S-400/Turquie : Les États-Unis menacent de suspendre la formation des futurs pilotes turcs de F-35

Sous-secrétaire adjoint à la Défense chargé des relations avec l’Europe et l’Otan, Andrew Winternitz a adressé une nouvelle mise en garde à la Turquie, au sujet de l’intention de cette dernière de se doter de systèmes russe de défense aérienne S-400 « Triumph ».

« L »achat par la Turquie des systèmes de défense antiaérienne S-400 crée un risque inacceptable pour les États-Unis. Il n’y a aucune mesure qui peut atténuer nos inquiétudes par rapport à ce sujet », a en effet lancé M. Winternitz, lors de l’EU & Foreign Policy Defense Forum, le 6 juin. « Cela met en péril les avantages que les F-35 présentent par rapport aux défenses russes en cas de conflit » tout en étant « incompatible » avec les « engagements » pris par Ankara « à l’égard de l’Otan. »

« Le S-400 est un système russe conçu pour abattre un avion comme le F-35. […] Et il est inconcevable d’imaginer que la Russie ne profite pas de cette opportunité pour collecter [des renseignements », fit aussi valoir, quelques jours plus tôt, Kathryn Wheelbarger, secrétaire adjoint à la Défense en charge de la sécurité internationale.

Pour rappel, la Turquie est partenaire du programme d’avion dit de 5e génération F-35, conduit par Lockheed-Martin. Et elle en a commandé 100 exemplaires. Dans le même temps, elle entend également se procurer quatre batteries de défense aérienne S-400 auprès de la Russie. D’où les tensions actuelles entre Ankara et Washington.

Actuellement, six pilotes et une vingtaine de techniciens turcs sont présents à Luke Air Force Base afin de suivre un entraînement et une formation pour pouvoir mettre en oeuvre le F-35. Or, selon l’agence Reuters, les États-Unis ont décidé de plus assurer la formation d’aviateurs turcs supplémentaires, tant qu’Ankara n’aura pas renoncé à acquérir des systèmes S-400.

En réalité, l’administration compte aller encore plus loin. En effet, d’après la revue Foreign Policy, le chef du Pentagone, Patrick Shanahan, a adressé un courrier à Hulusi Akar, son homologue à Ankara, pour le prévenir que, si la Turquie persistait à vouloir se doter de S-400, la formation des pilotes turcs de F-35 allait être suspendue à compter du 31 juillet prochain. Et cela vaut également pour les techniciens. Qui plus est, ces derniers devront avoir quitté les bases de Luke et d’Eglin à cette date.

« Si elle va au bout de la réception des S-400, la Turquie le paiera très cher », avait en outre encore prévenu Morgan Ortagus, la porte-parole de la diplomatie américaine, avant de menacer Ankara de sanctions « très dures », qui viendraient s’ajouter à la suspension des livraisons de F-35.

Seulement, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, reste inflexible sur ce dossier. « Nous avons passé un accord [avec la Russie]. Nous sommes déterminés. Il n’est pas question de faire machine arrière », a-t-il assuré, une fois encore, le 4 juin. Mieux : la Turquie envisage même de participer à la production du S-500, le futur système russe de défense aérienne.

Invité à s’exprimer devant la commission des Affaires étrangères et des Forces armées du Sénat français, Faruk Kaymakci, le numéro deux de la diplomatie turque, a expliqué la position de son gouvernement dans cette affaiere.

« Concernant les missiles S-400, à nos yeux, ce n’était pas un choix, c’était une obligation. La crise en Syrie a donné lieu à des attaques de missiles et de mortiers vers la Turquie, qui ont fait 400 victimes, pour la moitié syriennes. Nous avons demandé à nos alliés de nous aider en soutenant la défense aérienne de la Turquie par un tel système. Nous avons reçu, à l’origine, le soutien des États-Unis, de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne, mais les États-Unis et l’Allemagne se sont ensuite retirés. Que faire face à un tel problème de sécurité? », a commencé par rappeler M. Kaymakci.

« La Russie n’était pas notre premier choix, mais nos alliés n’ont pas répondu à nos besoins. Nous nous sommes ensuite adressés à la Chine, mais la Russie nous a fait une proposition qui nous convenait mieux, car elle comprenait un transfert de technologie », a ensuite ajouté le vice-ministre turc.

Cela étant, a-t-il assuré, il ne s’agit pas pour Ankara de « coopérer avec la Russie pour détruire l’Otan ou ou créer une alternative à cette organisation. »

« La Turquie appartient à l’Occident, la Turquie appartient à l’Otan. Nous avons été les premiers à répondre à l’appel de l’Otan, pendant la guerre froide, puis dans les Balkans et en Afghanistan, mais quand, à notre tour, nous avons eu besoin de l’Alliance, nous n’avons pas reçu d’aide. S’il s’agit d’une alliance de solidarité et de défense commune, il faut agir ensemble! », a pousuivi M. Kaymakci. Ce qui est quand même assez exagéré…

« L’acquisition de ce système n’est pas un changement d’alliance, c’est une réponse à un besoin », a cependant insisté le responsable turc. Toutefois, a-t-il souligné, « il ne faut pas oublier la réalité de la Russie dans la région » et Ankara a besoin de « coopérer » avec Moscou sur le dossier syrien. En outre, a encore rappelé le responsable turc, la moitié du gaz importé en Turquie est… russe.

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