M. Trump court-circuite le Congrès pour vendre des armes à l’Arabie Saoudite et annonce des renforts au Moyen-Orient

Aux États-Unis, les ventes potentielles d’équipements militaires à un pays étrangers sont encadrées par la procédure dite FMS [Foreing Military Sales]. Un agence dédiée, la DSCA [Defense Security Cooperation Agency], émet un avis dans lequel elle recommande au Congrès de donner un feu vert d’ici 90 jours à la commande d’armes envisagées par un pays tiers.

Le 24 mai, la DSCA a ainsi publié 7 avis de ce type, concernant l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, ces derniers ayant émis le souhait de se doter de drones RQ-21A Blackjack [pour 80 millions de dollars], de missiles Javelin [pour 102 millions] ou encore de 20.004 roquettes de précision APKWS [pour 900 millions].

Seulement, après l’affaire Khashoggi, du nom de ce journaliste saoudien assassiné en Turquie, et au regard de la situation au Yémen, où l’Arabie Saoudite dirige une coalition intervenant contre les rebelles Houthis, appuyés par l’Iran, en soutien du président yéménite, Abdrabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale, les parlementaires américains sont majoritairement dans de moins bonnes dispositions à l’égard de Riyad que par le passé.

En avril, le Congrès adopta une résolution exigeant de l’administration américaine la fin du soutien des États-Unis à la coalition conduite par l’Arabie Saoudite au Yémen. Seulement, le président Trump, qui a engagé un bras de fer avec l’Iran, y mit son veto.

« Cette résolution est une tentative inutile et dangereuse d’affaiblir mes prérogatives constitutionnelles, mettant en danger les vies de citoyens et militaires américains, à la fois aujourd’hui et dans le futur », avait justifié le président Trump à l’époque. Et d’insister : « C’est notre devoir de protéger la sécurité des plus de 80 000 Américains qui résident dans certains pays de la coalition qui ont été victimes d’attaques de Houthis depuis le Yémen. »

En novembre, alors que l’affaire Khashoggi était dans tous les esprits, M. Trump avait réaffirmé que les États-Unis resteraient un « partenaire inébranlable de l’Arabie Saoudite, pour assurer les intérêts de notre pays, d’Israël et de nos autres partenaires dans la région. » Aussi, ce veto présidentielle n’était pas surprenant…

Mais étant donné que l’hostilité grandissante du Congrès à l’égard de l’Arabie Saoudite est susceptible d’avoir des conséquences sur les contrats d’armements passés par Riyad auprès des États-Unis, l’administration Trump a décidé de se passer de l’avis des élus américains.

En effet, le 24 mai, pour débloquer 22 contrats d’armement en attente et essentiellement destinés à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a confirmé que l’administration Trump allait avoir recours à une « procédure d’urgence » afin de contourner le Congrès.

Pour M. Pompeo, cette procédure permettra de « soutenir nos alliés, renforcer la stabilité du Moyen-Orient et aider ces nations à faire de la dissuasion et à se défendre de la République islamique d’Iran. » Et d’insister sur le fait que le partenariat avec ces pays arabes est une « pierre angulaire » de la « stratégie de sécurité nationale des États-Unis. »

Évidemment, cette « procédure d’urgence » n’est pas du goût des élus du Congrès, notamment dans le camp démocrate. L’administration a « invoqué une obscure disposition » législative sur les exportations de munitions à guidage de précision pour passer outre l’avis du Congrès au nom de la menace iranienne », a déploré Bob Menendez, numéro deux de la commission sénatoriale des Affaires étrangères.

« En tentant d’expliquer sa décision, l’administration n’identifie même pas quel mécanisme légal elle pense utiliser, décrit des années de comportement néfaste de la part de l’Iran mais sans expliquer clairement ce qui constitue aujourd’hui une urgence », a estimé le sénateur démocrate. « Une fois de plus, l’administration Trump ne donne pas la priorité à nos intérêts de sécurité nationale de long terme et ne défend pas les droits humains, préférant accorder des faveurs à des pays autoritaires comme l’Arabie saoudite », a-t-il ajouté.

Les sénateur Bob Casey et Chris Van Hollen ont respectivement dénoncé un « mépris total pour le Congrès » et un « abus de pouvoir. » Cette mesure provoque aussi un malaise chez les élus républicains. « La décision présidentielle d’utiliser une procédure d’urgence pour ces ventes est regrettable et nuira aux futurs échanges avec le Congrès », a ainsi réagi Michael McCaul, président de la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre des représentants.

Par ailleurs, le même jour, et après le battage médiatique autour du déploiement du porte-avions USS Abraham Lincoln avec son escorte dans le Golfe arabo-persique et le retour de bombardiers stratégiques [des B-52, ndlr] au Qatar, le Pentagone a annoncé l’envoi de près 900 de militaires supplémentaires et le redéploiement d’un bataillon mettant en oeuvre quatre batteries anti-missiles Patriot au Moyen-Orient.

« Nous allons envoyer un nombre relativement faible de troupes, pour la plupart préventives, et certaines personnes très talentueuses se rendent au Moyen-Orient en ce moment », a confirmé le président Trump.

Ces renforts visent à « améliorer la protection et la sécurité des forces américaines, compte tenu de menaces persistantes de la part de l’Iran, y compris des Gardiens de la Révolution et de leurs soutiens », a ensuite expliqué Patrick Shanahan, le chef du Pentagone. « Ceci est une réponse prudente à des menaces crédibles de la part de l’Iran », a-t-il ajouté.

A priori, il s’agirait de déployer au Moyen-Orient des avions de renseignement ainsi qu’un escadron de chasse supplémentaires.

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