La France songe à se doter d’une arme antisatellite basée sur la technologie dite « d’optique adaptative »
Le président Macron devrait bientôt dévoiler la stratégie qu’entend suivre la France en matière de politique spatiale, dans un contexte marqué par plusieurs enjeux, dont l’avènement du « New Space », le retour de la concurrence entre les grandes puissances concernant la lune et l’arsenalisation de l’espace, avec son cortège de menaces.
En mai, et après avoir souligné la nécessité de mieux protéger les satellites exploités par la France, la ministre des Armées, Florence Parly, avait levé un coin du voile en affirmant que cette stratégie comprendrait un volet « plus offensif ».
« Nous allons continuer à avoir une stratégie défensive [dans l’espace] mais nous ne nous interdisons pas d’avoir une stratégie plus offensive », avait en effet affirmé Mme Parly, lors d’un entretien accordé à Radio Classique.
Or, cela suppose de développer des capacités permettant à la France de protéger ses satellites des engins dits manoeuvrants [comme le russe LUCH-OLYMP, qui s’est récemment intéressé de très près du satellite franco-italien de communications militaires Athena-Fidus], d’exercer son droit à la légitime défense dans l’espace et d’y envisager, donc, des actions « offensives ».
Même si la norme internationale ISO 24113, qui vise à empêcher la production de débris en orbite, n’est pas respectée par tout le monde, il n’est pas question pour la France de développer une arme « cinétique » comme l’a récemment fait l’Inde. Mais d’autres moyens existent : cyberattaques, laser, armes à micro-ondes, objets manoeuvrants, etc.
Cela étant, la France ne part pas d’une feuille blanche. Ainsi, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] a récemment rappelé qu’il « bénéficie d’une expérience significative des armes antisatellites à énergie dirigée, en particulier celles utilisant des lasers. » Et d’ajouter : « Dans le sillage de l’initiative de défense stratégique [IDS, lancée par les États-Unis du président Reagan, ndlr], dans les années 1990, des essais grandeur nature de neutralisation de satellites en fin contractuelle de vie opérationnelle, ont ainsi été menés : de précieuses données ont été recueillies, notamment sur les niveaux d’énergie nécessaires. »
Et, pour la première fois, l’ONERA a communiqué d’une matière très précise sur ce sujet. En effet, Franck Lefèvre, le directeur de l’activité « Défense » de cet organisme de recherche, a confié à Challenges, qu’un projet d’arme anti-satellite est actuellement envisagé.
« Nous travaillons sur une technologie dite d’optique adaptative. L’effet recherché n’est pas de détruire l’objet, mais de l’empêcher d’effectuer sa mission. En concentrant l’énergie sur la cible, on pourrait endommager les panneaux solaires d’un satellite ennemi, ou pénétrer par ses fenêtres optiques et l’éblouir », a ainsi expliqué M. Lefèvre à l’hebdomadaire économique, qui précise qu’une telle étude a été lancée il y a 4 ans, avec un financement de la Direction générale de l’armement [DGA].
Cette technologie dite d’optique adaptative a été développée par l’ONERA dans les années 1980, justement quand le gouvernement de l’époque « voulait évaluer les conséquences éventuelles sur la force de dissuasion de l »initiative de défense stratégique’ américaine », rappellent Olivier Becht et Stéphane Trompille, dans leur récent rapport sur le secteur spatial de défense [.pdf].
« L’optique adaptative permet en effet de s’affranchir des turbulences atmosphériques qui perturbent par exemple un faisceau laser. L’ONERA, à cette occasion, a développé un savoir-faire ‒ notamment en matière de concentration de la lumière et de l’énergie ‒ qui a pu être employé ensuite à d’autres projets, comme les communications optiques, ou la recherche médicale sur la rétine, dont l’état serait prédictif de diverses pathologies et qui ouvre un champ d’applications biométriques. Mais c’est en astronomie que ces techniques ont trouvé leurs premières applications, domaine dans lequel l’ONERA se classe au premier rang mondial depuis plus de vingt ans. Tous les grands télescopes, à l’exception des Américains, utilisent ces savoir-faire », expliquent les deux parlementaires.