Libye : Malgré l’embargo sur les armes, les forces anti-Haftar ont reçu des blindés turcs de type BMC Kirpi

Si sa mission portait principalement sur la lutte contre les passeurs de migrants libyens, la force navale européenne EUNAVFOR Sophia avait également pour mandat de faire respecter l’embargo sur les armes imposé à la Libye depuis 2011. En mai 2017, elle réalisa sa première saisie en interceptant le cargo « El Mukhtar » qui, parti du port de Misrata, devait rejoindre la région de Benghazi pour livrer des fusils d’assaut AK-47 des mitrailleuses, des lance-roquettes, des mortiers et des munitions probablement à des milices locales.

Puis, les saisies de ce type se firent plutôt rares. Et, maintenant que qu’elle est privée de ses moyens navals [seuls ont été maintenus ses moyens aéronautiques, ndlr], les violations de l’embargo ne peuvent que se multiplier. Cela étant, et comme l’a souligné un rapport [.pdf] publié en septembre 2018 par le groupe d’experts des Nations unies sur la Libye, la présence d’EUNAVFOR Sophia en Méditerranée centrale n’a nullement empêché les transferts d’armes vers les groupes armés libyens.

« Une augmentation du nombre de véhicules blindés et de pickups équipés de mitrailleuses lourdes, de canons sans recul, de mortiers et de lance-roquettes a été observée dans la zone des combats, notamment dans l’est du pays », indique en effet ce rapport, pour qui « tous les États Membres pourraient renforcer considérablement
les mesures prises pour appliquer l’embargo sur les armes ».

« Des armements et des matériels connexes provenant de stocks de l’ancien régime ou de transferts effectués après 2011 continuent de tomber entre les mains de groupes armés libyens et étrangers. Le détournement d’armes alimente l’insécurité croissante et constitue une menace persistante contre la paix et la sécurité en Libye et
dans les pays voisins. Les combattants et groupes armés étrangers, qui entrent en Libye et en ressortent, tirent profit de la prolifération d’armements et de matériels connexes dans le pays, ce qui entraîne des violations régulières de l’embargo sur les armes », lit-on encore dans ce rapport.

En outre, le groupe d’experts s’interroge également sur la présence d’avions de transport américain C-17 Globemaster III, signalée à plusieurs reprises à Benina [contrôlé par l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar, ndlr] et de Misrata.

« Le Groupe d’experts a demandé aux autorités des États-Unis des informations sur la nature de ces vols et les types d’articles qui ont été transférés en Libye et est toujours dans l’attente d’une réponse », avance le rapport.

Quoi qu’il en soit, ces transferts d’armes profitent essentiellement à l’Armée nationale libyenne [ANL], qui, appuyée par les Émirats arabes unis et l’Égypte, relève du gouvernement établi à Tobrouk, ainsi ainsi qu’aux milices disant soutenir le gouvernement d’entente nationale [GNA], lequel, reconnu par la communauté internationale, a de bons rapport avec la Turquie et le Qatar.

Le rapport du groupe d’experts avance ainsi que « les attaques lancées par l’ANL contre Derna ces 12 derniers mois ont clairement démontré que le nombre de ces véhicules était en constante augmentation depuis l’adoption des sanctions sans qu’aucune demande de dérogation correspondante n’ait été déposée. » Cependant le document ne donne aucune précision sur les véhicules en question.

Pour rappel, Derna était un foyer jihadiste dont l’ANL a pris le contrôle en février 2019, à l’issue de près d’un de combats. Désormais, les troupes du maréchal Haftar tentent de s’emparer de Tripoli, afin de renverser le GNA . Or, depuis qu’elle a été lancée, début avril, cette offensive piétine. Pour la simple et bonne raison qu’elles n’ont pas une supériorité militaire incontestable – malgré l’appui des Émirats arabes unis, notamment – par rapport aux milices anti-Haftar.

Ces dernières ont ainsi reçu, ces derniers jours, de nouveaux matériels militaires, en violation de l’embargo. Ainsi, parti le 9 mai du port de Samsun [Turquie], le cargo Amazon Giurgiulesti , battant pavillon moldave, est arrivé neuf jours plus tard à Tripoli, où il a livré une trentaine de véhicules blindés « Kirpi » de type MRAP [Mine Resistant Ambush Protected], produits par le constructeur turc BMC.

« Le GNA fournit à ses forces qui défendent Tripoli des blindés, des munitions et des armes qualitatives, en préparation à une vaste opération pour anéantir les rebelles » du maréchal Haftar, a indiqué le bureau « média » de l’opération « volcan de la colère », menée par les milices soutenant le gouvernement d’unité nationale.

A priori, ces blindés Kirpi peuvent théoriquement mettre en oeuvre une mitrailleuse téléopérée de 7,62 ou de 12,7 mm.

Pour faire bonne mesure, l’ANL aurait également reçu, si l’on en croit des photographies diffusées via les réseaux sociaux, des blindés de transport de troupe « AL-Mared 8×8 », assemblés par JMSS [Jordan Manufacturing and Services Solutions], une filiale du groupe jordanien KADDB. Ainsi que des Mbomber 6×6 de 27 tonnes, commercialisés par le sud-africain Paramount.

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