Les États-Unis envisagent de livrer des missiles anti-navires à l’Ukraine
C’est en juin prochain que la Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye se penchera sur la question du détroit de Kertch, lequel permet d’accéder à la mer d’Azov depuis la mer Noire. Jusqu’en 2014, elle ne se posait pas étant donné qu’un accord Kiev et Moscou en fixait les modalités de passage.
Seulement, la Crimée étant passée sous son giron, la Russie contrôle de facto les deux rives du détroit de Kertch, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’Ukraine, qui a vu s’effondrer le trafic commercial en direction de ses ports donnant sur la mer d’Azov [Marioupol et de Berdyansk], en raison de la multiplication des contrôles par la garde-côtière russe et aussi de la construction d’un pont dont la hauteur est insuffisante pour laisser passer la plupar des navires de commerce.
Selon le gouvernement ukrainien, cet « étranglement » des ports donnant sur la mer d’Azov a entraîné une perte de 400 millions de dollars depuis que la Russie a pris le contrôle du détroit de Kertch.
Par ailleurs, Kiev craint un nouveau coup de force dans la région de Marioupol, étant donné qu’il est prêté à la Russie le projet de s’assurer une continuité territoriale entre la Crimée et le sud-est de l’Ukraine [Donbass], tenu par des séparatistes acquis à sa cause. Ainsi, elle s’assurerait du contrôle total de la mer d’Azov.
D’où le renforcement, l’an passé des capacités militaires ukrainiennes dans le secteur de Marioupol, avec, notamment, le déploiement de batteries de défense côtière et de navires supplémentaires. En novembre 2018, trois d’entre-eux furent d’ailleurs arraisonnés par les gardes-côtes russes, ce qui entraîna une surcroît de tensions dans la région.
Dans le même temps, et alors que la marine urkrainienne a été décimée en 2014 après la perte de la Crimée, Kiev a continué le développement du Neptun, un missile de croisière anti-navire. D’une portée annoncée de 300 km, ce dernier a fait l’objet d’un nouvel essai en avril dernier. De conception totalement « nationale », il pourrait être rejoint par des munitions du même type… d’origine américaine.
En effet, dans le cadre de l’examen du « National Defense Authorization Act » [NDAA], c’est à dire le budget du Pentagone pour la prochaine année fiscale, le comité sénatorial des Forces armées a approuvé une enveloppe de 300 millions de dollars au titre de l’assistance américaine à l’Ukraine dans le domaine de la sécurité [.pdf]. Soit 50 millions de dollars de plus par rapport à l’exercixe budgétaire en cours.
Sur cette somme, il est question d’affecter 100 millions de dollars pour des « armes létales ». Les systèmes de « défense côtière et les missiles anti-navires » sont « éligibles » à un tel financement.
Cela étant, il n’est pas clair si cette aide servira à doter les forces ukrainiennes de missiles américains [Harpoon Block II ER +?] ou à financer le développement du Neptun.
« Nous sommes sincèrement reconnaissants au Comité des forces armées pour cette décision importante visant à renforcer la sécurité et l’assistance militaire des États-Unis à l’Ukraine dans le cadre de la lutte contre l’agression russe en cours », a commenté la diplomatie ukrainienne, en faisant référence au Donbass.
L’an passé, les États-Unis avaient livré 210 missiles anti-char JAVELIN au forces urkrainiennes, tournant ainsi le dos à la politique prudente du président Obama. Il s’agissait alors de renforcer leurs capacités afin de leur permettre de faire face à la situation dans le Donbass, où les combats ont fait plus de 13.000 tués à ce jour.
Cependant, le Centre pour la sécurité maritime internationale [CIMSEC], installé à Washington, avait estimé à l’époque que Kiev avait plus besoin de missiles anti-navires que de FGM-148 Javelin au regard de l’état de la marine ukrainienne et des menaces potentielles en mer d’Azov.
« Seule l’acquisition de missiles anti-navires appropriés, tels que le Harpoon Block II ER +, permettra à la marine ukrainienne de contrer efficacement les capacités croissantes de la Fédération de Russie en mer Noire. Une décision aussi audacieuse renforcera la sécurité dans cette partie du monde, réduira la nécessité pour les États-Unis d’être constamment présents et fera de l’Ukraine un véritable contributeur à la sécurité de la mer Noire », avait en effet considéré le CIMSEC.
De son côté, la Russie a également décidé de renforcer sa défense anti-navire en Crimée et à proximité du détroit de Kertch. Ainsi, l’agence Tass a indiqué, ce 28 mai, qu’il était question de moderniser le système de défense côtière souterrain Utyos, dans le sud de la péninsule. Doté de missiles de croisière P-35 améliorés, il est en mesure de toucher tout navire évoluant à 300 km de distance.
Photo : Boeing