La Cour des comptes veut que les grades des gendarmes spécialistes réservistes correspondent à leurs compétences

Alors chargé de mission à l’Élysée et coordinateur de différents services lors des déplacements officiels et privés du président de la République, Alexandre Benalla défraya la chronique durant l’été 2018 dans la mesure où il était accusé d’avoir usurpé la qualité de policer et pris part à des actions de maintien de l’ordre lors des manifestations du 1er mai, à Paris.

La polémique prit encore un peu plus d’ampleur quand il fut révélé que M. Benalla, alors âgé de 26 ans, avait le grade de lieutenant-colonel de réserve au sein de la Gendarmerie nationale.

Cela étant, l’ex-chargé de mission avait intégré la réserve opérationnelle « sécurité publique » de la Gendarmerie à l’issue d’une préparation militaire gendarmerie [PMG] en 2009. Et il effectua, pendant six ans, un travail de sécurité publique générale en tant que gendarme adjoint.

Radié, à sa demande, de cette réserve « sécurité publique », M. Benalla intégra ensuite la réserve « spécialiste » de la Gendarmerie avec les galons de lieutenant-colonel. Un grade qui lui fut attribué sur proposition du général Richard Lizurey, le directeur de la Gendarmerie nationale [DGGN].

Une telle décision fut prise en vertu de l’article L4221-3 du code de la Défense. « Les forces armées et formations rattachées peuvent avoir recours à des spécialistes volontaires pour exercer des fonctions déterminées correspondant à leur qualification professionnelle civile, sans formation militaire spécifique. Le grade attaché à l’exercice de cette fonction de spécialiste dans la réserve opérationnelle est conféré par arrêté du ministre de la défense, ou du ministre de l’intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale. Il ne donne pas droit à l’exercice du commandement hors du cadre de la fonction exercée », indique ce texte.

Or, dans une enquête sur les « réserves opérationnelles dans la police et la gendarmerie nationales », effectuée à la demande de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes a voulu vérifier si les grades attribués au titre de cet article L4221-3 correspondaient bien à l’expertise des gendarmes réservistes « spécialistes ».

Avant toute chose, les magistrats de la rue Cambon ont souligné l’utilité des dispositions prévues par ce texte dans la mesure où elles permettent « d’employer, sous statut de réserviste militaire, des personnes n’ayant pas accompli de préparation militaire mais détenant des compétences qui manquent dans les viviers ordinaires des armées et de la gendarmerie. »

Et de rappeler que « l’activité de ces réservistes est limitée à ces seules compétences », qu’un « grade leur est accordé [qui détermine leur rémunération] » et qu’ils « peuvent porter l’uniforme. » En outre, leur recrutement « fait l’objet dans la gendarmerie d’un arrêté qui est publié au Bulletin officiel du ministère de l’intérieur [BOMI] », lequel indique « le grade et la fonction qu’ils occuperont au titre de la réserve opérationnelle de niveau 1 à laquelle ils appartiendront et, parfois, l’unité d’emploi. » Ce n’est qu’après la publication de cet arrêté que le réserviste spécialiste signe son contrat d’ESR [Engagement à servir dans la réserve].

Cela étant, dans le cadre de son enquête, la Cour des comptes a examiné les cas de 160 réservistes « spécialistes » de la Gendarmerie. Généralement, de nombreuses nominations n’appellent pas de commentaires particuliers car les « intéressés possèdent des compétences et un âge compatibles avec leur grade, et reçoivent une affectation correspondant à leurs capacités ».

Et de citer l’exemple d’une « juriste de notoriété internationale » recrutée comme « lieutenant-colonel et affectée à l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité́, les génocides et les crimes de guerre [OCLCH] ou encore celui d’un maître deconférence enseignant la gouvernance des systèmes d’information, intelligence économique, gestion de projet et transformation numérique », recruté comme chef d’escadron. »

Mais, parce qu’il y a un « mais », la Cour des comptes a relevé des cas plus « problématiques ». Ainsi, détaille-t-elle, « on trouve, par exemple, une une secrétaire à laquelle a été conféré le grade de maréchal des logis qui n’a d’ailleurs servi, depuis son recrutement, qu’une seule journée, recrutés qui bénéficient d’un grade mais ne font aucune journée de réserve » et des « personnes dont les compétences ne semblent pas établies bien que des grades élevés leur soient conférés. »

Aussi, pour la Cour des comptes, il « ressort de ces exemples que le recrutement de ces spécialistes, dont certains sont très utiles, semble parfois discrétionnaire. » D’où sa recommandation : « il conviendrait donc de mettre en place une procédure qui garantisse la compétence du réserviste et le caractère approprié du grade conféré. »

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