte à Toulon. « Dans un contexte géostratégique en mutation, ce déploiement du groupe aéronaval, vecteur clé de la projection de puissance, agrégateur de forces et catalyseur de coopérations, a permis de soutenir la stratégie nationale dans la région indopacifique et de contribuer à l’autonomie d’appréciation de situation de la France », a-t-il résumé dans un communiqué.

Les chiffres qu’il a donnés à l’occasion de ce retour illustrent l’intensité de la mission Clemenceau : en 125 jours, le GAN a assuré 2.744 catapultages, parcouru 36.000 milles [soit une fois et demi le tour de la terre], eu 29 interactions avec 18 pays différents, intégré 7 navires de combats étrangers de 6 nationalités différentes et assuré 83 ravitaillements à la mer avec 19 bâtiments de 11 nationalités.

La priorité du GAN est désormais de se « régénérer ». Et cela vaut pour les marins comme pour les équipements.

« Jusqu’à 3.800 marins ont constitué le groupe aéronaval, ils vont dans un premier temps se reposer. Quatre mois avec quatre escales, cela représente un taux d’effort important, sans dimanche, sans week-end en mer », a ainsi souligné le contre-amiral Marc Aussedat, dans un entretien donné à l’AFP. Et d’assurer que le GAN sera prêt à repartir « avant la fin de l’année, en fonction du besoin ou de l’ambition politique » de la France.

Photo : Marine nationale

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