Pour Londres, la clause de défense collective de l’Otan devrait être étendue aux cyberattaques russes

Depuis plusieurs mois, le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information [ANSSI], Guillaume Poupard, évoque régulièrement des tentatives d’intrusion dans les réseaux informatiques critiques de l’État et d’opérateurs d’importance vitale [OIV] français.

« En matière de sabotage, l’avantage est clairement à l’attaque. Cibler certains systèmes se prépare, parfois pendant des mois. Nous avons détecté des cas très inquiétants dans l’année écoulée, notamment une tentative d’intrusion de systèmes de cartographie liés au secteur de l’énergie, qui n’avait qu’un but : la préparation d’actions violentes futures », avait ainsi révélé M. Poupard lors d’une audition au Sénat, en octobre 2018.

Mais, comme à son habitude, il s’était gardé de préciser l’identité de ces intrus aux intentions peu amicales, estimant que cela revenait aux responsables politiques de le faire, en fonction d’un « faisceau » d’indices.

Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, on n’a pas trop l’habitude de tourner autour du pot. Ainsi, à l’occasion d’une conférence de l’Otan sur la cyberdéfense, organisée à Londres, ce 23 mai, le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt, a mis les pieds dans le plat.

« Nous estimons que les services de renseignement russes ciblent des infrastructures nationales essentielles de nombreux pays afin de chercher des failles », a affirmé le chef du Foreign Office. Et d’ajouter que, « au cours des 18 derniers mois, le Centre national de la cybersécurité a partagé des informations avec 16 alliés de l’Otan – et d’autres pays extérieurs à l’Alliance – sur des cyberactivités de la Russie dans leur pays. »

Par ailleurs, M. Hunt a également évoqué les tentatives de la Russie pour s’immiscer dans les processus électoraux, comme aux États-Unis ou en Ukraine [qui n’est pas membre de l’Otan, ndlr]. Toute action de ce genre « viole le droit international – et justifie une réaction proportionnée », a-t-il estimé.

« Ensemble, nous disposons d’options pour réagir aux attaques qui tombent sous le coup de l’article 5 », a ensuite fait valoir le ministre britannique, en faisant référence à la clause de défense collective, pierre angulaire de l’Otan. « Nous devrions être prêts à les utiliser », a-t-il insisté.

Le propos de M. Hunt n’est pas suprenant. Une proposition allant dans ce sens avait été faite en 2018 par Lord Jopling, dans un rapport remis à l’Assemblée parlementaire de l’Otan.

« L’intention de la Russie de recourir à des tactiques hybrides transparaît dans divers documents, dont les plus récents sont la Doctrine militaire de 2014, la Stratégie de sécurité nationale de 2015 et la Doctrine pour la sécurité informatique et informationnelle de 2015. Ces textes préconisent l’élaboration de moyens effectifs d’influencer l’opinion publique à l’étranger et, en cas de besoin, l’emploi de méthodes ‘non traditionnelles' », avait commencé par rappeler le parlementaire britannique.

« Il faudrait insérer un ‘article 5bis’ dans le traité de l’Atlantique Nord afin de baisser le seuil qui déclencherait l’activation éventuelle de la clause de défense collective », avait ensuite plaidé Lord Jopling, considérant que les dispositions en vigueur, comme les articles 3 [assistance mutuelle] et 4 étaient insuffisants face aux enjeux.

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