Une agence du Pentagone lance un appel à projets pour une mini-station spatiale militaire

Durant les années 1960, et alors que le programme Gemini allait vers sa fin et que se préparaient les vols Apollo, le Pentagone eut l’idée de placer en orbite une station spatiale de 22 mètres de long et de 3 mètres de diamètre pour, officiellement, « amener de nouvelles connaissances sur ce que l’Homme peut faire dans l’espace » [dixit le président Johnson]. En réalité, ce projet appelé « Manned orbital laboratory » [MOL] et pour lequel 17 astronautres furent sélectionnés, avait une dimension strictement militaire.

En effet, à l’époque, les satellites dédiés au renseignement spatial n’était pas aussi performants et fiables que ceux actuellement en service. En outre, l’avion espion U2 abattu au-dessus de l’Union soviétique en 1960 montra les limites de ce mode d’acquisition d’informations sur le dispositifs adverses. Doù l’idée de cette station spatiale militaire, dont l’équipage [2 astronautes] aurait eu à mettre en oeuvre toute une série de caméras et de radars installés dans un compartiement « top secret » appelé « Dorian ».

En outre, les sorties extravéhiculaires étant désormais maîtrisées, les astronautres de cette station spatiale auraient pu mener des actions de sabotage contre des satellites soviétiques, voire les récupérer. Le 3 novembre 1966, une fusée Titan III-C décolla de Cap Kennedy en emportant un « bus spatial » [un réservoir d’une fusée Titan II, ndlr] de 11,5 mètres de long pour un diamètre de 3 mètres, ainsi qu’une capsule Gemini inhabité. Et cela, pour simuler la forme et les dimensions que devait avoir le futur « laboratoire orbital ».

Cependant, et alors que, de leur côté, les Soviétiques planchaient sur un programme identique qui, appelé « Almaz », sera à l’origine des stations spatiales civiles Saliut, le projet MOL fut finalement abandonné, les vols Apollo et la guerre du Vietnam ayant « siphonné » les crédits. En outre, les progrès des satellites espions, comme le KH-9 Hexagon [lancé en 1971], firent le reste, d’autant plus que leur coût était beaucoup plus abordable.

Déclassifiés en 2016 par le Pentagone, les documents relatifs au programme MOL ne sont désormais plus consultables en ligne.

Plus de cinquante ans après l’abandon de ce projet, une unité du Pentagone, en l’occurrence la Defense Innovation Unit [DIU], a lancé une « sollication » auprès des industriels pour la mise au point d’une petite station spatiale [un « avant-poste »] autonome, pouvant accueillir une charge utile de 80 kg dans un espace intérieur de 1 mètre-cube et permettre des expériences en orbite. En outre, elle devra disposer d’un bras robotique et être modulaire, c’est à dire que d’autres éléments lui seraient ajoutés par la suite. A priori, selon l’avis posté, il ne serait pas exclu que, à avenir, des équipages puissent être admis à bord. Si possible, un tel projet devrait être prêt d’ici deux ans.

Pour le moment, ce « poste orbital avancé » ne fait pas partie d’un programme : la sollicitation émise par la DIU est une invitation aux industriels pour qu’ils soumettent des idées pour répondre aux besoins éventuels des forces américaines.

Interrogé par le site Breaking Defence, le colonel Steve Butow, responsable des activités spatiales de la DIU, a expliqué que cette démarche vise avant tout à « créer un vaste réseau de solutions commerciales pouvant répondre aux besoins fondamentaux décrits dans la première partie de la sollicitation », laquelle porte sur le traitement massif de données, la robotique et les systèmes autonomes. Les militaires sont « plus intéressés par le ‘comment’ que par le ‘pourquoi' », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, dans le même temps, la Space Development Agency [SDA], une structure créée en mars dernier sous l’autorité du sous-secrétaire à la Défense pour la recherche et l’ingénierie et dont le premier directeur a déjà rendu son tablier, a publié sa première sollicitation afin de « développer et déployer rapidement une architecture spatiale de nouvelle génération afin de contrer les efforts presque comparables visant à contester ou à nier [les] systèmes [américains] basés dans l’espace. »

Photo : illustration du programme MOL

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